Tokyo de jadis et d’aujourd’hui, à travers estampes et photographies
Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [13] : le Sensô-ji à Asakusa
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Une scène inhabituelle : le temple Sensô-ji enveloppé de neige et de silence
Les temples bouddhistes, suivant en cela une coutume chinoise, portent généralement un « nom de montagne », ou sangô, accolé à leur nom de temple. Parmi les exemples célèbres, citons l’Enryaku-ji, également appelé Hiei-zan, ou le Kongôbu-ji, aussi connu sinon plus sous le nom de Kôya-san. Il y a des exceptions : le Tôdai-ji ou le Hôryû-ji n’ont pas de nom de montagne.
Le fameux Sensô-ji du quartier d’Asakusa, temple bouddhiste emblématique de l’époque d’Edo, a lui aussi son « nom de montagne ». Il s’agit du Kinryû-zan (littéralement le mont du Dragon doré).
En général, pour traiter du thème d’Asakusa à la fin de l’année, les estampes représentaient généralement le toshi no ichi, le « marché de passage de l’année », les 17 et 18 décembre, montrant la foule bruyante et dynamique se pressant dans les boutiques devant le temple pour faire leurs emplettes de Nouvel An.
Durant sa carrière, Hiroshige aussi a traité le motif de la foule animée du marché de fin d’année. Mais pour sa série des Cent vues d’Edo, il a choisi de rompre avec le lieu commun : le toshi no ichi est vraisemblablement terminé, le temple est presque désert, et sous la lanterne géante de la porte du Kaminari-mon, c’est un paysage de neige que l’on aperçoit.
Les Cent vues d’Edo comptent au total huit scènes de neige. Or depuis quelques années, il est rare que la neige s’accumule à Tokyo. Quand – enfin ! – une forte chute de neige est tombée sur la capitale, en janvier 2018, c’est-à-dire pendant la 12e lune de l’ancien calendrier lunaire, j’ai couru toute la journée pour compléter ma série des ukiyo-photos en rajoutant 6 lieux différents.
Les touristes affluent aujourd’hui du monde entier pour visiter le temple Sensô-ji, et c’est tous les jours une ambiance de fête. Tout particulièrement les abords immédiats de la lanterne géante de Kaminari-mon. La foule ne discontinue pas, avec ou sans neige, il a donc été très difficile de prendre une photo empreinte de calme et de sérénité. Longue attente… et ce n’est qu’à l’instant où un groupe d’une dizaine de personnes se fut éloigné après avoir pris leurs photo-souvenir que j’ai pu appuyer sur le déclencheur. Quelques instants plus tard, un autre groupe arrivait et investissait l’espace sous la lanterne.
Le marché aux raquettes de bois du Sensô-ji
Le temple Sensô-ji est particulièrement animé tous les 18 de chaque mois, jour de fête votive à la déesse de la compassion, le boddhisattva Kannon (Kannon Bosatsu). Mais de toute l’année, c’est le 18 du mois de décembre, dit des « offrandes à Kannon » qui est le plus couru. À l’époque d’Edo, les 17 et 18 de la 12e lune, la population venait acheter tout ce dont on avait besoin pour les fêtes de Nouvel An, ustensiles à étagère shintô, plateau à offrandes, ingrédients spécifiques : daurade, crevettes, algue konbu… et objets porte-bonheur, comme les cerfs-volants et les raquettes de bois. C’est l’origine même de l’appellation toshi no ichi, « marché du passage à la nouvelle année ».
Les raquettes de bois hagoita sont des objets porte-bonheur, qui symbolisent l’idée de renvoyer le malheur d’où il vient. Elles devinrent l’article le plus demandé du marché du Sensô-ji le jour où quelqu’un eut l’idée de peindre des portraits d’acteurs en vogue dessus. Vers la fin de l’époque d’Edo, il devint coutumier d’offrir des raquettes hagoita aux connaissances qui venaient d’avoir une fille. Les boutiques se multiplièrent et les hagoita finirent par s’offrir même en dehors de la période de Nouvel An. Au final, le marché toshi no ichi changea progressivement son nom en hagoita-ichi (« marché aux raquettes hagoita »).
De nos jours, on trouve des raquettes de bois de Nouvel An dans les supermarchés et les supérettes japonaises, et pourtant, les clients se pressent encore nombreux au toshi no ichi (hagoita-ichi) du Sensô-ji. Le marché dure maintenant 3 jours, du 17 au 19 décembre, 3 jours pour réfléchir à ce que fut le monde cette année tout en admirant les raquettes décorées et en faisant vos achats de produits de Nouvel An et d’objets porte-bonheur.
Cent vues d’Edo
Les Cent vues d’Edo sont à l’origine un recueil d’estampes ukiyo-e (« peintures du monde flottant »), l’un des chefs-d’œuvre d’Utagawa Hiroshige (1797-1858), qui eut une énorme influence sur Van Gogh ou Monet. De 1856 à 1858, l’année de sa mort, l’artiste se consacre à la réalisation de 119 peintures de paysages d’Edo, alors capitale shogunale, au fil des saisons. Avec ses compositions audacieuses, ses vues « aériennes » et ses couleurs vives, l’ensemble est d’une extraordinaire créativité et est acclamé depuis lors comme un chef d’œuvre dans le monde entier.- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [1] : le sanctuaire Kameido Tenjin
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [2] : le pont Nihonbashi
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [3] : la rivière Otonashi à Ôji
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [4] : le pavillon Kiyomizu Kannon à Ueno
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [5] : le jardin des pruniers de Kamata
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [6] : le quartier de Surugadai et le pont Suidôbashi
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [7] : le district Tôri-itchôme à Nihonbashi
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [8] : le quartier de Ryôgoku et les trois rivières
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [9] : les feux d’artifice de Ryôgok
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [10] : le sanctuaire Benzaiten du parc Inokashira
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [11] : le quartier de Kanda et ses origines
- Ukiyo-photo Cent vues d’Edo [12] : Urayasu, avant l’avènement de Disneyland Tokyo