Les nouvelles forces politiques en voie d’émergence au Japon

Hashimoto Tôru, un monstre médiatique

Politique

Iwaisako Hiroshi [Profil]

Une bonne part de l’attention politique des Japonais s’est focalisée sur Hashimoto Tôru, le maire d’Osaka. Faut-il le considérer un réformateur ou comme un provocateur ? Un journaliste qui l’a suivi de près nous offre ici un regard éclairé sur ce personnage charismatique.

La réforme budgétaire, première pièce au répertoire de M. Hashimoto

Avant de devenir gouverneur de la préfecture d’Osaka, M. Hashimoto exerçait le métier d’avocat. Avec ses cheveux teints et les T-shirts et les jeans qu’il portait même au tribunal, il avait une allure peu conventionnelle. Il a expliqué que cela faisait partie d’une stratégie de vente conçue pour laisser une forte impression sur les clients potentiels. Cette attitude, ajoutée à son ardeur au travail, lui a permis d’ouvrir son propre cabinet d’avocat à l’âge de 28 ans, à peine un an après avoir été admis au barreau — une prouesse comparée au dix ans qu’il faut en général pour en arriver là. Après quoi il s’est rapidement taillé une réputation de spécialiste des négociations à l’amiable.

Les talents hors normes de M. Hashimoto ne sont pas passés inaperçus et, quand il a commencé à apparaître à la télévision comme commentateur, il est très vite devenu une vedette, servi par la fascination que le contraste entre son allure désinvolte et l’image collet monté qui s’attache à la profession de juriste exerçait sur les spectateurs. Sakaiya Taichi, un célèbre écrivain d’Osaka, l’a remarqué et l’a encouragé à se porter candidat aux élections pour le poste de gouverneur d’Osaka. Telle est, en raccourci, l’histoire de sa carrière jusqu’à son entrée en politique.

Pour comprendre M. Hashimoto, il est important de prendre en considération son expérience en tant que personnalité de la télévision. Comme il le dit lui-même, la télévision est un média où « vous ne touchez les spectateurs que si vous avez une marque de fabrique à tout casser ». Les commentateurs doivent faire des déclarations claires et simples sur des sujets complexes et parfois choquer le public en formulant des opinions extrêmes. L’ambiguïté n’est pas de mise et le message passe d’autant mieux que les choses sont présentées en noir et blanc. Les comportements qu’il a appris à la télévision, M. Hashimoto les a emportés avec lui dans le monde de la politique. Il a transformé la politique et l’administration en une sorte de théâtre. Loin de s’arrêter aux campagnes électorales, la scène de ce théâtre s’étend aux réunions ordinaires et au processus décisionnel. En affichant ce côté théâtral dans les médias, il s’est créé à la fois des partisans et des adversaires, et il a mis en scène le spectacle de la confrontation.

La première « pièce » qu’il a ainsi orchestrée a été sa campagne de redressement des finances de la préfecture d’Osaka. Il y a de cela quatre ans, quand il a accédé au poste de gouverneur, la préfecture, criblé de dettes à hauteur de quelque 6 000 milliards de yens, arrivait en deuxième position dans le classement des 47 préfectures du Japon selon la gravité du resserrement budgétaire (absence de marges financières). Le jour de son entrée en fonction, le nouveau gouverneur s’adressa au personnel placé sous ses ordres en ces termes : « Cette préfecture est une entreprise en faillite. Vous êtes tous les employés d’une entreprise en faillite. » Cette formule médiatique a réussi à faire passer le message que la réforme budgétaire était indispensable. M. Hashimoto a en outre pris la décision surprise de mettre au rancart le projet de budget, quasiment achevé, de l’exercice qui commençait en avril 2008, remplacé par un budget provisoire couvrant la période avril-juillet, et de concocter un plan de réforme radical pour cet intervalle de quatre mois.

La principale mesure de la réforme budgétaire de M. Hashimoto consistait à réduire les salaires des quelque 90 000 employés de la préfecture, dans des proportions allant de 3,5 % à 16 % selon les postes. À cela s’ajoutait une baisse de 5 % des allocations de retraite, la première de ce genre dans tous les préfectures du pays. Le syndicat des employés de la préfecture a eu beau protester, M. Hashimoto a contre-attaqué en exigeant que les négociations, qui se déroulaient jusque-là à huis clos, soient publiques et, lorsqu’un délégué syndical a dit « cela dépasse les limites de ce que nous pouvons accepter », il lui a répondu « dans une entreprise du secteur privé qui n’arrive pas à joindre les deux bouts, on licencie le personnel ». La retransmission de cet échange sur les médias a provoqué une avalanche de messages du public — dont une immense majorité favorables à M. Hashimoto — destinés aux membres de l’assemblée préfectorale, qui débattait des propositions de réductions. M. Hashimoto a savamment surfé sur la vague du ressentiment de la population à l’égard des fonctionnaires préfectoraux, qui jouissaient de la sécurité de l’emploi alors que la crise économique prolongée provoquait des coupes sombres dans les effectifs du secteur privé. On est en droit de dire que le gouverneur a attisé cette amertume et l’a détournée en sa faveur.

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Iwaisako HiroshiArticles de l'auteur

Journaliste au quotidien Yomiuri Shimbun. Né en 1971. A rejoint le groupe Yomiuri après avoir reçu son diplôme de l’Université de Kyoto. Se consacre depuis 2002 aux informations sur la ville d’Osaka, et plus particulièrement dans les domaines politique et administratif. A commencé à suivre Hashimoto Tôru juste avant l’élection de 2007 du gouverneur d’Osaka.

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