Mifune Toshirô : le destin singulier d’un acteur d’envergure mondiale

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En 2016, le grand acteur japonais Mifune Toshirô (1920-1997) a eu le droit à une étoile sur le célèbre Walk of Fame d’Hollywood, comme l’avait annoncé la Chambre de commerce de Los Angeles. Plus de vingt ans après sa disparition, cette légende du cinéma sera la quatrième vedette d’origine japonaise à se voir conférer un tel honneur après les acteurs Hayakawa Sessue(*1) et Mako Iwamatsu(*2), et le célébrissime monstre Godzilla.

Mifune Toshirô en train de fumer une cigarette pendant une pause, au cours d’un tournage. L’acteur a été un fumeur invétéré tout au long de sa vie.

En septembre 2015, la Mostra de Venise a, quant à elle, mis au programme de sa 72e édition une version restaurée et remastérisée de Barberousse. Ce film tourné en 1965 par Kurosawa Akira (1910-1998) avait valu à Mifune Toshirô la coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine décernée la même année par le célèbre festival de cinéma italien. Ces deux événements ont remis en lumière, si besoin était, l’immense talent et la carrière phénoménale de l’acteur japonais.

Au cours de sa vie, Mifune Toshirô a tourné plus de 150 films et obtenu de nombreuses récompenses tant au Japon que dans le reste du monde. Il est ainsi devenu une véritable star internationale. Mais la vie de ce monstre sacré du cinéma n’a pas pour autant été de tout repos. Il a en effet été trahi par des assistants en qui il avait confiance, traîné dans la boue à cause de scandales liés à des femmes et malmené par les médias. En fait, il a été victime de son caractère profondément honnête et compassionné. Voici un aperçu de la vie singulière de cet acteur d’envergure mondiale.

Un Japonais né en Mandchourie

Mifune Toshirô, à l’époque où il était une jeune recrue de la 7e brigade aérienne de l’armée impériale japonaise en Mandchourie. Du fait de ses compétences en matière de photographie, il a été amené à travailler sur des clichés pris lors de missions de reconnaissance aériennes.

Mifune Toshirô a vu le jour le 1er avril 1920, à Qingdao, dans la province chinoise du Shandong. Il a passé l’essentiel de son enfance et de son adolescence – de 5 à 19 ans – à Dalian, une ville de la province chinoise du Liaoning, alors sous contrôle japonais. Son père avait un studio de photographie, ce qui lui a permis d’apprendre les techniques du métier de photographe.

Dans un interview accordée à une revue, Mifune Toshirô décrit le Dalian de l’époque comme « une ville propre, située au cœur de paysages lumineux, où régnait une ambiance quelque peu cosmopolite (…) Si je suis devenu aussi populaire à l’étranger, c’est probablement en partie parce que j’ai grandi dans cet environnement cosmopolite. Je n’ai en effet jamais ressenti le moindre complexe vis-à-vis des étrangers ».

En 1939, le jeune homme a été appelé sous les drapeaux alors qu’il avait tout juste 19 ans. Il a passé six ans dans l’armée impériale japonaise, une expérience qui a eu une influence déterminante sur la formation de son caractère. Il a commencé par assembler des photos prises lors de reconnaissances aériennes pour dresser des cartes du territoire de l’ennemi. Cette tâche minutieuse a eu le mérite de lui apprendre à travailler de façon précise et consciencieuse.

Au cours de la phase finale de la Guerre du Pacifique, qui a commencé en 1944, Mifune Toshirô a été envoyé en tant qu’officier instructeur sur la base d’une unité d’attaque spéciale (tokkôtai), située dans l’île méridionale de Kyûshû. Une partie de son travail consistait à organiser le cérémonial d’adieu auquel avaient droit les jeunes kamikaze avant de s’envoler pour leur mission-suicide. D’après ce qu’il a raconté, il invitait chacun d’entre eux à un dernier sukiyaki – une sorte de fondue très prisée au Japon – et lui conseillait de crier « Maman ! » sans aucune honte, lorsque viendrait le moment suprême, plutôt que « Longue vie à sa majesté l’empereur » (Tennô heika banzai). Mifune Toshirô était aussi chargé de prendre une photo-souvenir de chaque pilote avant son départ. Il se souvient d’avoir braqué son objectif sur un grand nombre de jeunes japonais aux joues rouges et aux traits encore enfantins.

Dire adieu à ces jeunes garçons avant leur envol pour une mission sans retour a été une expérience extrêmement cruelle et douloureuse pour Mifune Toshirô. Quand il a raconté tout cela par la suite à ses enfants, il avait les larmes aux yeux. Pour lui, la guerre n’était qu’ « une boucherie inutile ».

(*1) ^ Hayakawa Sessue (1889-1973). Acteur, producteur et réalisateur japonais dont la carrière s’est essentiellement déroulée aux États-Unis et en Europe. Une des plus grandes stars du cinéma muet américain, bien connue en son temps pour ses frasques à Hollywood, mais aujourd’hui quelque peu tombée dans l’oubli. A continué avec le cinéma parlant ce qui lui a valu, entre autres, une nomination à l’Oscar du meilleur acteur dans un rôle secondaire en 1957, pour le film Le Pont de la rivière Kwai  de David Lean (1908-1991).

(*2) ^ Mako Iwamatsu (Iwamatasu Makoto, 1933-2006). Acteur de cinéma, théâtre et télévision américain d’origine japonaise. Nommé en 1966 à l’Oscar du meilleur acteur dans un rôle secondaire pour La Canonnière du Yang-Tse de Robert Wise (1914-2005). A aussi prêté sa voix à plusieurs héros de films d’animation.

Suite > Une longue collaboration fructueuse avec Kurosawa Akira

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