La modernité de l’esthétique traditionnelle

« Irezumi » : histoire du tatouage au Japon

Culture Art

Yamamoto Yoshimi [Profil]

Considéré dans le passé comme noble tradition ou encore quintessence de la mode urbaine, pour être ensuite déclaré illégal à l'ère moderne, le tatouage au Japon a connu une histoire mouvementée. L'anthropologue culturelle Yamamoto Yoshimi la retrace jusqu’à nos jours.

La sortie de l'ombre

L'interdiction des tatouages au Japon est complètement levée en 1948, sous l'occupation américaine d'après-guerre. Des bases militaires américaines sont établies dans tout le Japon et les tatoueurs japonais commencent à proposer leurs services aux militaires américains, en particulier autour de la base navale de Yokosuka. Même si les motifs occidentaux constituent la plus grande partie des commandes, les affaires des horishi de Yokosuka sont fructueuses, surtout pendant les guerres de Corée et du Vietnam.

Un militaire australien photographié en Corée du Sud en décembre 1953. Il s’est fait tatouer dans plusieurs pays : Égypte, Angleterre, Hong Kong, Inde et Japon. (Mémorial australien de la guerre, Campbell, Australie)

Cependant, ce n'est que dans les années 1970 que les horishi commencent à sortir de l'ombre, grâce à la parution de livres et d'expositions consacrés à leur art. C'est aussi durant cette période que les stylistes Issey Miyake et Yamamoto Kansai créent des vêtements au design inspiré des irezumi. Dans les années 1980, le tatouage se répand parmi les groupes de rock américains et britanniques, suscitant un intérêt nouveau auprès des jeunes Japonais amateurs du genre. Au fur et à mesure que le tatouage gagne en popularité, les jeunes Japonais redécouvrent la beauté de l'art traditionnel de l’irezumi.

« Tattoo » de Issey Miyake, 1971 SS/ 1970 (exposition Œuvres de Miyake Issey, Centre national des arts de Tokyo, du 16 mars au 13 juin 2016). Photo : rédaction Nippon.com

En 2014, selon un sondage effectué par des membres de la Fédération des associations du barreau du Kantô auprès de 1 000 hommes et femmes âgés de 20 à 60 ans, 16 d'entre eux avaient des tatouages. Cette proportion reste faible par rapport à la plupart des pays occidentaux, où elle oscille entre 10 % et 25 %. Cela indique tout de même que la société japonaise a commencé à considérer le tatouage comme un véritable mode d’expression esthétique.

(D'après un original en japonais. Photo de titre : Sanpuku soroe shiiki no shirataki [L'unité des trois bonheurs : acteurs préférés devant une cascade blanche] par Toyohara Kunichika. Aflo)

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Yamamoto YoshimiArticles de l'auteur

Professeur d'études culturelles comparées à l'université de Tsuru. Obtient son doctorat à l'université féminine Shôwa et fait des recherches de troisième cycle à l'institut d'ethnologie de l'Academia Sinica à Taïwan. Auteur de plusieurs ouvrages, dont Irezumi to Nihonjin (Les Japonais et les tatouages) et Irezumi no sekai (Le monde des tatouages).

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