Quand gourmandise rime avec plaisir

Le Big data au service du vin japonais

Science Technologie

Les vins japonais n’ont maintenant plus rien à envier à des importations bon marché vendues dans les supermarchés, les consommateurs étant de plus en plus attirés par les histoires de producteurs proches de chez eux. La viticulture est justement un domaine qui a introduit de plus en plus le système du Big data. Que permet concrètement l'utilisation de quantités colossales de données ? Reportage dans les préfectures de Yamanashi et Nagano au moment de la récolte.

Les « épouvantails » de l’ère numérique

La « smart agriculture » utilise des drones et des satellites, et un cadre est rapidement mis en place afin de créer du big data à partir des données concernant la météo et le sol ainsi que la cartographie par satellite. Cette nouvelle approche est rendue nécessaire par le déclin de la population agricole et son vieillissement ainsi que par les changements climatiques et environnementaux observés à l'échelle mondiale.

En 2015, la société PS Solutions du groupe Softbank a développé le e-Kakashi, un petit capteur agricole qui fait appel à l’intelligence artificielle. Si en japonais, kakashi signifie « épouvantail », ces appareils modernes sont installés dans les vignes pour une mission différente. Aujourd'hui, environ 300 e-Kakashi sont utilisés dans les rizières et les champs de tomates, leurs possesseurs étant attirés par son design raffiné et la facilité d'installation du capteur. Mais le e-Kakashi ne se contente pas d’enregistrer les données relatives aux températures de l'air et du sol, l'exposition au soleil et la température cumulée. Dans le cas de producteurs de riz, il enverra le message indiquant que le total cumulatif des températures journalières a atteint 1 000°C, une information clef signifiant que le riz est prêt à être récolté.

Le système e-Kakashi exposé au salon Agri World, à Chiba en octobre 2017. Une nouvelle version de l'appareil, intégrant des télécommandes équipées de technologies faisant appel à l’intelligence artificielle pour l'ouverture des orifices de ventilation dans les serres et des vannes pour l'arrosage. Elle a été exposée pour la première fois lors de ce salon.

Le dispositif e-Kakashi (à gauche) et un nœud de capteur (à droite).

Yamaguchi Norio, de PS Solutions, a développé le système e-Kakashi, et il en est fier. « Son plus grand avantage, c’est qu'il combine des données météorologiques et pédologiques analysées par des experts et les connaissances d'agriculteurs expérimentés, tout autant d’informations précieuses pour une agriculture productive. »

Le big data pour rapprocher les générations

Le système e-Kakashi est mis en service depuis juin 2017 au vignoble Azumino Ikeda géré par la brasserie Sapporo, à Ikeda, dans la préfecture de Nagano. Togami Takashi, spécialiste, responsable du département R & D en innovation verte de PS Solutions, a mené des recherches combinant l'informatique et la science végétale à l'Université de Mie. Selon lui, « certaines des vignes produisent ici des raisins supérieurs, tandis que dans d'autres, la récolte est de qualité moyenne. Cela est probablement dû à la différence de température entre les sites, ce qui affecte également la vitalité des racines des plantes. Cette constatation confirme notre hypothèse selon laquelle ces facteurs ont un impact non négligeable sur le produit final. Avec le e-Kakashi, nous sommes en mesure de collecter les données de chaque plante. Grâce à des capteurs disposés dans différents endroits, nous essayons de comprendre l’origine de ces différences. Notre projet est une tentative d'avant-garde, soutenue par des scientifiques viticoles hautement qualifiés et soucieux des vignes dès le premier stade de leur croissance. »

La ville d'Ikeda, dans la Vallée des vins des Alpes du Japon, est la plus ancienne zone viticole de Nagano. Caractérisée par un ensoleillement et une amplitude thermique journalière importants, et possédant un sol avec un drainage favorable, la région est idéale pour la viticulture. Maintenant, avec le e-Kakashi sur le point de percer les aspects scientifiques du terroir de la région, l'expérience a une réelle signification.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, le célèbre vigneron français Henri Jayer, réputé avoir eu une touche quasi-divine avec le vin, rejeta en bloc la standardisation du vin que les progrès scientifiques et la consommation de masse pouvaient apporter. Mais la révolution technologique qui se déroule actuellement dans les vignobles japonais vise à produire des vins dont les qualités naturelles sont mises en évidence.

Les mots de Kitazawa Mika, chercheuse au Centre d'analyse de la Chikumagawa Wine Valley, font forte impression : « Si les données de tous les producteurs sont collectées et partagées, ils auront l'opportunité d'apprendre de leurs voisins. Même s'il y a quelque chose qu'ils ne savent pas, la génération suivante peut le découvrir. Nous sommes en ce moment-même sur le point d’enrichir les connaissances de chacun. »

Grâce au big data, qui utilise d'énormes quantités d'informations de production accumulées au fil des générations, les producteurs japonais pourraient un jour être capables de produire des vins dotés d’une saveur dépassant toutes les espérances !

Reportage et texte : Okamoto Narumi.
Photos : Okamoto Mari (Okunota), Miura Kenji (Chikumagawa), Okamoto Narumi (Chiba)
(Photo de titre : un capteur agricole e-Kakashi installé au vignoble d’Azumino Ikeda de la brasserie Sapporo)

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