Les nouvelles forces politiques en voie d’émergence au Japon

Hashimoto Tôru, un monstre médiatique

Politique

Une bonne part de l’attention politique des Japonais s’est focalisée sur Hashimoto Tôru, le maire d’Osaka. Faut-il le considérer un réformateur ou comme un provocateur ? Un journaliste qui l’a suivi de près nous offre ici un regard éclairé sur ce personnage charismatique.

Introduction 
Sakai Kazunari  (membre du comité de Nippon.com)

Contexte politique du Japon

La politique au Japon après la Seconde Guerre Mondiale est en réalité restée figée dans le schéma du Parti libéral-démocrate (PLD) comme parti au pouvoir à partir de 1955 et du Parti socialiste du Japon comme premier parti d’opposition. Ce qu’on a appelé « le système politique de l’année 1955 », avec le PDL au pouvoir de manière continue, s’est ainsi poursuivi pendant de longues années. Mais dans les années 90, avec l’éclatement de l’économie de bulle financière et la disparition des structures de la guerre froide sur le plan international, un engouement pour les nouveaux partis apparaît au Japon. (...) plus

 

Qui au juste est Hashimoto Tôru, le maire d’Osaka ? Voilà une question que tous les organes des médias japonais tentent d’élucider. Est-ce un authentique réformateur ou un démagogue d’une trempe exceptionnelle ? Va-t-il brûler comme un feu de paille ou a-t-il l’envergure d’un futur premier ministre ? Son image de politicien hors normes lui a valu ici et là d’être considéré comme un monstre. Ce qu’on peut dire sans crainte de se tromper, c’est que l’histoire de la vie politique japonaise n’a pas gardé le souvenir de beaucoup de dirigeants locaux qui aient fait autant de bruit.

Toujours un œil sur les médias

C’est en février 2008, à l’âge de 38 ans, que M. Hashimoto est devenu gouverneur de la préfecture d’Osaka — la seconde du pays par la taille de son économie. Depuis lors, il n’a jamais cessé de faire parler de lui. Comment expliquer cela ? Ma présence parmi les journalistes qui s’attachent à suivre ses faits et gestes m’autorise à proposer une réponse, à savoir sa relation avec les médias.

Hashimoto Tôru (au centre à gauche) et Matsui Ichirô (au centre à droite) se réjouissent avec leurs supporters après leur victoire à l’issue du double scrutin d’Osaka de 2011. (Photo : Jiji)

« Sans les médias », a déclaré M. Hashimoto, « un homme comme moi ne pourrait pas exister en tant que politicien. Si les médias me tournaient le dos, c’en serait fini de moi. » Ce qui suggère qu’il pense constamment à faire en sorte que les médias continuent de s’occuper de lui. Révélateur à cet égard est le double scrutin qui s’est tenu en novembre 2011 pour désigner le gouverneur de la préfecture d’Osaka et le maire de la ville du même nom. M. Hashimoto a révélé qu’à cette occasion sa stratégie a consisté à calculer comment forcer l’attention des médias.

M. Hashimoto a fondé sa campagne au poste de maire d’Osaka sur un appel à la « revigorisation » d’Osaka grâce à la fusion de l’autorité préfectorale et municipale en une unique instance métropolitaine sur le modèle de celle qui est en place à Tokyo. Le maire sortant était hostile à l’idée de « métropole d’Osaka » et c’est ce qui a décidé M. Hashimoto à démissionner de son poste de gouverneur pour se présenter contre lui au scrutin de novembre 2011 et tenter de l’évincer du poste de maire, pourtant subalterne. D’où le double scrutin — le premier de ce genre depuis 40 ans à Osaka — en vue de désigner le nouveau maire et pourvoir le siège vacant de gouverneur.

M. Hashimoto a obtenu d’un de ses proches alliés, Matsui Ichirô, membre de l’assemblée préfectorale, qu’il se porte candidat au poste de gouverneur, tandis que lui-même tentait d’emporter la mairie. Face à l’opposition de tous les grands partis politiques à l’exception du Kômeitô, M. Hashimoto a veillé à donner l’impression que lui-même et M. Matsui représentaient le camp de la réforme, tandis que les partis en place et ses adversaires incarnaient la réaction. Les deux hommes ont été portés vers la victoire par le déferlement de mécontentement et d’espoirs de changement suscité chez les électeurs par la crise économique prolongée et la stagnation de la vie politique au niveau national.

