Quand gourmandise rime avec plaisir

Les râmen, plébiscitées par les Japonais

Culture Gastronomie Tourisme

Ishiyama Hayato [Profil]

Les râmen connaissent aujourd’hui un succès croissant dans le monde entier. Un spécialiste revient pour nous sur l’origine de ce plat et ses perspectives.

Brève histoire des râmen

Voyons comment les râmen du Japon ont vu le jour.

Tout d’abord, faisons le point sur ce que sont les râmen : un plat composé de nouilles dans un bouillon et agrémentées de divers ingrédients.

Le bouillon est à base d’os de porc, de carcasse de poulet ou de produits de la mer (sardines séchées, copeaux de bonite séchée, algue konbu). En y adjoignant des légumes aromatiques, la forte odeur animale s’efface pour laisser place à des saveurs complexes. Ce bouillon est ensuite décliné en goûts variés, grâce à un assaisonnement de sauce de soja, miso ou sel.

Les nouilles sont confectionnées avec de la farine de blé et du kansui, une eau alcaline qui leur confère leur texture particulière.

De gauche à droite : tonkotsu râmen (bouillon aux os de porc mijotés), râmen à la sauce de soja, râmen au miso

À l’origine, les râmen étaient des nouilles utilisées en cuisine chinoise. Au fil du temps, elles ont adopté le nom de « soba de Chine » ou « soba chinoises », et sont devenues un plat largement apprécié de tous les Japonais.

Les premières râmen japonaises connues sont les « soba de Chine » du restaurant Rairaiken du quartier d’Asakusa, alors l’un des quartiers les plus animés de Tokyo ; l’établissement avait embauché un chef du quartier chinois de Yokohama pour son ouverture, en 1910. Les râmen sont alors l’avant-garde de la gastronomie, dans un quartier où l’on va au spectacle. Il s’agissait à l’époque d’une « cuisine étrangère » encore peu connue au Japon, mais on peut imaginer que l’exotisme, allié à une certaine ressemblance avec les soba japonaises, est à l’origine de ce premier succès.

Plus tard, au début de l’ère Shôwa (1926-1989), dans les années 30, les Chinois font connaître les râmen dans d’autres régions du Japon, notamment à Sapporo (Hokkaidô), Kitakata (Fukushima) ou Kurume (Fukuoka). Les râmen, qui n’étaient jusqu’alors qu’un plat chinois parmi tant d’autres, adoptent une forme proche de celle qu’on leur connaît aujourd’hui après la Seconde Guerre mondiale. La farine de blé utilisée pour les préparer était alors plus facile à se procurer que le riz, un plus pour tous ceux qui, de retour du front, ont commencé à en vendre dans des échoppes ici et là. En cette période de disette, les râmen ont rapidement conquis le pays entier.

Les plus anciens restaurants de râmen de Tokyo, mais aussi de Kyûshû ou de Sapporo voient le jour dans la décennie suivant la fin de la guerre en 1945.

Internet, accélérateur de succès

À Tokyo, les râmen étaient d’abord considérées comme des « soba chinoises » assaisonnées à la sauce de soja, c’est-à-dire une variation des soba japonaises. Mais en même temps que les râmen au miso ou les tonkotsu râmen nées en province se font connaître au niveau national, on assiste à la naissance d’une nouvelle culture gastronomique.

Les râmen locales, jusque-là considérées comme des spécialités régionales, conquièrent le Japon à partir de 1965, en une décennie, sous forme de nouilles instantanées ou grâce à l’ouverture d’enseignes franchisées. C’est ainsi que les râmen au miso de Sapporo ou les tonkotsu râmen de Hakata deviennent une sorte de marque établie, ouvrant la voie aux râmen d’autres régions.

Aujourd’hui, le succès jamais démenti des râmen est soutenu par Internet. Les informations, jusqu’alors disponibles uniquement par le biais de la télévision ou des magazines, sont désormais partagées sur des sites Internet et par le biais des réseaux sociaux, qui permettent de relayer les commentaires des clients.

Nouveaux restaurants, menus spéciaux, établissements les plus prisés ici ou là, toutes ces informations peuvent être lues ou partagées gratuitement et à tout moment. La multitude d’informations relatives aux quelque 30 000 restaurants de râmen du Japon s’est parfaitement adaptée aux spécificités d’Internet, et a renouvelé la popularité de ce plat. Avec l’arrivée du Smartphone, cette synergie devrait encore progresser.

Suite > Les râmen, un symbole japonais

Tags

tourisme cuisine gastronomie campagne restaurant région ramen monde nouille

Ishiyama HayatoArticles de l'auteur

Critique gastronomique spécialiste des râmen. Fondateur du Cercle d’étude des râmen lorsqu’il était étudiant, il a depuis dégusté les râmen de plus de 6 000 restaurants. Participe à de nombreuses émissions télévisées et projets variés. Consultant en création de nouilles instantanées, auprès de restaurants de râmen et dans des domaines connexes, il participe aussi à faire connaître les râmen à l’étranger. Auteur de l’ouvrage bilingue japonais-anglais The Ramen Book (Jitsugyô no Nihonsha, 2015), entre autres.

Autres articles de ce dossier