Exploration de l’histoire japonaise

La Restauration de Meiji : la fin du shogunat et la construction de l’État japonais moderne

Culture

L’année 2018, qui marque le 150e anniversaire de la Restauration de Meiji, a donné lieu à de nombreuses célébrations au Japon. L’année 1868 a certes joué un rôle crucial dans la chute du shogunat et l’instauration d’un nouveau mode de gouvernement, mais la bonne compréhension du contexte historique demande une plus large perspective. L’article qui suit présente un panorama succinct de l’histoire du Japon entre l’arrivée des « navires noirs » de la marine américaine en 1853 et la promulgation de la Constitution de Meiji en 1889.

Les préfectures et la centralisation

Des hommes d’État comme Kido Takayoshi, de Chôshû, et Ôkubo Toshimichi, de Satsuma, redoutaient que le gouvernement s’effondre si rien n’était fait pour prévenir ce risque. Ayant résolu d’abolir tous les domaines, ils rassemblèrent à Tokyo 8 000 soldats de Satsuma, Chôshû et Tosa et annoncèrent l’entrée en vigueur de leur décision en août 1871. Les domaines étaient remplacés par des préfectures soumises à l’autorité du gouvernement central. Les chefs des domaines furent convoqués à Tokyo pour en être informés et ordre leur fut donné de résider dans la capitale.

Kido et Ôkubo s’attendaient à ce que cette initiative révolutionnaire suscite une forte opposition, mais la réaction fut étonnamment modérée. Peut-être cela s’explique-t-il en partie par l’annonce, faite par le gouvernement de Meiji, qu’il allait prendre en charge les dettes des domaines et payer la solde de leurs samouraïs. Toujours est-il que les domaines disparurent et que le nouveau gouvernement réussit à unifier politiquement le pays. C’est ainsi que furent posées en peu de temps les fondations d’une remarquable transformation sociale. En se modernisant rapidement, le Japon entendait renforcer sa puissance économique et militaire, et éviter de devenir une colonie de l’Occident.

Kido Takayoshi (à gauche) et Ôkubo Toshimichi, les architectes du système des préfectures (photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

La rébellion des samouraïs

Sous le shogunat, les agriculteurs étaient la cible principale de la fiscalité. Leur revenu dépendant des récoltes, il variait considérablement d’une année sur l’autre. Le gouvernement de Meiji entreprit de prélever l’impôt sur les propriétaires terriens et émit des certificats attestant de la valeur des terres. En 1873, il établit le taux d’imposition pour les propriétaires terriens à 3 % de la valeur de leurs terres. L’État se dotait ainsi d’une source fiable de recettes fiscales, payées en espèces plutôt qu’en riz, et la stabilité était assurée pour la poursuite de la modernisation.

Continuant sur sa lancée, le nouveau gouvernement prit des mesures pour en finir avec l’ancien système de classes, où la population était divisée en samouraïs, , agriculteurs, artisans et marchands, et améliorer l’égalité. Après quoi il instaura un service militaire obligatoire de trois ans pour tous les Japonais de sexe masculin âgés de 20 ans. La première armée régulière du Japon était formée de ces conscrits.

Le mécontentement s’accumulait à mesure que les samouraïs perdaient le contrôle du secteur militaire. Le remplacement des domaines par les préfectures les priva de leurs principaux employeurs. Leurs rémunérations héréditaires furent graduellement abolies et les certificats fournis par l’État s’y substituèrent définitivement en 1876. L’usage des noms de famille, jadis une prérogative des seuls samouraïs, fut élargi à l’ensemble de la population et l’interdiction du port de l’épée vint porter un coup supplémentaire à l’identité de la classe des guerriers. Les motifs de mécontentement s’accumulant, le gouvernement de Meiji se trouva confronté à une succession de soulèvements, particulièrement en 1877, avec la rébellion de Satsuma, menée par le fameux Saigô Takamori, dont il fut question plus haut. La nouvelle armée nationale déploya toute sa puissance pour dompter l’insurrection, qui constitua la dernière menace à l’autorité du gouvernement de Meiji.

Pour obtenir satisfaction, les citoyens mécontents eurent désormais recours à un nouvel outil, qui n’allait pas tarder à s’imposer sous le nom de Mouvement pour la liberté et les droits du peuple. Le mouvement prit son origine dans la dénonciation par Itagaki Taisuke, de Tosa, de la captation du pouvoir au sein du gouvernement par le clan Satsuma-Chôshû. Itagaki prônait la création d’une assemblée nationale permettant aux citoyens de participer à l’exercice du pouvoir. Née d’un petit groupe de samouraïs mécontents, cette campagne s’élargit et recruta des partisans chez les riches agriculteurs et, pour finir, chez les citoyens ordinaires.

En mars 1877, la bataille de Tabaruzaka fut le dernier affrontement majeur de la rébellion de Satsuma. (Photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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