Exploration de l’histoire japonaise

La Restauration de Meiji : la fin du shogunat et la construction de l’État japonais moderne

Culture

L’année 2018, qui marque le 150e anniversaire de la Restauration de Meiji, a donné lieu à de nombreuses célébrations au Japon. L’année 1868 a certes joué un rôle crucial dans la chute du shogunat et l’instauration d’un nouveau mode de gouvernement, mais la bonne compréhension du contexte historique demande une plus large perspective. L’article qui suit présente un panorama succinct de l’histoire du Japon entre l’arrivée des « navires noirs » de la marine américaine en 1853 et la promulgation de la Constitution de Meiji en 1889.

La Constitution de Meiji

C’est dans ce contexte que le gouvernement entreprit de rédiger une constitution. La tâche était urgente si le Japon voulait être reconnu internationalement comme un État moderne et obtenir la révision des traités inéquitables, mais c’est avant tout le mouvement populaire pour les droits qui a poussé le gouvernement à agir. Les militants de ce courant réclamaient non seulement une assemblée nationale, mais encore une constitution, et de nombreux projets rédigés par leurs soins étaient en circulation. Les droits et la démocratie étaient des motifs récurrents de ces textes, mais certains d’entre eux, inspirés par la Constitution française, avaient une teneur plus radicale. De leur côté, les autorités cherchaient à renforcer le pouvoir du système impérial et des clans, même si, au sein du gouvernement, certains éléments, comme Ôkuma Shigenobu, plaidaient pour l’adoption d’un document progressiste, sur le modèle britannique.

Choqué par le plaidoyer d’Ôkuma, les hauts dignitaires l’écartèrent du gouvernement en 1881 et expédièrent Itô Hirobumi en Europe pour un voyage d’étude. Après avoir comparé diverses constitutions européennes, Itô recommandait de prendre pour modèle le système allemand, qui avait le mérite de mettre en avant la puissance impériale. À son retour au Japon, il nuança sa position de façon à prendre en compte la situation locale et soumit son projet au Conseil privé de l’empereur, un corps consultatif chargé de débattre des projets de constitution.

Plusieurs débats ont eu lieu au Conseil privé, à l’occasion de réunions auxquelles assistait l’empereur Meiji, avant que la Constitution de l’Empire du Japon soit promulguée le 11 février 1889. Elle avait ceci de remarquable qu’elle qualifiait le statut de l’empereur de « sacré et inviolable » et lui conférait un pouvoir absolu. Il associait dans sa personne la souveraineté, le commandement suprême des armées et de la marine, et le pouvoir de nommer et révoquer le cabinet. Dans le même temps, les citoyens se voyaient accorder un large éventail de droits, dont la liberté de religion, d’occupation et de parole dans les limites de la Constitution. Il semble que ce soit à la demande d’Itô que ces droits ont été inclus dans le texte.

La promulgation de la Constitution de Meiji (photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque métropolitaine de Tokyo)

Bien qu’Itô ait été l’une des figures centrales du clan Satsuma-Chôshû, qui tenait les rênes du gouvernement de Meiji, ses initiatives en vue de renforcer la politique des partis via la fondation du Rikken Seiyûkai (« Les Amis du gouvernement constitutionnel ») suggèrent une certaine propension au libéralisme. En tolérant une large interprétation de la Constitution, il ouvrit en outre la porte à une lecture démocratique de la nouvelle loi fondamentale du pays. C’est sur ce terreau que naquit l’idée que l’empereur lui-même est un organe de l’État, conformément à la théorie défendue au XXe siècle par le juriste Minobe Tatsukichi (1873-1948). Dans le même temps, si l’on s’en tient à une lecture strictement littérale, l’empereur détenait le pouvoir suprême. C’est sur la première interprétation que reposait la fondation de la démocratie de Taishô, tandis que la seconde sous-tend les années sombres du militarisme et de la guerre. Quoi qu’il en soit, le Japon, doté de sa nouvelle Constitution, entra dans l’Histoire comme le premier État moderne du continent asiatique.

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