Le Japon doit développer le potentiel de sa population féminine
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La délégation de l'Union européenne au Japon et l'ambassade des Pays-Bas ont organisé conjointement à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, un séminaire sur le thème suivant : « Les femmes au travail : s'inspirer des stratégies de réussite des femmes qui jouent un rôle éminent dans différents domaines ». Il a permis un échange d'information et d'opinions sur la situation actuelle des femmes japonaises dans le monde du travail, ainsi que sur le rôle qu'elles devraient y jouer.
Le Japon mauvais élève du G8 pour la participation des femmes au marché du travail
Même si les Japonais sont aujourd'hui plus conscients de la nécessité de l'égalité des sexes et de la participation des femmes dans la société, les chiffres montrent qu'il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. L'édition 2012 du « Global Gender Gap Report » du Forum économique mondial classe le Japon au 101ème rang des 135 pays étudiés. Parmi les pays du G8, c'est le niveau le plus bas.
Rang total | Participation économique et les opportunités | Accès à l'éducation | Santé et survie | Autonomisation politique | |
---|---|---|---|---|---|
Allemagne | 13 | 31 | 83 | 52 | 15 |
Royaume-Uni | 18 | 33 | 27 | 93 | 29 |
Canada | 21 | 12 | 70 | 52 | 15 |
Etats-Unis | 22 | 8 | 1 | 33 | 55 |
France | 57 | 62 | 1 | 1 | 63 |
Russie | 59 | 39 | 35 | 34 | 90 |
Italie | 80 | 101 | 65 | 76 | 71 |
Japon | 101 | 102 | 81 | 34 | 110 |
Source : Global Gender Gap Report
Notes :
La participation économique et les opportunités – salaires, participation et emploi hautement qualifié
L'éducation – accès aux niveaux élémentaires et secondaires de l'éducation
L'autonomisation politique – représentation dans les structures de prise de décisions
La santé et la survie – espérance de vie et proportion des sexes
Samura Tomoko, directrice générale du Bureau de l'égalité des sexes du bureau du Cabinet, a abordé la question de la baisse de la participation des femme âgées de 30 à 39 ans dans le marché du travail. Elles ont en effet tendance à le quitter à cette époque de leur vie pour se marier et avoir des enfants, avant d'y revenir une fois que leurs enfants ont grandi. La courbe que l'on obtient si on trace un graphique à partir des statistiques à ce sujet forme un « M » caractéristique.
Pour Mme Samura, l'objectif que s'est fixé le gouvernement japonais, faire en sorte que les femmes occupent d'ici à 2020 au moins 30 % des postes d'encadrement, ne sera atteint que si l'ensemble de la société le partage et fait les efforts nécessaires.
Les attentes vis-à-vis des femmes japonaises
Afin de permettre à l'économie de continuer à croître et de rester compétitif au niveau international, il faut en permanence innover de manière significative. Cela ne peut se faire qu'avec un environnement favorisant la diversité, comme en sont largement conscients les dirigeants des entreprises japonaises.
Ishikura Yôko, professeur à l'Ecole supérieure de design des médias de l'Université Keiô, l'animatrice des débats, a déclaré que cela constitue une raison supplémentaire de reconsidérer les importantes ressources potentielles que sont les femmes japonaises. Pour elle, le fait que ce potentiel ne soit pas encore exploité signifie que le Japon a encore de vastes réserves à développer. Cela revient à dire que les difficultés que confrontent aujourd'hui les femmes japonaises peuvent être perçues comme des éléments positifs pour le futur du Japon.
Faire de l'égalité des sexes un critère d'évaluation des entreprises
Pour promouvoir l'égalité des sexes et la participation des femmes au marché du travail, l'important est de créer des structures qui conduiront à de réels profits. De plus, afin de garantir qu'elles ne soient pas temporaires, il faut qu'elles soient envisagées comme faisant partie de la stratégie des entreprises.
Créer un environnement permettant aux femmes de continuer à travailler ou encore utiliser activement les femmes sur le marché du travail pourraient par exemple devenir un des critères utilisés pour évaluer les entreprises.
Mme Samura a présenté une initiative promue par le Bureau de l'égalité des sexes et le ministère de l'Economie, de l'industrie, et du commerce international, le label Nadeshiko (nadeshiko, qui signifie « œillet », symbole traditionnellement utilisé pour la japonaise idéale, est aussi le surnom de l'équipe japonaise féminine de football) de la Bourse de Tokyo. L'obtention de ce label, déterminé par le nombre de femmes et le rôle qu'elles occupent dans une entreprise, offre à l'investisseur un nouveau critère d'évaluation. Ses concepteurs espèrent qu'il aidera les dirigeants d'entreprises à prendre conscience de la nécessité d'accorder une place plus importante aux femmes.
