Les nouvelles forces politiques en voie d’émergence au Japon

Hashimoto Tôru, un monstre médiatique

Politique

Une bonne part de l’attention politique des Japonais s’est focalisée sur Hashimoto Tôru, le maire d’Osaka. Faut-il le considérer un réformateur ou comme un provocateur ? Un journaliste qui l’a suivi de près nous offre ici un regard éclairé sur ce personnage charismatique.

Contexte politique du Japon

Sakai Kazunari  (membre du comité de Nippon.com)

La politique au Japon après la Seconde Guerre Mondiale est en réalité restée figée dans le schéma du Parti libéral-démocrate (PLD) comme parti au pouvoir à partir de 1955 et du Parti socialiste du Japon comme premier parti d’opposition. Ce qu’on a appelé « le système politique de l’année 1955 », avec le PDL au pouvoir de manière continue, s’est ainsi poursuivi pendant de longues années. Mais dans les années 90, avec l’éclatement de l’économie de bulle financière et la disparition des structures de la guerre froide sur le plan international, un engouement pour les nouveaux partis apparaît au Japon. En 1993, un gouvernement de coalition est formé par M. Hosokawa, principalement autour du Nouveau Parti du Japon, qui détrône ainsi pour la première fois depuis 38 ans le PDL et met fin au système de 1955. Toutefois, le nouveau gouvernement de coalition formé l’année suivante, en 1994, sous la direction de M. Murayama, regroupe trois partis dont le PDL et remet celui-ci sur la scène politique. D’autre part, la révision de la loi sur les élections publiques permet de mettre en place le système de petites circonscriptions et de représentation proportionnelle lors des élections de la Chambre des représentants en 1996, dans l’objectif de faciliter le passage vers un système politique bipartite et un changement de gouvernement.

En 2009, le Parti démocrate du Japon (PDJ), regroupant les forces d’opposition au PDL, bat celui-ci à plates coutures et le système bipartite prend son application dans la vie politique japonaise qui est dominée par deux grands partis, le PDL et le PDJ. Toutefois, sous le gouvernement du PDJ, le cabinet Hatoyama provoque des remous aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan diplomatique avec sa position sur le transfert de la base militaire américaine de Futenma à Okinawa et il est contraint de démissionner en moins d’un an. Le gouvernement de Kan qui lui succède se termine un an et trois mois plus tard, alors que le pays se hâte de mettre en place les mesures pour le grand tremblement de terre de l’Est du Japon et le gouvernement Noda, formé en septembre 2011, ne parvient pas à faire remonter un taux de popularité au plus bas.

Si le passage vers un système bipartite a été accompli, la gestion politique reste entravée par les conflits internes du Parti démocrate. En outre, le Parti libéral-démocrate est majoritaire au Sénat et, avec le parlement divisé, le gouvernement du PDJ ne peut prendre aucune initiative majeure. Malgré le changement de gouvernement qui a pu être accompli grâce au système bipartite, le public japonais est de plus en plus désillusionné de voir les luttes intestines du Parti démocrate freiner ses gouvernements successifs, alors qu’au Sénat, ce même Parti ne peut faire aucune avancée (puisque le PDL est parti majoritaire dans un parlement divisé). Par ailleurs, le PDL, devenu le premier parti d’opposition, n’a pas été capable de faire preuve de suffisamment de présence pour attirer à lui le soutien populaire perdu par le PDJ. Avec la mise à jour du dysfonctionnement aussi bien du parlement que du système bipartite, le soutien du public pour les partis existants, et principalement les deux grands partis, est ajourd’hui en chute libre.

Positionnement de Hashimoto Tôru en tant qu’homme politique

C’est dans ce contexte de désillusion vis-à-vis des deux grands partis politiques que Hashimoto Toru, avocat de profession, a commencé à bénéficier du soutien du public en tant qu’homme politique. Il est considéré pour cette raison, soit comme un récupérateur des frustrations par rapport aux partis existants, soit comme un rassembleur des espoirs, capable de former un troisième parti faisant pendant aux deux institutions en place.

Les méthodes politiques qu’il emploie, en tant que gouverneur d’Osaka à partir de 2008 puis en tant que maire d’Osaka en 2011, planifiant lui-même son apparition dans les médias et se concentrant sur des points attirant facilement l’attention du public, comme les finances ou l’éducation, dans une mise en scène faisant du gouvernement en place l’ennemi, font dire de lui qu’il pratique une version japonaise du populisme.  

Il est également possible de dire que la base de la popularité de Hashimoto provient du désintérêt du public (apathie politique) au vu du fait que le pourcentage de participation lors des différentes élections au Japon est en diminution récemment. En d’autres termes, Hashimoto est soutenu par tous ceux qui, sans faire l’effort de comprendre des problèmes politiques complexes, ont un espoir infondé sur le plan solutionnel dans un « homme qui semble capable de changer la situation actuelle » pleine de frustrations et de craintes, les mesures prises n’ayant qu’une importance secondaire. M. Hashimoto cristallise des attentes fondées sur une position politique relativement claire, d’obédience néo-libéraliste, prônant entre autres l’annulation des règles, la radicalisation des responsabilités personnelles et la promotion de la compétition.

La montée en force de M. Hashimoto peut également être considérée, au vu du processus de son ascension à la fonction de maire d’Osaka jouissant d’un soutien très élevé des habitants et de sa volonté farouche de créer une « métropole d’Osaka », par opposition à la politique nationale prenant pour centre la capitale Tokyo, comme le symbole de la politique régionale dans la seconde plus grande ville du Japon.

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