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Le pays où les plaques d’égout sont un art urbain

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Il n’est pas rare de découvrir en se baladant au Japon, au détour d’un quartier touristique ou d’une galerie commerciale, une plaque d’égout d’un design original, représentant de façon très graphique un personnage connu du lieu où un paysage emblématique de la région. Certains fans vont même jusqu’à prendre des photos de ces plaques à travers tout le pays. Depuis 2016, plus de 200 plaques d’égout les plus remarquables sont devenues des cartes à collectionner et connaissent un succès incroyable.

La plaque d’égout : un objet très sophistiqué

L’eau sous pression jaillit d’une bouche d’égout.

Laissons un instant de côté la question de leur design et préoccupons-nous uniquement de leur aspect fonctionnel. Depuis quelques années, le Japon connaît une forte augmentation de pluies torrentielles. Il n’est pas rare que les sites d’actualités ou de vidéos présentent des images comme ci-dessus, de gerbes d’eau sous pression jaillissant par les bouches d’égout. Les passants et les habitants se montrent en général choqués de voir « des plaques d’égout éclater ». Or, elles n’éclatent pas, au contraire, c’est parce qu’elles fonctionnent parfaitement et judicieusement que les plaques d’égout laissent échapper l’eau quand la pression devient trop élevée.

Lorsque la pression à l’intérieur du canal sous-terrain devient trop forte, généralement sous l’effet de fortes pluies, la plaque est pourvue d’un système qui la fait se soulever d’un ou deux centimètres, afin de servir de soupape et de détendre la pression de l’air et de l’eau dans le réseau. La plaque retrouve sa position initiale dès que la pression baisse. C’est pour tester leur solidité et leur efficacité que les fabricants effectuent des tests, comme sur la photo.

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Une bouche d’égout ouverte montre qu’elle est solidaire d’un cadre circulaire par une charnière robuste. Une échelle qui y est également attachée empêche de tomber.

La position de l’échelle empêche de tomber, même en cas très improbable d’absence de la plaque.

La société Hinode Suidô est le leader japonais de bouches d’égout. Elle fournit environ 60 % du marché national. M. Shirai Masaaki, de l’usine de Tochigi, nous explique les caractéristiques d’une plaque d’égout japonaise.

« Une plaque plus légère est plus facile à ouvrir, ce qui facilite le travail des agents. Inversement, si la plaque est lourde, elle est plus solide et moins branlante. Comme le principe de la plaque est très simple et peu coûteux, la plupart des pays ont choisi l’option de la plaque lourde. Le Japon est l’un des seuls pays à avoir fait le choix inverse de plaques d’égout légères mais à fonctionnalités complexes. »

Les parois coniques dans l’épaisseur de la plaque assurent un centrage et une position parfaite à la plaque sur son cadre de réception par simple gravité. En cas de surpression à l’intérieur du canal, la plaque se soulève mais n’est pas projetée, et la plaque retrouve sa position initiale dès que la pression baisse.

La conséquence de ce choix normatif est que leur conception et leur fabrication requiert une technologie plus sophistiquée et des personnels hautement compétents, aussi bien lors de la fonte que du polissage. Pour éviter le vacillement des plaques, ce ne sont plus de simple plaque qui bouchent un trou, elles sont munies de crocs à l’intérieur qui assurent la parfaite jointure sur le cadre. Cela facilite également l’ouverture. Évidemment, pour cela, il faut que les cotes et l’usinage soient très précis. Il n’y a qu’au Japon que les plaques d’égout fonctionnent sans aucun boulon ni cliquet », s’enorgueillit M. Shirai.

Différentes étapes de la réalisation d’une plaque d’égoût, de son façonnage à la mise en couleur.

« De plus, cette forme est suffisamment robuste pour ne pas être déformée même sous la contrainte de 4 000 véhicules roulant dessus par jour. Je peux vous dire que les plaques d’égout japonaises sont les plus robustes du monde ! ».

M. Shirai (à gauche) et ses collègues de l’usine de Tochigi, posent derrière des plaques originales de la ville d’Ôtawara.

(Reportage et texte : Suzuki Naoto. Photos des douze plaques d’égout : GKP. Photos de l’usine Hinode Suidô: Miwa Norikatsu. Autres photos : Nippon.com)

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