Cap sur les îles les plus fascinantes du Japon

L’histoire des îles d'Ogasawara : un chaos au nom de la raison d’État

Société

L’archipel d’Ogasawara est essentiellement connu pour être classé au patrimoine naturel mondial. Néanmoins, peu de gens savent les sacrifices auxquels ont dû consentir les habitants de ces îles, tant de la part des États-Unis d’Amérique que du Japon. L’histoire moderne des îles Ogasawara commence au XIXe siècle, quand de nombreux colons d’origine européenne et américaine s’y installent. S’ensuit alors de nombreux événements complexes : annexion du Japon, défaite japonaise, occupation américaine, retour à la souveraineté japonaise…

Une colonie de peuplement pour le rêve d’outre-mer de l’Empire

En 1876, le gouvernement de Meiji affirma finalement sa souveraineté sur l’archipel, avec l’approbation des puissances occidentales. Tous les habitants d’ascendance « étrangère », furent intégralement naturalisés « sujets japonais » avant 1882. Mais ils étaient placés dans une catégorie spéciale de sujets « naturalisés », susceptibles de traitements particuliers pour raison de sûreté.

Une fois cette situation établie, au début du XXe siècle, l’archipel d’Ogasawara fut inondé de colons japonais, en provenance du Japon central ou des îles d’Izu, La production de canne à sucre et l’industrie de transformation sucrière devinrent les principales activités de l’archipel, alors que la production agricole se stabilisait. Pour l’empire japonais, qui planifiait alors son grand projet colonial du Pacifique Sud, Ogasawara était devenu son modèle de développement.

À la fin des années 1920, quand le prix du sucre s’effondra sur le marché mondial, les agriculteurs d’Ogasawara surmontèrent la crise en diversifiant leur production agricole : ils profitèrent du climat des îles pour produire des légumes d’été pendant l’hiver métropolitain, dégageant de larges profits. Ce qui conduisit à l’âge d’or d’Ogasawara dans les années 1930.

Parallèlement, le groupe des îles Iwo Jima, sur lesquelles le Japon avait affirmé sa souveraineté en 1891, connut le même développement : vers 1910, l’économie centrée sur la canne à sucre qui réussissait si bien sur l’archipel Ogasawara se mit en place également à Iwo Jima, grâce à un afflux de colons en provenance des îles d’Izu et de Chichijima et Hahajima. Puis diversification agricole lors de la crise de 1929, en particulier avec la culture de la coca et transformation de la cocaïne, devenue populaire à cette période.

L’agglomération de Chichijima en 1939

Mais, à la différence des agriculteurs de Chichijima et Hahajima, essentiellement indépendants, ceux d'Iwo Jima n’avaient qu’un statut d’ouvriers agricoles pour le compte d’une compagnie coloniale. Ils cultivaient donc les produits imposés par la compagnie, qui acheminait et vendait leur production en métropole. Et pour leur consommation personnelle, ils n’avaient d’autre choix que d’acheter les produits de première nécessité importés et commercialisés par la même société coloniale prédatrice qui contrôlait toute l’activité de l’île. Les seuls secteurs que la compagnie laissait libre étaient l’élevage et la pêche. Favorisés par le climat, l’économie informelle permettait de relâcher quelque peu la pression sur les besoins vitaux, le logement, l’habillement, la nourriture.

Sur le front de la guerre totale nippo-américaine, les insulaires deviennent des « réfugiés »

Dans les années 1920, l’état-major de l’armée japonaise, conformément à la doctrine de l’époque qui voit dans les États-Unis l’ennemi potentiel, commença la militarisation de l’archipel d’Ogasawara, qui faisait de Chichijima un verrou défensif. En 1932, un aérodrome de la marine fut construit sur Iwo Jima.

Les insulaires en 1941

En 1944, quand la Seconde Guerre mondiale entra dans sa phase finale, au moment où l’armée américaine envahit les îles du Pacifique Sud (Micronésie), 7 000 des 8 000 habitants des îles d'Ogasawara (groupe Iwo Jima inclus), furent évacués de force. Ils abandonnèrent la totalité de leurs biens, mis à part quelques effets personnels, pour se retrouver réfugiés en métropole.

Toutefois, la majorité des hommes entre 16 et 60 ans ne furent pas évacués et furent au contraire engagés civils dans l’armée. En février 1945 : le corps américain des Marines lança une opération de débarquement sur Iwo Jima. À ce moment, 103 hommes de l’île étaient présents. Selon les données du ministère du Travail et de la Santé, le débarquement d’Iwo Jima coûta la vie à 22 000 Japonais, morts et disparus compris, ainsi qu’à 6 800 Américains. Seuls 10 habitants de l’île en réchappèrent.

Jusqu’à la défaite, l’empire du Japon a exigé des habitants d’Ogisawara un énorme tribut en les maintenant sur la ligne de front de la défense métropolitaine.

Suite > Pendant la guerre froide, un tremplin pour la reconstruction

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