Les grandes figures historiques du Japon

Les « cinq génies de Chôshû » et la fondation d’un État moderne au Japon

Culture

Kashihara Hiroki [Profil]

Peu avant la Restauration de Meiji (1868), cinq jeunes samouraïs du fief de Chôshû, la préfecture actuelle de Yamaguchi, se sont rendus clandestinement en Angleterre. À leur retour, ces intrépides jeunes gens sont devenus des personnages majeurs de l’histoire du Japon, en contribuant largement à la modernisation de l’Archipel grâce aux connaissances et aux compétences linguistiques qu’ils avaient acquises durant leur séjour à l’étranger.

Itô Hirobumi et Inoue Kaoru : deux grands hommes politiques

Une fois de retour au Japon, Inoue Kaoru et Itô Hirobumi exercèrent une influence politique de plus en plus grande au sein du fief de Chôshû. Après l’instauration du gouvernement de Meiji, ils avaient eu l’occasion de mettre en pratique leur expérience acquise outremer et s’étaient retrouvés en première ligne en tant que fonctionnaires chargés des relations diplomatiques dans les ports de l’Archipel qui commençaient à commercer avec l’étranger. Ils étaient ensuite devenus des administrateurs de haut rang du puissant ministère des Finances qui, outre la gestion budgétaire et civile du pays, avait aussi la charge des projets liés à la modernisation du Japon. Durant cette période, Itô Hirobumi se fit remarquer en suggérant de remplacer les fiefs (han) par des préfectures (ken), ce qui lui valut de vives critiques, allant même jusqu’à être rétrogradé. Il proposa, de concert avec Inoue Kaoru, de démissionner de son poste en raison de sa position sur la question de la centralisation du pouvoir. Heureusement pour eux, les deux hommes furent protégés par l’expérience et le savoir précieux qu’ils avaient accumulés en Grande-Bretagne. Les efforts inlassables d’Inoue Kaoru aboutirent finalement à la suppression des fiefs et la création de préfectures ainsi qu’à l’adoption d’un système de gouvernement centralisé, dès le mois de juillet 1871.

Inoue Kaoru accéda ensuite au poste de vice-ministre des Finances. Il fut chargé de la préparation du budget annuel de tous les ministères et jeta les bases du système budgétaire actuel fondé sur les recettes fiscales. En mai 1873, il démissionna de son poste mais revint au service de l’État au bout de quelques années, après un second voyage à l’étranger. En juillet 1878, il fut nommé auditeur (sangi), ce qui veut dire qu’il prenait part aux décisions du gouvernement. De son côté Itô Hirobumi entama le premier de ses deux nouveaux séjours d’études outremer à la fin de l’année 1870. Et les compétences politiques exceptionnelles qui étaient les siennes lui valurent également un poste d’auditeur en octobre 1873.

Si les deux hommes firent leur chemin dans le gouvernement de Meiji, en dépit de quelques revers, ce n’était pas uniquement parce qu’ils étaient originaires du fief de Chôshû, mais aussi car ils mettaient en pratique ce qu’ils avaient appris à l’étranger et leurs compétences politiques. Ils étaient ainsi devenus des politiciens de tout premier plan. Inoue Kaoru fut le premier ministre des Affaires étrangères du Japon et il exerça aussi la fonction de ministre de l’Intérieur. Itô Hirobumi dota pour sa part le Japon d’un Cabinet moderne et il fut le premier Japonais à accéder au poste de Premier ministre. Il joua en outre un rôle majeur dans l’adoption d’un grand nombre d’innovations politiques et administratives encore en place à l’heure actuelle en contribuant activement à la promulgation de la constitution de Meiji et à la création de la Diète nationale, en 1890.

Inoue Kaoru (à gauche) et Itô Hirobumi (photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque de la Diète).

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Kashihara HirokiArticles de l'auteur

Né à Osaka en 1978. Maître de conférences au département d’économie de l’Université du Kansai depuis 2015. Titulaire d’un diplôme en sciences politiques (2001) et d’un doctorat en sciences politiques (2008) obtenus à l’Université Keiô. Auteur de différents ouvrages dont Meiji no gijutsu kanryô : kindai nihon o tsukutta chôshû goketsu (Les technocrates de Meiji : les cinq génies qui ont bâti le Japon moderne, Chûkô shinsho, 2018).

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