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Périple en noir et blanc à Hakodate avec un Leica
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Une vie pure et tranquille au monastère
Neuf moines trappistes sont venus de France et se sont installés dans une nature sauvage et pierreuse. C’était il y a 120 ans. Ces trappistes de l’abbaye de Citeaux, habitués aux environnements rudes, les friches où poussent les joncs de Bourgogne, fondèrent leur abbaye à Tôbetsu, à côté de Hakodate.
Une statue de la Vierge à l’enfant est accrochée dans la cathédrale. Elle fut la première œuvre d’un jeune sculpteur aujourd’hui devenu mondialement renommé, Funakoshi Katsura. C’est une réalisation absolument remarquable, en bois de camphrier, d’un style très novateur. Pour l’artiste lui-même, qui est un chrétien catholique, l’existence du monastère revêtait une grande importance. On lui avait passé commande d’une statue de la Vierge tenant l’enfant Jésus, pour être posée sur un socle. Or, pendant un an, il fut incapable de se mettre au travail. Ce n’est que lorsqu’il comprit que la Vierge Marie aussi avait connu la souffrance qu’il put enfin saisir son burin et commencer.
Les moines du monastère se lèvent à 3 heures et demie du matin, et se couchent à 8 heures du soir. Ils mènent une vie de prière en silence, de travail et de lecture (Lectio divina), une vie extrêmement réglée et calme.
Monastère cistercien de Tôbetsu
- Accès : 20 mn à pied de la gare Oshima Tôbetsu sur la ligne Dônan Isaribi
- Carte :Monastère cistercien de Tôbetsu
La cloche qui résonne sur la pente
Lorsque j’étais étudiant, j’habitais une chambre d’étudiant à Tokyo, mais je rentrais à Hakodate pendant les vacances d’été. Après le train de nuit de la gare d'Ueno jusqu’à Aomori, il fallait encore prendre le ferry entre Aomori et Hakodate. Quand je levais les yeux sur le mont Hakodate, je me disais « Enfin rentré ! ». En voyant tous les chemins qui s’élevaient sur le mont à partir de la plaine, j’étais pris d’une intense nostalgie et d’une grande émotion devant une telle beauté.
Les nombreux incendies du passé ont en effet enseigné aux habitants de Hakodate que le meilleur moyen de lutter contre ces désastres était de construire des avenues rectilignes, partant du port pour aller vers la montagne. On compte 18 de ces avenues en pente pour ne parler que des principales. Toutes portent gravées en elles l’histoire de drames historiques, remontant à l’origine de la ville, c’est-à-dire à l’ouverture du port. En guise d’illustration, il y a l’histoire de cet obus tiré d’un navire militaire, qui atterrit sur la table du commerçant anglais Blakiston à l’heure du petit déjeuner et emporta la nappe, lui faisant une belle frayeur.
L’avenue Daisan-zaka est ma préférée. Quand je descends ses pavés et que résonne la cloche de l’église catholique de Motomachi sur le côté, en passant devant les élégantes demeures aussi bien japonaises qu’occidentales de part et d’autre, je ressens pleinement la quintessence de Hakodate. Aucune surprise si la Daisan-zaka fait partie des « 100 plus belles rues du Japon »… Les maisons les plus traditionnelles ont été rénovées, et aujourd’hui, si vous sirotez un café au rez-de-chaussée du café « She Told Me », vous pouvez tout à fait vous croire transportés dans le East Village à New York.
Daisan-zaka
- Accès : à 5 mn à pied de la station de tramway « Jûjigai »
- Carte :Daisan-zaka
Parlons du mont Hakodate
Un jour, peu de temps après la fin de la guerre, quand j’étais encore tout gamin, je jouais aux explorateurs avec des copains. Nous avons sauté la barrière et nous sommes descendus dans les souterrains des défenses militaires du mont Hakodate. Les couloirs étaient très étroits, le plafond également très bas, nous n’en menions pas large, guidé par une simple lumière que nous apercevions tout au fond.
Ces souterrains datent d’avant la guerre russo-japonaise de 1905. Dès le lendemain de la déclaration de guerre, des navires de la flotte russe sont apparus dans le détroit de Tsugaru et ont torpillé et coulé des cargos japonais qui transportaient du riz, provoquant la panique parmi la population de Hakodate. Les Russes connaissaient la distance maximale que pouvaient atteindre les obus des fortifications souterraines et ne les craignaient donc pas… Pendant la Guerre du Pacifique également, ces défenses n’ont pas empêché les avions américains de survoler la ville et de bombarder. Ces fortifications n’étaient que des tigres de papier. En un demi-siècle, seuls sept ou huit obus ont été tirés contre des sous-marins aperçus dans le détroit. En revanche, vu que l’accès en était strictement interdit à la population, elles ont préservé la nature sauvage de la montagne.
Le Mont Hakodate alterne exploitation forestière et reforestation depuis l’époque d’Edo. Mais le fief de Matsumae tirant une grande partie de ses revenus de l’abattage du bois de charpente, il était devenu une montagne pelée, comme l’a représenté le peintre Wilhelm Heine qui accompagnait le Commodore Perry en 1854 lors de sa seconde venue au Japon pour forcer l’ouverture commerciale de l’Archipel avec les États-Unis. À l’issue de quoi, le riche marchand et édile de la ville, Takataya Kahei, fit replanter la forêt en cèdres.