Peut-on comparer M. Hashimoto au premier ministre Koizumi ?

La réussite des manœuvres de M. Hashimoto en vue de remporter le double scrutin a renforcé son influence. Il a annoncé que le parti local qu’il dirige — l’Osaka Ishin no Kai, ou Association pour la restauration d’Osaka (connu aussi sous le nom de « un seul Osaka ») — présenterait des candidats à l’élection à la Chambre des représentants, la Chambre basse de la Diète. Quand l’Ishin Seiji Juku (Académie de politique pour la restauration) a été fondée en vue de préparer une liste de 400 candidats, elle a reçu 3 326 postulations, dont 2 045 ont été retenues, et l’académie politique a commencé à donner des conférences en mars 2012. Il est prévu de réduire l’effectif à 888, avec pour critère les positions prises par les postulants lors des cinq séries de conférences ainsi que leur capacité à lever des fonds pour la campagne. À partir du mois de juillet, ceux qui seront retenus devront ensuite se soumettre à une formation pratique, où on les préparera notamment à prendre la parole dans la rue. Les grands partis considèrent celui de M. Hashimoto comme une menace. En sus des textes de loi qu’ils préparent pour mettre en œuvre le concept de métropole d’Osaka, ils cherchent à nouer des alliances avec M. Hashimoto pour les prochaines élections législatives.

L’ascension de M. Hashimoto rappellera peut-être à certains celle du premier ministre Koizumi Junichirô (2001-2006), qui a déclaré qu’il allait « détruire » le Parti libéral-démocrate (PLD), le parti au pouvoir dont il était le président, et convoqué en août 2005 des élection législatives générales pour lesquelles il a désigné des candidats « assassins » chargés d’éliminer les vétérans qui s’étaient opposés à son projet de privatisation des services postaux. À l’instar de M. Koizumi, M. Hashimoto a opté pour une tactique de campagne consistant à instaurer un climat de confrontation brutale entre deux positions clairement antagonistes, et il partage avec M. Koizumi le talent de délivrer son message sous forme de formules à l’emporte-pièce. Les deux hommes ont aussi en commun une forme de charisme qui leur permet d’attirer vers eux des foules de fidèles supporters. Mais M. Koizumi était un vétéran chevronné de la politique des clans à l’intérieur du PLD et c’est au sommet de sa carrière politique, alors qu’il était premier ministre, qu’il a capté l’attention des médias, alors que M. Hashimoto a surgi soudainement, sans aucune expérience politique, et a effectué sa percée en misant tout sur les médias. D’ailleurs, c’est encore un jeune politicien, puisqu’il n’a que 43 ans.

M. Koizumi a été le premier premier ministre à répondre deux fois par jour aux questions d’une équipe de journalistes chargés de couvrir ses faits et gestes. J’ai moi-même fait partie de cette équipe lorsque je travaillais à Tokyo. Ces séances ne duraient en général que quelques minutes, rarement plus de dix, et il arrivait fréquemment qu’elles soient interrompues alors que les journalistes étaient encore en train de poser des questions. M. Hashimoto a repris à son compte cette même routine, mais contrairement à M. Koizumi, il attend que les journalistes en aient fini avec leurs questions et les séances peuvent durer jusqu’à une heure. Il donne en outre chaque semaine une conférence de presse programmée à l’avance, au cours de laquelle il n’est pas rare qu’il parle pendant près de deux heures d’affilée. Cette ouverture aux questions se double d’une attention méticuleuse à la couverture que lui accordent les médias. Le matin, il passe en revue tous les grands quotidiens dans la voiture qui l’emmène au travail, et le soir il regarde des enregistrement des actualités télévisées. S’il n’est pas content de la façon dont on parle de lui, il se plaint immédiatement sur Twitter, en citant nommément l’organe des médias et le journaliste mis en cause.

En février 2012, un haut responsable du Parti démocrate du Japon a suscité un tollé en interdisant l’accès de ses conférences de presse à un groupe de presse qui avait publié un article qui lui avait déplu. « À sa place », a remarqué M. Hashimoto, « j’aurais fait venir le journaliste [à ma conférence de presse] et je l’aurais assaisonné. » Je ne connais aucun autre politicien pareillement obsédé par les médias.

Suite > La réforme budgétaire, première pièce au répertoire de M. Hashimoto

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