Les grandes figures historiques du Japon

Les « cinq génies de Chôshû » et la fondation d’un État moderne au Japon

Culture

Peu avant la Restauration de Meiji (1868), cinq jeunes samouraïs du fief de Chôshû, la préfecture actuelle de Yamaguchi, se sont rendus clandestinement en Angleterre. À leur retour, ces intrépides jeunes gens sont devenus des personnages majeurs de l’histoire du Japon, en contribuant largement à la modernisation de l’Archipel grâce aux connaissances et aux compétences linguistiques qu’ils avaient acquises durant leur séjour à l’étranger.

Endô Kinsuke, l’homme qui dota le Japon d’un système monétaire moderne

Endô Kinsuke ne séjourna pas très longtemps en Angleterre puisqu’il rentra au Japon au début de l’année 1866. Ses compétences n’ont donc pas été tout de suite mises à contribution. En 1868, il fut toutefois chargé par le gouvernement de Meiji de mettre en place une première ébauche de bureau des douanes dans la préfecture de Hyôgo. Il fut ensuite affecté à un poste de haut fonctionnaire dans un organisme spécialisé dans la logistique et le commerce. Ces deux emplois lui permirent de faire valoir ses connaissances en anglais en le mettant en contact avec les nombreux marchands étrangers qui se pressaient dans les ports que le Japon venait d’ouvrir.

En 1870, Endô Kinsuke fut muté à un poste de direction de la Monnaie du Japon, laquelle a commencé à fonctionner à partir du mois d’avril de l’année suivante. Pour la fabrication de la monnaie proprement dite, il utilisa des machines modernes importées de l’Occident avec l’aide de spécialistes étrangers. De ce point de vue, on peut dire qu’il joua un véritable rôle de technocrate.

La tâche d’Endô Kinsuke ne fut pas toujours facile : les relations entre les experts occidentaux et les fonctionnaires japonais n’étaient pas clairement définies. C’est pourquoi, avant de quitter ses fonctions, en août 1874, il mit fin aux contrats d’un grand nombre de conseillers étrangers. Leur présence n’était plus aussi indispensable qu’auparavant, les Japonais ayant rapidement maîtrisé les techniques mises en œuvre. Dès lors, ce sont des travailleurs de l’Archipel qui assumèrent la quasi-totalité des responsabilités de la Monnaie du Japon. En novembre 1881, Endô Kinsuke réintégra cet organisme en tant que directeur. À l’instar du département des chemins de fer, la Monnaie du Japon recruta alors de nouveaux diplômés tout frais émoulus du Collège impérial d’ingénierie et de la Faculté des sciences de l’Université de Tokyo. Endô Kinsuke quitta ses fonctions en juin 1893. Il est resté dans l’histoire comme un des pionniers qui dota le Japon d’une monnaie moderne.

Le rôle capital des « cinq génies de Chôshû » dans la modernisation du Japon

Les « cinq génies de Chôshû » ont tous utilisé leurs talents respectifs pour aider le gouvernement de Meiji à faire du Japon un État moderne. Ils ont été impliqués dans la création et la mise en place d’infrastructures et d’institutions aussi vitales qu’un réseau de voies ferrées, une monnaie, des établissements de formation de techniciens, un système budgétaire, un cabinet et une constitution. Ils ont tiré le plus grand parti possible de l’expérience et des savoirs qu’ils avaient acquis lors de leur séjour outremer. Et ils ont su, au moment opportun, mettre un terme à leur collaboration avec des conseillers étrangers pour les remplacer d’abord par des ingénieurs japonais formés outremer puis par de nouveaux diplômés ayant fait leurs études dans l’Archipel.

La modernisation rapide du Japon après la Restauration de Meiji a réussi pour de multiples raisons. Mais la présence d’hommes de talent comme les « cinq génies de Chôshû » qui ont donné toute leur mesure dans différents secteurs de l’État japonais a eu indéniablement une importance capitale.

Vu de l’extérieur, on pourrait croire que cet épisode se limite à une page de l’histoire d’un pays insulaire de l’Asie de l’Est. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que chaque pays peut en tirer des leçons pour lui-même en reconsidérant la façon dont sa propre modernisation s’est déroulée. Il ne faut pas non plus sous-estimer le travail remarquable accompli à l’époque par les conseillers venus de différents pays occidentaux. Ceux-ci n’avaient certes pas intérêt à transmettre trop rapidement leur savoir technologique aux Japonais car leurs chances de conserver leur emploi diminuaient d’autant. Mais leurs efforts n’en ont pas moins aidé indéniablement le Japon à devenir un État moderne, et leur contribution constitue un thème de réflexion hautement stimulant et d’une actualité brûlante.

(D’après un article du 4 septembre 2018. Photo de titre : les « cinq génies de Chôshû ». De gauche à droite Inoue Kaoru, Endô Kinsuke, Inoue Masaru, Itô Hirobumi et Yamao Yôzô. Avec l’aimable autorisation du musée de Hagi) 

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