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L’histoire des îles d'Ogasawara : un chaos au nom de la raison d’État

Société

L’archipel d’Ogasawara est essentiellement connu pour être classé au patrimoine naturel mondial. Néanmoins, peu de gens savent les sacrifices auxquels ont dû consentir les habitants de ces îles, tant de la part des États-Unis d’Amérique que du Japon. L’histoire moderne des îles Ogasawara commence au XIXe siècle, quand de nombreux colons d’origine européenne et américaine s’y installent. S’ensuit alors de nombreux événements complexes : annexion du Japon, défaite japonaise, occupation américaine, retour à la souveraineté japonaise…

Pendant la guerre froide, un tremplin pour la reconstruction

Après la défaite du Japon, les îles d'Ogasawara, y compris Iwo Jima, furent placées sous occupation directe de la Marine de guerre américaine. En 1946, les États-Unis autorisèrent le retour, à Chichijima uniquement, des seuls descendants des premiers indigènes et de leurs familles, ceux qui vivaient dans les îles d'Ogasawara avant l’annexion japonaise (dits « insulaires occidentaux »). 130 personnes environ répondirent à cette opportunité et retrouvèrent leur île.

En 1951, alors que la guerre froide s’intensifiait en Asie orientale, le Traité de San Francisco rétablit la paix entre le Japon et les États-Unis. Dans son article 3, le Japon reconnaissait le placement des îles d’Ogasawara et Iwo Jima, ainsi que des archipels d’Amami et d’Okinawa, sous administration des États-Unis d’Amérique. Le Japon retrouvait donc sa souveraineté en échange de l’usage de l’archipel par les États-Unis à des fins militaires.

Les « insulaires occidentaux » qui étaient retournés à Chichijima trouvèrent un emploi auprès de l’US Navy, ce qui leur permit de vivre pendant cette période. D’un autre côté, les États-Unis déployèrent secrètement des ogives nucléaires à Chichijima et Iwo Jima.

Scène de classe à l’époque de l’administration militaire américaine

La maison communautaire, immeuble construit à l’époque de l’administration militaire américaine

Parallèlement, la majorité des anciens habitants de l’archipel, ceux qui n’étaient toujours pas autorisés à rentrer, commencèrent à agir dans l’espoir de retrouver leur terre et d’obtenir une compensation. Car pour beaucoup de ces « réfugiés », la vie au Japon métropolitain se résumait à une existence de misère et de souffrance, sans travail. Les suicides, parfois de familles entières, furent nombreux. Pendant la Guerre Froide, pour l’État japonais, les prémices de la reconstruction se firent bien sur le dos des insulaires d’Ogasawara.

En 1968, l’archipel d’Ogasawara retourna sous administration japonaise. La marine américaine se retira, et les « réfugiés », qui avaient quitté leur île un quart de siècle plus tôt, furent enfin autorisés à revenir à Chichijima et Hahajima. À Iwo Jima, l’aviation américaine ne se retira que pour laisser la place aux Forces d’auto-défense japonaises. Le gouvernement japonais, en excluant ces îles de tout plan de reconstruction, bloqua de fait toute possibilité de résidence privée sur tout le groupe des îles Iwo Jima, y compris l’île Kita-Iwojima.

Les soldats américains se retirent de Chichijima au retour d’Ogasawara sous la souveraineté japonaise, en juin 1968.

En 1984, le Conseil de développement des îles d’Ogasawara, un organisme consultatif de l’Agence nationale du territoire (l’actuel ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports), émis de nouveau un avis défavorable au retour d’une occupation civile sur Iwo Jima, sous le prétexte de « risques d’activité volcanique » et de la « présence de nombreuses munitions non-explosées » sur les îles. Puis, en 1991, les États-Unis et le Japon, conjointement, ont déplacé les unités d’entraînement de décollage et appontement sur navires porte-avions, précédemment dépendantes du port de Yokosuka, de l’aérodrome d’Atsugi à celui de Hahajima.

Suite > Derrière l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité, un lourd sacrifice

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