Aujourd’hui, les oiseaux migrateurs chantent, les fleurs sauvages fleurissent, la forêt reste à se reposer devant le splendide silence de la lumière du soleil filtrant à travers les feuillages. Un lieu mémorable si vous aimez les randonnées et la vie « slow life ».
Mont Hakodate
- Accès : Descendre à la station de tramway « Jûjigai », puis 10 mn à pied jusqu’au téléphérique du mont Hakodate.
- Carte :Mont Hakodate
La fleur de pomme de terre
J’étais collégien, quand, un jour, je suis sorti de la ville pêcher le poisson dans la côte rocheuse à proximité du couvent des moniales trappistines. Exténué par la descente d’un long et raide chemin de cailloux, je me suis allongé dans un champ de pommes de terre attendant au couvent, et j’ai fait un somme.
À mon réveil, je n’ai pas résisté à l’envie de jeter un œil à travers la clôture du couvent. Je sais, ce n’est pas bien. Mais peut-être était-ce l’heure de la prière, ou de la sieste, en tout cas je n’ai pas vu une seule nonne. En revanche, j’ai vu un magnifique champ de pommes de terre en fleurs, de petites fleurs d’un violet pâle.
Kamei Katsuichirô (1907-1966) était un grand critique littéraire, né à Hakodate. Nostalgique de sa ville natale, il écrivit un livre intitulé « Huit paysages de Hakodate ». Le « champ de pommes de terre du couvent » fait partie des paysages élus, et il écrit, à son propos : « La fleur de pomme de terre a la fraicheur de la jeune fille de la campagne, pleine de santé… Si elle semble banale et sans apprêt au premier abord, ce n’est qu’une fausse impression… Les jeunes religieuses qui travaillent avec énergie les champs de leur couvent ressemblent à ces fleurs de pommes de terre. »
Marie-Antoinette en était bien consciente, elle qui avait fait construire un hameau paysan tout au fond des vergers de Versailles pour échapper à l’enfermement de la Cour. Elle y trouvait délassement et réconfort à jouer à la fermière : on dit qu’il lui arrivait d’apparaître aux soirées officielles de la Cour avec des fleurs de pomme de terre dans les cheveux…
Couvent des moniales trappistines
- Accès : à la gare de Hakodate, se diriger vers l’arrêt de bus numéro 4 et prendre le bus navette des trappistines. Descendre à l’arrêt « Trappistine iriguchi », à 5 mn à pied du couvent.
- Carte :Couvent des moniales trappistines
Le sapin de Noël qui flotte sur le port
Le sapin est un arbre porte-bonheur, dit-on. Chaque hiver, un spécimen traversait tout le Canada, puis l’océan Pacifique, envoyé par la ville de Halifax, jumelle de Hakodate.
Une barge dans le port de Hakodate était alors décorée avec le sapin de plus de 20 mètres de haut, lui-même illuminé. Puis la barge, tirée par un remorqueur, était amarrée sur la baie. Une année, le contrôle sanitaire de la douane ayant fait apparaître la présence d’insectes dans le sapin canadien, celui-ci ne put être admis sur le territoire et il fallut trouver un sapin local pour le remplacer. Cela va faire 19 ans cette année, mais un sapin illumine toujours le ciel d’hiver de la ville.
Les halles à bière en briques
En 1985, trois ans avant l’ouverture du tunnel du Seikan sous le détroit de Tsugaru, un projet fut lancé pour transformer les anciens entrepôts en briques de Kanemori en halles à bière. Les cadres de l’administration ont poussé de hauts cris, jugeant scandaleux que ces bâtiments, témoins de la première activité commerciale de la ville il y a plus de 100 ans, durant l’ère Meiji, deviennent des débits de boissons.
Il faudra que M. Watanabe Kôzaburô, le 6e descendant de Watanabe Kumashirô, fondateur de la ligne de fret maritime Kanemori Shôsen, explique que des halles de bière existaient déjà dès cette époque, pour que le projet soit finalement réalisé.
Ce n’était à vrai dire pas le seul souci. Les clients viendraient-ils boire à la brasserie pendant l’hiver rigoureux de ce pays du nord ? Il fallut se convaincre de mettre les bouchées doubles en été pour compenser le manque à gagner en hiver.
L’architecte Okada Shinichi, qui s’est rendu célèbre par la conception de la Cour Suprême à Tokyo joua un rôle majeur dans le projet de réaménagement du front de baie. Après l’observatoire du mont Hakodate, les entrepôts de briques le long des quais du port historique ont été réaménagés. Okada, qui ressentait une forte affection pour ce quartier historique et croyait en son potentiel, s’opposa farouchement à toute destruction, allant même jusqu’à créer une association « pour la préservation de l’environnement historique de Hakodate », qui se chargea directement de la réhabilitation architecturale des entrepôts Kanemori.
Ce n’est pas tout. S’opposant au président Nemoto Jirô de la ligne postale Nippon Yûsen, qui s’apprêtait à détruire les entrepôts de briques mitoyens, il se chargea également de les réhabiliter. C’est ainsi qu’en 1988, à l’ouverture du tunnel du Seikan, Hakodate était prête à renaître avec un nouveau visage et une nouvelle offre commerciale.
Les halles à bière en briques
- Accès : 7 mn à pied de l’arrêt de tramway « Jûjigai »
- Carte :Entrepôts Kanemori en briques