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La pêche au cormoran, une tradition millénaire qui annonce l’arrivée de l’été au Japon

Culture

Du feu de torche pour surprendre les poissons, et un cormoran bien apprivoisé conduit par un pêcheur, voici indéniablement une scène qui évoque l’été. Laissez-nous vous présenter la profession de maître-cormoran, qui perpétue aujourd’hui encore la tradition de la pêche au cormoran sur la rivière Nagara depuis plus de 1 300 ans. Pour cette activité, cette rivière est la plus célèbre du Japon.

Les oiseaux sont des membres de la famille

Pourquoi avoir choisi des cormorans ? Tout d’abord, ce sont des oiseaux qui possèdent une très bonne vue, et qui sont très rapides sous l’eau, jusqu’à 3 ou 4 mètres par seconde : plus agiles encore que les poissons ! En outre, ils ont un énorme appétit, si bien que dans certaines régions, ils déciment littéralement les rivières. Et bien sûr, ce sont des oiseaux qui s’apprivoisent facilement, condition première de cette technique de pêche.

« Il faut environ six mois pour habituer un oiseau à l’homme, et six mois de plus pour le dresser avant de pouvoir l’utiliser pour la pêche », explique M. Yamashita. Tout en faisant tourner son équipe d’oiseaux chevronnés, il introduit peu à peu de jeunes espèces, pour leur enseigner la technique. L’espérance de vie d’un cormoran sauvage est d’environ 7-8 ans, exceptionnellement 10, mais auprès d’un maître-cormoran, ils peuvent vivre beaucoup plus longtemps. Le plus vieux cormoran, parmi ceux de tous les ujô de Gifu actuellement, a 25 ans, et le record est celui d’un oiseau qui a dépassé les 30 ans. Chaque cormoran nouvellement introduit sera pris en charge jusqu’à la fin de sa vie. Ce sont presque des membres de la famille. »

Son épouse, Yuriko, ajoute en riant : « Depuis notre mariage, nous n’avons jamais voyagé ensemble. Et quand nous sortons quelque part avec nos enfants, à 3 heures de l’après-midi, il faut vite rentrer à la maison, parce que c’est l’heure de s’occuper des oiseaux. On ne peut pas vraiment aller bien loin avec cette vie ! »

En effet, toute la vie d’un maître-cormoran et de sa famille tourne autour de ses oiseaux.

Les ayu pêchés au cormoran valent très chers

Les poissons pêchés par les cormorans se reconnaissent à la marque du bec de l’oiseau qui reste très visible.

Être pêcheur au cormoran, c’est en quelque sorte gérer une entreprise personnelle. Il faut tout d’abord investir dans l’achat des oiseaux, puis dans les costumes, le bateau avec deux bateliers, les frais des bûches pour la torche… Tout cela se paie d’avance. Et même s’il possède le titre de shikibushoku ujô, le salaire mensuel de l’Agence impériale ne se monte qu’à 8 000 yens par mois. La grande partie de ses revenus provient de l’office du tourisme local et de la ville de Gifu. Dans le passé, on pouvait pêcher suffisamment pour vendre au marché aux poissons de Gifu, mais les prises ont nettement diminué.

Le poisson qui se pêche au cormoran est l’ayu. C’est un poisson qui n’existe presque exclusivement qu’au Japon, et protégé depuis longtemps. Actuellement, la pêche en est interdite de novembre à mai, et même pendant la levée de l’interdiction, il est souvent obligatoire de payer un droit de pêche.

Les poissons pêchés au cormoran portent la marque du bec de l’oiseau, telle une signature. Les poissons portant cette marque valent plus chers.

« Les poissons pris au filet meurent lentement, alors que le poisson qui est pris par l’oiseau meurt instantanément quand il est serré dans le bec. Il est donc beaucoup plus frais. »

La pêche au cormoran n’est autorisée chaque année que du 11 mai au 15 octobre. C’est à cette période que les ayu quittent la mer et remontent la Nagara. En dehors de cette période, nous somme en hors saison.

Vivre avec les cormorans

Jusqu’à il y a environ 50 ans, les maîtres-cormorans profitaient de la morte saison pour pêcher dans toutes les rivières, faire manger leurs oiseaux d’autres poissons qu’ils attrapaient, en vivant en permanence sur le bateau en leur compagnie. Une façon d’éviter d’épuiser les ressources d’une seule rivière.

Aujourd’hui, les cormorans sont nourris avec du maquereau congelé, et le maître-cormoran ne vit plus sur la rivière avec ses oiseaux. Mais il faut toujours s’en occuper au quotidien, même pendant la hors saison. Le travail ne manque pas : entretien et réparation du bateau et de l’équipement, coupe du bois pour la torche qui sert tous les jours pendant la saison, réfection des costumes… Aucun temps de répit !

Chargement des paniers à cormorans sur le bateau, avant le départ à la pêche.

Pour toutes ces raisons, le métier de pêcheur au cormoran attire peu les jeunes. Néanmoins, Takeshi, le dernier et seul garçon des cinq enfants de M. Yamashita, qui a 20 ans cette année, semble décidé à devenir à son tour maître-cormoran, même s’il n’en parle pas encore. Les autres familles de maîtres-cormorans semblent également ne pas avoir de souci pour passer le flambeau à la génération suivante. Comme le dit M. Yamashita : « C’est une histoire, une longue tradition que les maîtres-cormorans entretiennent vivante par eux-mêmes. »

Une fierté qui se transmet de génération en génération.

Tous les soirs, à la fin de la pêche, les bateaux se regroupent pour acculer les poissons.

(Photos et textes : Sawabe Katsuhito)

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