Quand gourmandise rime avec plaisir
La cuisine de la diaspora japonaise du Pérou : un goût qui possède les deux cultures
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En 1897, les gouvernements japonais et péruvien ont convenu d’ouvrir la région côtière du Pérou à l’installation d’agriculteurs japonais. Ce projet devint réalité en 1899, quand une première vague de 790 immigrés japonais débarqua au Pérou. La rencontre des deux cultures s’est ainsi opérée. Au fil du temps, ce sont des milliers d’immigrés qui se sont installés dans ce pays tout en maintenant leur culture japonaise. C’est particulièrement visible dans les traditions culinaires de leurs descendants, ce qu’on appelle la « culture nikkei péruvienne » et la « cuisine nikkei péruvienne ».
Bon nombre de descendants de Japonais, qui sont nés et ont grandi au Pérou, reviennent actuellement au Japon. Comme Rosa-Hatsué Miyahira, dont la famille est originaire d’Okinawa. Elle a ouvert à Kawasaki, dans la préfecture de Kanagawa, un restaurant de cuisine nikkei-péruvienne qu’elle a appelé « Inti Raimi(*1) ». C’est par le goût qu’elle a choisi de transmettre la part de sa culture péruvienne aux Japonais.
Comme le dit Mme Miyahira : « Les Japonais connaissent le Chili, l’Argentine, L’Espagne. Mais le Pérou est peu connu. Nous avons pensé que la gastronomie était le meilleur moyen de transmettre cette culture »
Des familles liées au Pérou par plusieurs générations
Les grands-parents de Mme Miyahira faisaient partie des premiers immigrants japonais il y a 114 ans. Au début de leur arrivée, ils ont travaillé dans une ferme. Plus tard, ils ont ouvert une boulangerie familiale. C’est en 1964, l’année des premiers Jeux Olympiques de Tokyo, que Hatsue, alors âgée de 17 ans, sa mère et son jeune frère, partirent eux aussi au Pérou pour prendre soin de la grand-mère tombée malade.
À l’époque, Okinawa n’était pas encore vraiment modernisée. Lors de son arrivée au Pérou, elle fut très surprise de découvrir un pays où existaient de nombreuses constructions en béton. Elle ne connaissait que quelques mots d’espagnol mais a tout de suite commencé à travailler dans la boulangerie familiale. « L’essentiel pour moi a été d’apprendre les chiffres », raconte-t-elle. Quelques années plus tard, elle a épousé un homme lui aussi originaire d’Okinawa. Tous deux commencèrent une activité de grossistes. Et vingt-sept ans plus tard, en revenant au Japon, quelle ne fut pas sa surprise de voir comment le Japon s’était développé rapidement.
La famille Miyahira a décidé de rentrer au Japon principalement à cause de la situation économique instable, et du terrorisme du mouvement d’extrême gauche du Sentier Lumineux dans les années 1980-90. C’est à cette époque, vers 1990, que de nombreux immigrés japonais ont décidé de retourner au Japon. À son retour, comme de nombreux autres immigrés dans sa situation, elle a travaillé en usine. Ensuite, voyant qu’ils étaient de plus en plus nombreux dans son cas, elle a ouvert le restaurant « Inti Raimi ».
Une harmonie du goût qui raconte les liens des cultures
Mme Miyahira s’est activement engagée pour la diffusion de la culture du Pérou au Japon en travaillant au restaurant avec sa fille Miyuki, née au Pérou. Elles insistent beaucoup sur le mariage de la cuisine japonaise avec la cuisine péruvienne.
« Nous utilisons des ingrédients de base japonais, comme la viande et le poisson, que nous assaisonnons avec les épices typiques du Pérou, telles différentes sortes de piments. Comme nos cuisiniers sont péruviens, ils font une cuisine authentique, dont le goût ne se plie pas aux standards japonais. Nous y tenons beaucoup, et nous en sommes très fiers. »
Elle raconte combien il a fallu de temps aux immigrés japonais pour s’habituer au goût de la cuisine péruvienne. « Bien entendu, notre assaisonnement est péruvien, mais comme nous venons d’une culture de la diaspora, nous utilisons aussi les assaisonnements japonais, comme la sauce de soja. » Par exemple, pour les clients végétariens ou qui ne peuvent pas manger de viande, Mme Miyahira fait un Lomo saltado, un plat régional de bœuf aux influences asiatiques très populaire au Pérou, en remplaçant le bœuf par du tôfu frit.
« Nous avons également des recettes originales, par exemple un ceviche, plat très connu de poisson blanc et de poulpe, que nous faisons avec du kamaboko [surimi bouilli] au goût très doux, et notre nikkei tiradito n’est pas du sashimi mais un mariné de poisson cru assaisonné avec un piment péruvien appelé aji amarillo, de la sauce soja et du citron. L’aji amarillo remplace le wasabi depuis l’époque où il était très difficile de trouver du wasabi au Pérou.
Nous avons aussi des boissons typiquement péruviennes : la bière Cusqueña et la bière Cristal, le Inca Kola qui est une boisson gazeuse aux herbes, et le chichi morada, une boisson de maïs violet. Les jeunes Japonais s’habituent très bien à la cuisine péruvienne, c’est une véritable mode, actuellement. »
Le goût de la culture nikkei-péruvienne
Voici quelques unes des recettes nées de l’harmonie des cuisines japonaise et péruvienne.
Ceviche de Kamaboko : Kamaboko [surimi bouilli] assaisonné avec une sauce aux agrumes, accompagné de deux variétés de maïs du Pérou. Le goût très doux du kamaboko s’allie parfaitement avec la sauce aigre.
Tiradito : De fines tranches de poisson cru façon sashimi, avec une sauce préparée avec de la sauce de soja, du citron, et un piment péruvien. C’est très rafraîchissant.
Papas Raimi : Pommes de terre bouillies avec quatre sauces différentes (au piment, olives, « Menthe noire du Pérou » Huakatay, et gros piment). Une fusion de goûts et de couleurs.
Cau cau : Pot-au-feu de pommes de terre et tripes avec du piment jaune. Ce plat se mange habituellement avec du riz. Également excellent préparé avec d’autres sortes de viande, du poisson ou des fruits de mer.
Pescado al sillao : Le sillao (prononcer « jijao ») est en fait la déformation du mot chinois qui signifie « sauce de soja ». C’est un poisson bouilli à la sauce de soja. Un plat qui fait sentir toute l’influence de l’Asie sur la culture péruvienne.
(*1) ^ Inti Raimi : “Fête du Soleil” en quechua. Cette fête est l’une des quatre grandes cérémonies de la civilisation Inca, présente dans la région andine depuis des siècles. Elle se donne au solstice d’hiver, fête religieuse dédiée à Inti, notre père à tous.