Les grandes figures historiques du Japon

Donald Keene : une vie dévouée à la cause de la littérature japonaise

Culture

Le grand spécialiste de la littérature et de la culture japonaises Donald Keene est mort à Tokyo en 2019, à l’âge de 96 ans. Tout au long de sa vie, il s’est efforcé de diffuser la langue et la civilisation japonaises dans les pays anglophones, comme son contemporain René Sieffert (1923-2004) en France. Cet article retrace le parcours exceptionnel d’un érudit doublé d’un traducteur hors pair. Tout a commencé il y a près de 80 ans, le jour où dans une librairie de New York, il a acheté un exemplaire du Dit du Genji traduit en anglais, un monument de la littérature japonaise.

La découverte du Japon tel qu’en lui-même

Pendant la période de l’occupation par les Alliés (1945-1952), l’Archipel n’a accueilli aucun étudiant étranger. Donald Keene a donc dû attendre que le Japon retrouve sa souveraineté nationale dans le cadre du traité de San Francisco de 1951 pour réaliser le rêve qu’il nourrissait depuis longtemps, à savoir faire des études à Kyoto. Il a réussi à obtenir une bourse qui lui a permis de se rendre dans l’ancienne capitale impériale au cours de l’été 1953.

Une fois à Kyoto, Donald Keene s’est installé dans un petit pavillon rattaché à une maison traditionnelle japonaise du quartier d’Imakumano, dans l’arrondissement de Higashiyama et il a mené une vie dans le plus pur style de l’Archipel. Dans son nouveau logis, il était environné par des arbres, entre autres des cerisiers et des érables du Japon, et bercé par le murmure d’un petit ruisseau coulant à proximité. Soucieux de vivre exactement comme dans les temps anciens, il n’utilisait pas de poële pendant l’hiver, se chauffant uniquement avec un brasero, et il mangeait la nourriture typiquement japonaise préparée par Okumura Ayako, l’épouse de son propriétaire. Il travaillait sur un bureau bas traditionnel accroupi en position seiza (les genoux serrés) sur les tatamis de son logement. Et c’est dans ces conditions qu’il a écrit son anthologie de la littérature japonaise en deux parties.

Le premier tome est paru en septembre 1955, après le retour de Donald Keene aux États-Unis. Le contrat d’édition stipulait que la Japan Society de New York — une association à but non lucratif fondée au début du XXe siècle — s’engageait à acheter tous les invendus des 2 000 exemplaires du premier tirage. Mais dès la fin de l’année, l’ouvrage était déjà épuisé. Si le livre de Donald Keene a eu autant de succès, c’est parce que les nombreux Américains qui étaient entré en contact avec des Japonais ou avaient séjourné dans l’Archipel pendant la guerre et la période de l’occupation voulaient en savoir davantage sur la culture de ce pays. Le second tome, publié dès l’année suivante. Et il s’est lui aussi très bien vendu.

En 2006, l’Université Columbia de New York, où Donald Keene a enseigné pendant un demi-siècle, a célébré le 50e anniversaire de la parution de son anthologie en réunissant des professeurs, des chercheurs et des traducteurs du monde entier. Donald Keene aimait évoquer l’enthousiasme avec lequel les gens lui confiaient que c’est grâce à son livre qu’ils étaient entrés en contact avec la littérature japonaise.

Donald Keene en train d’interpréter le rôle du serviteur, Tarôkaja, de la pièce de kyôgen (théâtre comique traditionnel) intitulée Chidori (Le pluvier), le 13 septembre 1956, au théâtre Kita nôgaku-dô de Tokyo. (© Watabe Yûkichi ; avec l’aimable autorisation du Centre Donald Keene de Kashiwazaki).

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