Tokyo de jadis et d’aujourd’hui, à travers estampes et photographies
Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [16] : le temple Sanjûsangen-dô et les traditions du tir à l’arc
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Deux temples Sanjûsangen-dô
Le Sanjûsangen-dô à Kyoto (arrondissement de Higashiyama), est un temple aujourd’hui fameux pour ses 1 001 statues bouddhiques alignées, et tout récemment restaurées. L’édifice fut construit par l’empereur Go-Shirakawa dans l’enceinte de son palais retiré, durant la seconde moitié de l’époque Heian (794-1185). Le pavillon principal, reconstruit en 1266, mesure près de 120 mètres de long (sanjûsangen-dô signifiant littéralement : « hall de 33 gen », le gen étant une unité de mesure de l’époque) et abrite 1 001 statues de la déesse Kannon aux mille bras, dont une principale, assise et de plus grande taille que les autres. À partir du XVIIe siècle (l’époque d’Edo), le Sanjûsangen-dô fut également utilisé comme lieu de compétitions d’arts martiaux. Les samouraïs appréciaient le très long hall pour le tir à l’arc (appelé tôshiya).
Cette mode s’est ensuite répandue à Edo, et un autre temple Sanjûsangen-dô a été construit dans le quartier d’Asakusa, à Tokyo. Une statue de la déesse Kannon aux mille bras a également été installée pour la forme, une seule. Le véritable objectif était néanmoins clairement d’avoir une salle de tir à l’arc, comme à Kyoto. La salle d’Asakusa a été toutefois détruite par un incendie en 1698, puis reconstruite, cette fois à Fukagawa, dans l’enceinte du sanctuaire Tomioka Hachimangû. Ainsi naissait le Fukagawa Sanjûsangen-dô. Le tir à l’arc s’y est pratiqué jusqu’à la fin de l’époque d’Edo, lorsqu’une partie du bâtiment s’écroula lors du tremblement de terre de l’ère Ansei en 1855. Il ne fut pas immédiatement reconstruit et finit par être démoli en l’an 5 de Meiji (1872).
Hiroshige a peint le Sanjûsangen-dô et les environs de l’est du quartier de Kiba avec une vue en plongée. Il est intéressant de remarquer que les lignes obliques, d’en bas à gauche jusqu’en haut à droite, sont toutes parallèles. Hiroshige était pourtant très adroit pour peindre des perspectives réalistes, et même sur cette estampe, les arbres et autres éléments sont judicieusement plus petits dans le fond. Il est donc clair que ce parallélisme des lignes de l’immeuble et de la rue est volontaire. C’est cette déformation qui fait ressortir le temple Sanjûsangen-dô.
La photo a été prise depuis l’étage supérieur du bâtiment d’en face de celui qui occupe aujourd’hui l’ancien Sanjûsangen-dô. Impossible de respecter le parallélisme de la perspective en photographie, la composition est donc différente. Et j’ai compensé pour me rapprocher autant que faire se peut de l’estampe originale.
Du tir à l’arc à l’intérieur du temple
La plus ancienne compétition de tir à l’arc au Sanjûsangen-dô de Kyoto dont il a été gardé une trace écrite remonte à 1606. Plusieurs concours étaient organisés, comme celui de l’ôyakazu, dans lequel il s’agissait de tirer le plus grand nombre de flèches sur une cible en un jour et une nuit. À Kyoto, cette activité a cessé à la fin du XVIIIe siècle, mais à Edo, un concours appelé sensha, où il s’agissait d’atteindre la cible le plus de fois possible sur mille flèches, a existé jusqu’au début de la seconde moitié du XIXe.
De nos jours, une compétition de tir à l’arc à la mode d’Edo est organisée au Sanjûsangen-dô de Kyoto une fois par an, un dimanche autour du 15 janvier (l’ancien jour officiel de la fête du passage à l’âge adulte). Depuis 1951, près de 2 000 personnes, essentiellement des champions de classe nationale et des jeunes qui fêtent leur majorité ce jour-là, s’affrontent à la cible à 60 mètres. Les médias ne manquent pas de montrer ces nouveaux adultes tirant à l'arc, plein d'ardeur et parés de magnifiques kimonos. C’est devenu un événement marquant du mois de janvier.
Cent vues d’Edo
Les Cent vues d’Edo sont à l’origine un recueil d’estampes ukiyo-e (« peintures du monde flottant »), l’un des chefs-d’œuvre d’Utagawa Hiroshige (1797-1858), qui eut une énorme influence sur Van Gogh ou Monet. De 1856 à 1858, l’année de sa mort, l’artiste se consacre à la réalisation de 119 peintures de paysages d’Edo, alors capitale shogunale, au fil des saisons. Avec ses compositions audacieuses, ses vues « aériennes » et ses couleurs vives, l’ensemble est d’une extraordinaire créativité et est acclamé depuis lors comme un chef d’œuvre dans le monde entier.Voir tous les articles de la série Ukiyo-photo Cent vues d’Edo