Tokyo, une ville en perpétuelle métamorphose

L’évolution de Tokyo, de 1868 à nos jours

Culture Architecture

Après la Restauration de Meiji, en 1868, la ville d’Edo a changé de nom et pour devenir « Tokyo », c’est-à-dire la « capitale de l’Est ». Dès lors, elle s’est occidentalisée rapidement. Elle a aussi été complètement détruite à deux reprises, une première fois en 1923, à l’occasion du grand tremblement de terre du Kantô, et une seconde en 1945, au cours des bombardements intenses qui ont précédé la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais à chaque fois, elle a réussi à se relever et à commencer une nouvelle vie tout en restant fidèle au cadre urbain mis en place par le shogun Tokugawa Ieyasu (1543-1616).

L’époque d’Edo a débuté en 1603 avec l’accession au pouvoir du shogun Tokugawa Ieyasu. En l’espace d’un siècle, le nouveau maître du Japon a transformé Edo, un petit village environné de marécages et d’une végétation rabougrie, en une grande ville débordante de vitalité (voir article La naissance de Tokyo : comment un village marécageux est devenu la plus grande métropole du monde). Cette première mutation a été suivie par une seconde, quand les dirigeants de l’époque Meiji (1868-1912) ont eu recours à des architectes et des ingénieurs étrangers pour faire de Tokyo une capitale à l’image de celles de l’Occident. Et ils ont commencé à construire des édifices en pierre et en brique de style occidental, le long des grands axes de la ville.

Les ravages énormes du grand tremblement de terre du Kantô

Après la Restauration de Meiji, les bâtiments de type occidental se multiplièrent dans le centre de Tokyo, là où étaient installés les bureaux de l’administration et des grandes firmes. En revanche, les quartiers occupés par des commerces et des logements ont gardé le même aspect, celui de zones où les constructions en bois étaient entassées les unes contre les autres. Le 1er septembre 1923, le Kantô, la région où se trouve Tokyo, fut frappé par un tremblement de terre de magnitude 7,9 qui déclencha des incendies dans toute la capitale et réduit celle-ci en cendres. Plus de 100 000 personnes perdirent la vie et des millions d’autres se retrouvèrent sans abri. (Voir notre article lié : Le Grand tremblement de terre du Kantô, le monstre qui a dévasté Tokyo et Yokohama)

Le feu détruisit quantité d’édifices de style occidental abritant non seulement des bureaux du gouvernement et de l’administration – entre autres le ministère des Finances, le ministère de l’Intérieur et la préfecture de police de Tokyo –, mais aussi des activités culturelles et commerciales, notamment le Théâtre impérial et le grand magasin Mitsukoshi du quartier de Nihonbashi. Les nouveaux bâtiments construits suivant les normes de l’architecture occidentale ne résistèrent pas aux secousses dévastatrices du séisme de 1923.

Dès le lendemain de la catastrophe, Gotô Shinpei (1857-1929), médecin et homme politique de grand renom, fut nommé ministre de l’Intérieur et joua un rôle capital dans la remise sur pied de Tokyo. Il mit au point sans tarder un plan de reconstruction de la ville et le 27 septembre, moins d’un mois après le désastre, il créa un Conseil pour la reconstruction de la capitale impériale dont il assuma la direction. Gotô Shinpei sollicita un financement de quatre milliards de yens, soit près de trois fois le budget total du gouvernement. Mais la Diète ne lui accorda qu’une somme de 600 millions de yens.

Pour mener à bien son projet, Gotô Shinpei demanda à son vieil ami Charles Austin Beard (1874-1948) de venir au Japon pour lui prêter main forte. Le grand historien américain lui répondit aussitôt par l’affirmative et commença par lui envoyer un télégramme dans lequel il lui conseillait de quadriller la ville avec de grandes avenues, d’interdire la construction d’édifices susceptibles de bloquer les axes majeurs de la circulation s’ils venaient à s’effondrer et d’adopter les mêmes normes pour toutes les gares de la capitale. À l’époque, Tokyo était surpeuplée, avec une population de plus de 3 millions d’habitants. La ville manquait de logements, ses rues étaient étroites et tortueuses et son système d’adduction d’eau et d’égouts complètement dépassé. Fort des conseils de son ami, Gotô Shinpei inclut dans son projet de reconstruction des mesures à même de résoudre des problèmes dont la ville souffrait depuis bien avant le grand tremblement de terre du Kantô.

Grâce au plan ambitieux de Gotô Shinpei, Tokyo s’est dotée de larges avenues – notamment Yasukuni-dôri qui traverse le centre de la ville d’est en ouest, et Harumi-dôri et Showa-dôri qui se croisent dans le quartier de Ginza. De même, se développèrent de vastes espaces verts, en particulier le parc de la Sumida et celui de Hamachô. En 1925, le dernier tronçon de la ligne de chemin de fer circulaire JR Yamanote, reliant les gares d’Ueno et de Tokyo fut achevé, les propriétaires de terrains opposés à sa construction ayant fini par baisser les bras après le séisme et les incendies dévastateurs de 1923.

Après le tremblement de terre, la construction de nombreuses routes et infrastructures est allée de pair avec une redistribution des terrains de grande envergure. C’est ainsi que les bases du tissu urbain actuel de Tokyo ont été mises en place.

Les secousses sismiques et le feu avaient fait de tels ravages que l’on assista à un déplacement de la population du centre de la capitale – constituée en grande partie par des intellectuels et des gens liés au monde de la culture – vers les faubourgs. Habiter dans les environs de Tokyo ou dans des villes proches comme Kamakura et Urawa devint un symbole de statut social élevé. La multiplication des projets de construction aux alentours de la capitale eut aussi pour effet l’apparition de nouvelles lignes de train reliant le centre de la ville à sa périphérie.

Suite > La reconstruction rapide de Tokyo après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale

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