Tokyo, une ville en perpétuelle métamorphose

La naissance de Tokyo : comment un village marécageux est-il devenu la plus grande mégalopole du monde

Culture Architecture

Il y a quatre siècles, Tokyo n’était qu’une modeste bourgade au pied du château que le shogun Tokugawa Ieyasu (1543-1616) venait de faire construire le long d’une anse de la baie d’Edo. Depuis, la ville a connu une remarquable expansion qui ne s’est jamais démentie. En dépit des multiples destructions dont elle a été victime, elle a en effet réussi chaque fois à renaître de ses cendres avec une énergie décuplée. Dans l’article qui suit, nous vous proposons un aperçu de son étonnante histoire, et en particulier des circonstances dans lesquelles elle a pris son apparence actuelle.

Dans le rapport de l’Organisation des Nations unies sur « Les villes du monde en 2016 » (The World’s Cities in 2016), la capitale du Japon arrive en tête des mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants. L’aire métropolitaine de Tokyo – qui regroupe la ville proprement dite et les préfectures voisines de Kanagawa, Saitama et Chiba – compte en effet à elle seule 38 millions d’âmes, c’est-à-dire plus que la population totale du Canada.

Elle est le théâtre d’un va-et-vient incessant de millions d’individus cherchant à se frayer un chemin à travers une forêt de gratte-ciels et un fouillis inextricable de routes et de lignes de transports en commun. Mais l’expansion de la ville n’est dû qu’à une succession de destructions puis de reconstructions qui a commencé il y a plus de 400 ans, lorsqu’elle s’appelait encore « Edo » et se limitait à une plaine marécageuse à la végétation broussailleuse...

Un imposant château édifié auprès d’un modeste village

Tokyo, alors appelée Edo, a commencé à se développer en 1590, quand Toyotomi Hideyoshi (1537-1598) l’unificateur du pays, a donné l’ordre à Tokugawa Ieyasu d’y installer le siège de son fief, transféré pour l’occasion dans la région du Kantô. Le fondateur de la dynastie des shogun Tokugawa a donc laissé les cinq provinces qu’il occupait jusque-là dans la région de Nagoya pour se rendre sur place. Il a édifié un château à l’emplacement du palais impérial actuel, au bord de l’anse de Hibiya et du modeste village qui la longeait. Lors de son accession au pouvoir en 1603, une de ses premières préoccupations a été de combler ladite anse avec des matériaux provenant de la colline de Kanda, qui s’élevait au nord du château. Ces terrains gagnés sur la mer correspondent aux secteurs actuels de Marunouchi et Yûrakuchô. La forteresse de Tokugawa Ieyasu était entourée par deux enceintes, « intérieure » et « extérieure », chacune protégée par des douves. Elle était en outre reliée à un réseau de canaux destiné à faciliter le transit des marchandises.

En 1657, la capitale shogounale a été ravagée par le gigantesque incendie de l’ère Meireki qui a notamment détruit le donjon du château dont il ne reste que les fondations en granite reconstruites l’année suivante – 11 mètres de hauteur sur 41 mètres d’est en ouest et 45 mètres du nord au sud – qui se trouvent dans le jardin de l’Est du palais impérial, accessible au public.

Une ville d’un million d’habitants dès le XVIIIe siècle

Sous le régime des Tokugawa, Edo est devenue une ville en constante expansion. Une des raisons majeures de son développement rapide est le système de la « résidence alternée » (sankin kôtai) imposé par le shogun aux daimyô, les seigneurs féodaux. Ceux-ci devaient séjourner alternativement entre la capitale et leur fief en laissant leur épouse et leurs héritiers sur place quand ils rentraient chez eux, ce qui revenait à les prendre en otage. À Edo, ils vivaient dans de vastes résidences bâties sur des terrains assignés par le shogun autour du château et sur les hauteurs situées à l’ouest. La présence de ces nombreux daimyô, de leurs familles et des guerriers composant leur suite a largement contribué à l’apparition d’un commerce florissant. Bien qu’il n’existe aucune statistique précise à ce sujet, on considère qu’au XVIIIe siècle, Edo abritait déjà plus d’un million d’habitants et qu’elle était l’une des villes du monde les plus peuplées de l’époque.

La capitale shogounale était très animée, en particulier le quartier de Nihonbashi ainsi appelé à cause du pont construit en 1603 par Tokugawa Ieyasu lorsqu’il a été nommé shogun (seii taishôgun, littéralement « grand général pacificateur des barbares ») par l’empereur. L’année suivante, le « pont du Japon » est devenu le point de départ des cinq grandes routes – Tôkaidô, Nakasendô, Nikkô kaidô, Kôshû kaidô et Ôshû kaidô – reliant Edo au reste du pays. Ces voies de communications étaient empruntées non seulement par les daimyô et le cortège qui accompagnait chacun d’entre eux dans ses déplacements, mais aussi par un flot constant de voyageurs allant d’un point à l’autre de l’Archipel.

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