Les nouvelles forces politiques en voie d’émergence au Japon

Hashimoto Tôru, un monstre médiatique

Politique

Iwaisako Hiroshi [Profil]

Une bonne part de l’attention politique des Japonais s’est focalisée sur Hashimoto Tôru, le maire d’Osaka. Faut-il le considérer un réformateur ou comme un provocateur ? Un journaliste qui l’a suivi de près nous offre ici un regard éclairé sur ce personnage charismatique.

Les « esclaves » du gouvernement central

Comment faire passer le message dans les médias ? C’est avec cette question en tête que M. Hashimoto a concocté le répertoire de formules percutantes qui lui a permis de faire bouger les choses. Exemplaire à cette égard est l’attaque qu’il a lancée contre le dispositif de partage des coûts au titre duquel les autorités locales paient une partie des dépenses de travaux publics engagées par le gouvernement central, entre autres pour l’entretien des routes et les projets d’amélioration des voies d’eau traversant leur territoire. En 2008, quand M. Hashimoto a accédé au poste de gouverneur, Tokyo se contentait d’envoyer aux autorités locales des factures stipulant les montants qui leur incombaient sans fournir de ventilation détaillée, une façon de procéder qui suscitait une profonde irritation dans les collectivités locales. En février 2009, M. Hashimoto a braqué les projecteurs sur ce problème en annonçant que la préfecture allait refuser d’inclure une partie des coûts en question au budget du prochain exercice. Après quoi il se rendit à Tokyo pour y rencontrer le ministre du Territoire, de l’Infrastructure et des Transports, qui est en charge de ce dispositif. Pendant le bref moment où les journalistes et les caméras furent admis dans la salle de réunion, M. Hashimoto proféra cette tonitruante déclaration : « Les régions [les collectivités locales] sont les esclaves du pays [le gouvernement central]. Je demande l’émancipation des esclaves. » L’usage du mot esclave assura une large diffusion de l’avis du gouverneur sur les problèmes inhérents au dispositif en vigueur. Un mois plus tard, une remarque qu’il fit sur le même sujet devant une commission du gouvernement central fit encore plus de remous. Le gouvernement central, déclara-t-il en l’occurrence, était « semblable à un bottakuri bar » — un bar qui présente des additions phénoménales à ses clients. Le problème existait depuis longtemps et l’Association nationale des gouverneurs réclamait depuis 1959 l’abolition du dispositif, mais les gouverneurs n’insistaient pas assez vigoureusement pour obtenir satisfaction, en partie par crainte que Tokyo ne lésine sur les travaux publics dans leurs préfectures respectives. Tout cela a changé avec la déclaration de M. Hashimoto. L’un après l’autre, les gouverneurs ont exprimé leur accord et les pressions exercées par les régions ont provoqué au niveau national des changements qui ont débouché en 2010 sur une abolition partielle du dispositif en question.

M. Hashimoto s’en est également pris aux conseils de l’enseignement préfectoraux et municipaux. Lors de l’évaluation des résultats des élèves des écoles primaires et des écoles secondaires du premier cycle menée à l’échelle de la nation pour l’exercice budgétaire 2008, les conseils de l’enseignement ont publié les résultats ventilés par préfectures, mais pas par communes ou établissements, sous prétexte que cela équivaudrait à établir un « classement ». M. Hashimoto, qui est le père de sept enfants, a profité d’un passage à la radio pour exprimer son point de vue de père de famille, employant une épithète désobligeante (kuso) pour qualifier les conseils et appelant la population à protester. Il a également traité d’« idiots » (baka) les fonctionnaires du ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie (en charge de la coordination nationale des conseils de l’enseignement), et ce devant la presse. En employant ouvertement des mots vulgaires comme kuso et baka, qu’on ne s’attend guère à entendre dans la bouche d’un représentant de l’autorité, il a suscité un tollé, mais son appel à la publication des informations a été très apprécié des parents d’élève et, dès l’année suivante, les conseils de l’enseignement de la préfecture d’Osaka se sont inclinés et ont pris la décision de principe de publier les résultats ventilés par communes.

La personnalité de M. Hashimoto ne fait pas l’unanimité, mais tout le monde reconnaît l’énergie qu’il déploie pour étudier les dossiers dont il s’empare. On dit qu’il est sans rival pour sa façon de disséquer les politiques et les instances qui les mettent en œuvre, d’en débattre et de les appréhender. Comme en témoignent le cas du dispositif de partage des dépenses de travaux publics et celui des conseils de l’enseignement, ses déclarations radicales ne se résument pas à des insultes ; il ne laisse passer aucune carence ni aucun dysfonctionnement du système japonais et le secret de la séduction de ses propos réside dans leur dureté même.

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Iwaisako HiroshiArticles de l'auteur

Journaliste au quotidien Yomiuri Shimbun. Né en 1971. A rejoint le groupe Yomiuri après avoir reçu son diplôme de l’Université de Kyoto. Se consacre depuis 2002 aux informations sur la ville d’Osaka, et plus particulièrement dans les domaines politique et administratif. A commencé à suivre Hashimoto Tôru juste avant l’élection de 2007 du gouverneur d’Osaka.

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