Où va le judo japonais ?
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Le judo japonais ébranlé
Le judo japonais qui a longtemps dominé le monde grâce à des athlètes comme Yamashita Yasuhiro et Saitō Hitoshi est aujourd'hui fragilisé, sous la pression de l'Europe ou de la Russie, et plus récemment de l'Asie centrale. La finale de la catégorie des plus de cent kilos aux Jeux olympiques de Sidney qui opposait Shinohara Shinichi au Français David Douillet symbolise peut-être cette tendance. Shinohara qui ne doutait pas de la victoire tomba sur le tatami avec son adversaire dans une posture étrange après un uchimata sukashi de Douillet ; il y eut un désaccord entre l'arbitre principal et les deux autres, et le point décisif fut accordé à Douillet. Yamashita Yasuhiro, qui était alors l'entraîneur de l'équipe japonaise, contesta en vain contre ce jugement, Shinohara obtint la médaille d'argent, et Douillet l'or qui fit de lui un héros en France. Au Japon, les médias en parlèrent comme de l'erreur du siècle. Après le combat Shinohara fit le douloureux commentaire suivant : « j'ai perdu parce que j'étais faible. »
Après Shinohara, Inoue Kōsei, Suzuki Keiji, et Ishii Satoshi assurèrent la relève dans la catégorie des poids lourds. Inoue remporta la médaille d'or à Sidney dans celle des cent kilos, tandis que Suzuki et Ishii l'obtinrent pour celle des plus de cent kilos, respectivement aux Jeux olympiques d'Athènes en 2004 et de Pékin en 2008, mais aujourd'hui, à la veille des Jeux de Londres, le Japon n'a pas dans cette catégorie de judoka dominant.
Le Japon doit agrandir son vivier de judokas et améliorer leur qualité
A compter de cette année scolaire (elle commence en avril au Japon), les collégiens japonais ont une nouvelle matière obligatoire au programme, le budō (les arts martiaux), discipline au sein de laquelle figure le judo. Elle vise à cultiver un esprit de compréhension mutuelle et de transmission de la culture traditionnelle, puisque, selon le ministère de l'Éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie, « le budō est un élément de la culture propre à notre pays », et « les entraînements et les combats doivent permettre de comprendre la pensée traditionnelle du budō, et d'apprendre à respecter son adversaire », mais au même moment des voix s'élèvent pour souligner le manque de professeurs capables d'enseigner le judo et s'interroger sur les conditions dans lesquelles se fera cet enseignement dans le programme d'éducation physique et sportive. Tel est le contexte dans lequel la All Japan Judo Federation a décidé de lancer à partir de l'an prochain un nouveau système de certification pour les instructeurs de judo. Actuellement, toute personne âgée de plus de vingt ans titulaire d'un dan peut enseigner, mais le nouveau système crée trois niveaux d'instructeurs, de A, pour les personnes ayant au moins le cinquième dan, à C, pour les titulaires du troisième dan au minimum.
En France, pays qui compte le plus grand nombre de judokas et où ce sport n'est dépassé que par le football, les professeurs de judo sont diplômés d'Etat et enseignent dans des dojos qui sont bien implantés dans la société civile. Le diplôme est du même niveau qu'un diplôme universitaire, un rang important en France, pays où les diplômes comptent. L'exemple français, pays qui a formé Douillet et Teddy Riner, le judoka considéré comme le meilleur au monde actuellement, victorieux en février dernier dans la catégorie des plus de cent kilos au Tournoi de Paris du Grand Slam, d'où les judokas masculins japonais sont revenus bredouilles, permet certainement d'affirmer que ce système qui associe le niveau national et le niveau local a permis le développement du nombre de pratiquants et l'élévation de leur niveau. Une simple comparaison est difficile, mais il y a en France 800 000 pratiquants du judo contre 200 000 au Japon. Seuls les résultats à moyen et long terme permettront de dire si l'introduction de cette nouvelle matière dans les collèges japonais et ce renforcement de l'enseignement du judo conduiront à une augmentation du nombre des judokas au Japon et à l'amélioration de leur niveau.
Vers un judo où le ippon joue un plus grand rôle que les points
Le judo japonais a souffert pendant une époque de l'importance accordée aux points par les règles internationales. Au Japon, en effet, « l'esprit du ippon » continue à prévaloir. C'est rationnel : dans la mesure où même si l'on obtient un waza ari, on perdra le combat si l'on encaisse un ippon, il faut continuer à attaquer jusqu'à ce qu'on réussisse un ippon. On peut y voir aussi un fondamentalisme rustre et maladroit. En 2009 cependant, le koka, le plus petit point, a été supprimé, reflétant sans doute une évolution du judo mondial du système de points vers le ippon. Ce retour aux sources va certainement tester la vraie valeur du judo japonais. Shinohara, dont nous avons parlé plus haut, est aujourd'hui l'entraîneur de l'équipe masculine de judo. Réussira-t-il dans cette position à laver l'affront qu'il a subi jadis ? (13 février 2012)
(Ecrit en japonais à l’origine)