Balade à travers les fleurs de l’Archipel
Le sarrasin rouge, la précieuse céréale de l’automne japonais
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Le sarrasin, ou soba, est l’ingrédient de l’un des principaux mets de la cuisine japonaise. C’est une céréale donnant des récoltes abondantes, et moissonné deux fois par an : le sarrasin d’été est moissonné entre la fin du mois de juin et le début du mois d’août, et celui d’automne entre la fin du mois de septembre et le début du mois de novembre. Ce dernier, également appelé « sarrasin nouveau », est particulièrement apprécié pour l’odeur parfumée qu’il dégage.
Ces fleurs raviront leurs admirateurs vers la fin du mois de septembre. Dans la préfecture de Nagano, renommée pour sa production de la céréale, il est un village où on peut observer des fleurs de sarrasin non pas blanches, comme elles le sont habituellement, mais d’une teinte pourprée et rare, appelé sarrasin rouge, ou akasoba. Nous voici donc à Minowa, dans le bassin d’Ina, entouré des Alpes du Sud et des Alpes Centrales.
À environ 5 km de l’échangeur autoroutier Ihoku se trouve Akasoba no sato, « Le village du sarrasin rouge », où se trouve un champ parsemé de ces rares fleurs. C’est après avoir gravi un sentier montagneux bordé d’arbres pendant quelques minutes que le spectacle s’offre à nos yeux : un champ magnifique de 4,2 hectares, aussi grand qu’un stade sportif, tapissé de fleurs aux teintes pourprées. Le contraste saisissant entre le bleu du ciel et le vert de la montagne fait davantage ressortir les pétales des fleurs rouges.
La saison de floraison du sarrasin rouge attire chaque année près de 10 000 visiteurs. Ce magnifique paysage s’ouvre au public à la mi-septembre, à la période d’éclosion jusqu’à la mi-octobre.
L’automne, une saison pour les yeux et les papilles
Selon Karasawa Toshifumi, chargé de la gestion de Akasoba no sato, une seule graine de sarrasin normal produit une cinquantaine de fruits, mais pour le sarrasin rouge, ce chiffre n’est plus que trois, quatre ou cinq. Et c’est ce précieux akasoba que se propose de vous faire déguster le restaurant « Sobadokoro Furuta no sato », à l’entrée du champ, ouvert seulement pendant la saison de floraison des fleurs. L’endroit ne sert qu’entre 30 et 50 repas par jour, il est donc recommandé de ne pas trop attendre pour déguster les précieuses nouilles de sarrasin rouge. Les bénévoles sont à pied d’œuvre dès 4 heures du matin pour préparer à la main ces pâtes si particulières. Les palais des visiteurs pourront choisir entre 2 menus : « Akasoba » (900 yens) ou « Shirosoba » (les soba classiques » (600 yens), chacun pouvant se décliner en une version froide « mori » ou chaude « kake ». Les soba rouges ont une couleur plus foncée que leurs cousines, sont plus élastiques en bouche et ont un parfum plus prononcé.
Le sarrasin, une céréale répandue dans le monde entier
Au Japon, l’histoire du sarrasin est riche et remonte à des temps immémoriaux. Dès la période Heian (794-1185), la méthode de culture de la céréale apparaît dans le texte Shoku Nihongi (« Suite des Chroniques du Japon »), achevé en 797. C’est peut-être la raison pour laquelle de nombreux Japonais se plaisent à penser que le sarrasin est une céréale originaire de l’Archipel.
Cependant, le sarrasin est cultivé aux quatre coins de la planète et il y a mille et une façons de le préparer. Si en Italie, il existe des pâtes au sarrasin appelées « pizzoccheri », la France n’est pas en reste non plus avec ses non moins célèbres « galettes ». Mais le pays qui consomme le plus de sarrasin est la Russie, notamment pour le « kasha », une bouillie de sarrasin consommée au quotidien dans de nombreux foyers du pays.
Si le sarrasin est répandu un peu partout dans le monde, c’est parce qu’il est facile à cultiver. Il aime les sols secs et peut même pousser sur des sols pauvres. Il suffit de semer des graines pour profiter de la récolte entre 70 et 80 jours plus tard. L’attente est moins longue que le blé ou le riz, une raison qui explique en grande partie pourquoi certains se sont tournés vers cette céréale.
De sa naissance dans l’Himalaya à son développement au Japon
Le sarrasin fut initialement cultivé en Chine, dans la province du Yunnan. Le sarrasin rouge qui pousse à Minowa est né dans l’Himalaya puis a connu quelques améliorations au Japon pour obtenir la variété dite « Takane Ruby ».
Nous nous sommes entretenus avec Ujihara Akio, qui a consacré ses recherches à la fleur Takane à l’Université de Shinshû. Il s’est rendu en Himalaya en 1987. Il nous explique que cette fleur qui pousse initialement à 3 800 mètres d’altitude, évolue dans un environnement où les rayons ultra-violets sont extrêmement puissants, c’est pourquoi elle est riche en polyphénol rouge, également appelé anthocyane.
Après des années de recherches, le professeur Ujihara est parvenu à obtenir la Takane Ruby, une variété capable de s’adapter au climat japonais.
Initialement, la culture de la variété Takane Ruby avait pour but de mettre à profit les terres d’autres plantes laissées en jachère. Huit ans plus tard, le propriétaire décida d’arrêter la culture du sarrasin rouge, mais des résidents ne l’entendirent pas de cette oreille et lui demandèrent de continuer la culture de la céréale. C’est ainsi qu’en 2006, Karasawa Toshifumi décida de reprendre en main l’akasoba. La ville de Minowa, qui peut s’enorgueillir de ces champs qui s’étendent à perte de vue, attire non seulement des touristes japonais, mais également étrangers. L’entrée est gratuite mais chacun peut glisser une petite somme dans une boîte à dons et donner ce qu’il veut la gestion des lieux. Les deux seules sources de revenus permettant d’entretenir les locaux sont l’argent récolté dans cette boîte et les bénéfices du restaurant Sobadokoro. Et ce ne sont pas les typhons ou le rude climat de l’Archipel qui vont arrêter le personnel de Akasoba no sato : ils entendent bien continuer de ravir les visiteurs avec ses paysages magnifiques.
Akasoba no sato
- Période de floraison 2024 : 21 septembre - 13 octobre
- Adresse du restaurant Sobadokoro Furuta no sato : Naka-Minowa, Minowa-cho, Kami-Ina-gun, Nagano-ken 399-4601
- Accès :
- 3 heures depuis Tokyo, à 15 minutes de l’échangeur Ihoku
- 3 heures depuis Nagoya
- 5 heures depuis Osaka, à 20 minutes de l’échangeur Ina
- Le site officiel
- Tarif : gratuit
(Reportage et texte : Abe Manami. Photos : Miwa Noriaki)