Quand gourmandise rime avec plaisir

« Wagyû », le bœuf japonais renommé dans le monde entier

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La cuisine japonaise fait l’objet d’un engouement à l’échelle de la planète. Le wagyû, le célèbre bœuf marbré de blanc très persillé de l’Archipel, n’y a pas échappé. Il est réputé dans le monde entier pour sa saveur, son fondant et sa tendreté incomparables.

La vogue de la viande rouge : une réelle menace pour le wagyû

Les producteurs de wagyû de l’Archipel ont mis l’accent sur l’importance de l’aspect marbré très persillé de leur viande à partir du moment où le commerce international a été libéralisé. En avril 1991, le Japon a remplacé ses quotas d’importation par des droits de douane, en promettant de les abaisser progressivement, et il a commencé à autoriser les grossistes et les détaillants à importer directement du bœuf provenant de producteurs étrangers. Jusque-là, une agence du gouvernement avait le monopole des importations en vertu d’un système de quotas et elle veillait à maintenir des prix élevés pour le bœuf importé qui transitait par ses services.

L’ouverture des marchés signifiait que le volume du bœuf importé allait augmenter et que les prix de détail baisseraient. La production courante de bœuf de l’Archipel ne ferait pas le poids face aux importations à bas prix. Les éleveurs japonais ont donc misé sur le wagyû en insistant sur sa qualité et c’est ce qui leur a permis de s’en sortir. À l’heure actuelle, la viande de bœuf marbrée de niveau 4 ou plus représente 60 % de la production japonaise.

Filet d’épaule de bœuf wagyû provenant de la préfecture de Hyôgo. Les marbrures de graisse intramusculaire caractéristiques de ce type de viande sont très nettes.

Mais les producteurs de « bœuf japonais » sont à présent confrontés à une nouvelle menace. Les habitants de l’Archipel sont en effet de plus en plus nombreux à préférer la viande rouge non persillée. Le wagyû était en général servi avec tout un assortiment de mets raffinés. Mais des chaînes de restaurants, entre autres Ikinari Steak, proposent maintenant des formules très simples constituées de steaks de bœufs de quelque trois cents grammes sans accompagnement.

Ikinari Steak, qui dépend de Pepper Food Services de Tokyo, a ouvert son premier restaurant en décembre 2013 à Ginza, en plein centre de la capitale japonaise, En juillet 2015, le nombre de ses succursales est passé à 50. Avec au menu, du bœuf australien nourri aux céréales, destiné au marché japonais et de l’Angus en provenance des États-Unis.

« Jusqu’à présent, on servait le wagyû en portions de 50 à 60 grammes présentées avec de multiples petits plats d’accompagnement », ajoute Uemura Kôichirô. « Le bœuf japonais est un mets raffiné que l’on savoure en compagnie d’autres ingrédients. Pas de la nourriture que l’on engloutit. Quand on veut se remplir la panse, mieux vaut choisir la viande rouge dont la consistance et la saveur sont plus légères. »

Le wagyû doit aussi faire face à la concurrence de la viande rouge en dehors de l’Archipel. À l’extérieur du Japon, les gens aisés sont les plus grands consommateurs de wagyû. Mais ils sont de plus en plus enclins à considérer la viande de bœuf marbrée japonaise comme un apport considérable de graisse animale et de ce fait, à éviter d’en manger.

La viande rouge sans marbrures constitue donc une menace pour le wagyû à de multiples égards. Si la tendance actuelle en sa faveur se confirme, l’avenir du « bœuf japonais » risque d’être compromis aussi bien dans l’Archipel que dans le reste du monde.

Mettre l’accent sur la saveur incomparable du wagyû japonais

Comment le wagyû japonais va-t-il pouvoir surmonter ce problème ? « À l’heure actuelle, les critères de qualité du wagyû portent essentiellement sur son apparence », répond Uemura Kôichirô. « Or ce qui intéresse avant tout les consommateurs, c’est le goût de la viande, pas son aspect. Les producteurs japonais sont donc en train de faire des recherches pour mieux répondre à l’attente de la clientèle. Ce qui implique une étude scientifique non seulement de la consistance, du moelleux et de l’onctuosité dont dépendant la saveur du wagyû, mais aussi de l’odeur délicate qui se dégage de la viande au moment de la cuisson. Les résultats de ces recherches devraient nous permettre de mieux faire connaître le wagyû et de conforter sa position sur le marché. »

Les producteurs de wagyû japonais sont conscients que le moment est venu de développer la demande extérieure. À l’heure où la population de l’Archipel est sur le déclin, le marché intérieur japonais n’offre guère de perspectives encourageantes. Par ailleurs, vendre de la viande aussi marbrée de graisse que celle du wagyû en Amérique du Nord et en Europe où les consommateurs préfèrent la viande rouge relève du défi. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas de débouchés pour le « bœuf japonais ». C’est en tout cas la tâche à laquelle doivent s’atteler les producteurs de l’Archipel.

Ido Toshizô (à droite), gouverneur de la préfecture de Hyôgo, en compagnie de représentants de grossistes en viande de l’Union européenne, le 8 juillet 2014 à Kobe. Cette manifestation s’est déroulée à l’occasion des premières exportations de wagyû de Kobe à destination de l’UE. (Jiji Press)

« Beaucoup de gens dans le monde ont envie de manger du wagyû authentique », affirme Uemura Kôichirô. « Les producteurs japonais ne doivent pas se limiter au marché de l’Archipel. Pour que le wagyû japonais survive, ils doivent se placer dans une perspective globale. Le bœuf américain se vend au Japon et le wagyû de l’Archipel doit lui aussi s’exporter à l’étranger. Il suffit d’observer de près le marché mondial pour constater que la demande est grande. De ce point de vue, il n’y a pas de différence entre les denrées provenant de l’agriculture et de l’élevage et les produits manufacturés. »

(Reportage et texte de Nagasawa Takaaki. Photo de titre : deux pièces de bœuf de Miyazaki. Jiji Press)

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