Marcel Wiggers, le PDG de Randstad Japon Inc, la filiale japonaise de cette société qui est un des plus grands groupes de services en ressources humaines, a aussi présenté le « Gender Equality European Standard ». Il s'agit d'une initiative comparable lancée en Europe, un référentiel qui permet de rendre public la valeur attachée par les entreprises à l'égalité professionnelle dans le but de les rendre plus attractives, notamment adopté par Randstad, PSA Peugeot Citroën, L'Oréal, BNP Paribas, ou encore General Electric Energy.
Un environnement de travail flexible et efficace
Ces méthodes sensibilisent les entreprises au regard extérieur mais elles ont aussi la possibilité de rechercher l'égalité des sexes en développant une approche stratégique en interne.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'égalité des chances hommes-femmes dans l'emploi, en 1986, le Japon a adopté différentes législations pour garantir l'égalité au travail. Mais les travaux du séminaire ont mis au jour différents problèmes, dont les difficultés rencontrées par les femmes pour rester dans l'emploi, même si elles bénéficient aujourd'hui de meilleures opportunités d'accès au marché du travail.
Au Japon, la règle n'est pas de construire sa carrière en changeant fréquemment d'employeur. Les femmes qui quittent le monde du travail comme le montre la courbe en M ont beaucoup de mal, une fois qu'elles y reviennent, à obtenir un poste d'encadrement. De plus, dans un contexte où l'on considère normal de passer de longues heures au travail, l'idée qu'il est impossible de confier des postes à responsabilité aux femmes qui ne peuvent pas rester tard à leur travail puisqu'elles doivent s'occuper de leur foyer ou de leurs enfants, est toujours bien ancrée. Il est à noter cependant que pour certains observateurs, les nombreuses heures que les Japonais consacrent à leur travail ne se traduisent ni par une efficacité accrue, ni par une productivité élevée.
Changer ces habitudes nécessite des réponses flexibles, tant en termes de nombre d'heures passées au travail que de lieu de travail, de types d'emploi, ou encore d'évaluation et de distribution des ressources humaines. Parmi les solutions à envisager figurent la création de postes d'encadrement à temps partiel, une proposition de M. Wiggers, l'instauration d'employés en CDI travaillant à horaires réduits, un souhait du ministère du Travail et des affaires sociales, ou encore le concept de « work share », une nouvelle manière de travailler.
Des nouveaux systèmes de ce genre ne pourront êtres mis en place sans une réforme considérable des organisations. Mais si elle les revitalise en leur donnant accès à de nouvelles ressources humaines de haute qualité, et qu'elle rend les entreprises plus compétitives, elle pourrait être une stratégie d'entreprise valable.
Contribuer à la société au-delà des sexes
Afin de promouvoir l'égalité des sexes et la participation des femmes dans la société, il faut des structures dans lesquelles l'utilisation de la main d'œuvre féminine est non seulement reconnue par la société dans son ensemble mais aussi sur le plan économique. Par ailleurs, créer une situation qui laquelle les individus peuvent déployer leurs qualités et leur capacités individuelles, et contribuer en plus grand nombre à la société toute entière, dans des formes plus diversifiées, constitue probablement un thème qui ne concerne pas seulement la population féminine mais le Japon tout entier, maintenant qu'il est entré dans l'ère du déclin démographique.
Nombreux sont par exemple les hommes qui ont grâce à leur vie professionnelle une connaissance élargie de la société. Mais ces acquis ne sont pas utilisés au Japon dans l'éducation des enfants. Ne peut-on pas considérer que cette situation est négative pour la société japonaise toute entière ?
Ce séminaire ne s'est pas contenté d'aborder le rôle des femmes dans la société. Il aussi suggéré de nouveaux itinéraires pour la société japonaise dans son ensemble, en parlant du rôle des individus au-delà de leur sexe, et de leur contribution à la société. Reste à voir comment le Japon va réagir vis-à-vis de ces problèmes, et comment il va les aborder.
Photo de titre : K KODERA ©EU (De gauche à droite) Nienke Trooster (Ministre conseiller de l’Ambassade des Pays-Bas au Japon), Marcel Wiggers, Shimizu Tokiko, Fukushima Rieko, Maeve Collins (Chef adjoint de la Délégation de l’Union européenne au Japon), Endô Takako, Yoshida Haruno, Ishikura Yôko
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