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Le pays où les plaques d’égout sont un art urbain

Culture Tourisme

Il n’est pas rare de découvrir en se baladant au Japon, au détour d’un quartier touristique ou d’une galerie commerciale, une plaque d’égout d’un design original, représentant de façon très graphique un personnage connu du lieu où un paysage emblématique de la région. Certains fans vont même jusqu’à prendre des photos de ces plaques à travers tout le pays. Depuis 2016, plus de 200 plaques d’égout les plus remarquables sont devenues des cartes à collectionner et connaissent un succès incroyable.

Quand les égouts séduisent les touristes

Yamada Hideto, l’inventeur des cartes de collection sur les plaques d’égout, se surnomme lui-même « l’apôtre des égouts ».

« De nombreuses personnes ont une image négative des réseaux d’eaux usées : C’est sombre, c’est sale et ça pue. Les égouts sont en réalité une infrastructure indispensable à la distribution de l’eau courante dans les villes, en soutien direct de la vie des habitants. C’est pour valoriser l’image des égouts et renforcer l’intérêt pour ces infrastructures méconnues que j’ai pensé à développer des cartes de collection sur les plaques d’égout. »

Ainsi explique M. Yamada de la GKP, une organisation de relations publiques créée par une convention nationale des municipalités, des entreprises de gestion des réseaux d’eaux usées, et de médias, sous l’égide du ministère des Transports. Mis à part la diffusion d’informations relatives aux réseaux des égouts de tout le pays, divers projets ont été initiés : édition de cartes de collection sur les designs de plaques d’égout, événements promotionnels et ventes de produits dérivés.

Comme le dit M. Yamada : « Les égouts sont une infrastructure indispensable, mais restent discrets. La seule partie du réseau souterrain visible, et même très familière à tout un chacun, c’est la plaque d’égout. Celle-ci peut donc jouer le rôle de “visage” du réseau des eaux usées. Cela m’a donné une idée. »

Lors du « Sommet Saitama 2017 de la plaque d’égout », à Kawagoe (Saitama), en janvier 2017. Les participants ont pu découvrir 58 designs originaux existants actuellement dans la préfecture.

En réalité, la plaque d’égout est le couvercle qui ferme le trou (manhole) par lequel les agents des égouts entrent et sortent pour inspecter et travailler dans les réseaux. Depuis les années 1960, les designs des plaques d’égout sont différents en fonction des autorités qui ont la charge du réseau local. Il en existe une multitude de styles.

« Les plaques à motifs géométriques ont pour fonction d’éviter de déraper. Mais très vite, les motifs géométriques en relief ont laissé la place à des motifs plus originaux et illustratifs, comme le pont Bay Bridge de Yokohama ou le château d’Osaka. Des couleurs émaillées vives sont également apparues, créant des motifs jolis à voir, amusants et de plus en plus nombreux », ajoute M. Yamada.

Depuis 2014, le GKP organise deux fois par an un « sommet de la plaque d’égout », en coopération avec tous les acteurs impliqués dans la gestion des eaux usées et des réseaux d’égout. L’un des effets les plus immédiatement visible a été l’intérêt des médias de couvrir cette tendance.

Le recto à gauche, le verso à droite. Un système de rangement et de classement permet de trouver plaisir à consulter sa collection.

C’est dans ce contexte qu’en avril 2016, M. Yamada, fort d’une expérience dans l’industrie du jouet dans le passé, a eu l’idée d’élargir l’intérêt pour les designs de plaques d’égout en distribuant les premières cartes de collection. C’est le souvenir de son intérêt, quand il était enfant, à collectionner les cartes et les autocollants, qui l’a inspiré.

Chaque carte présente au recto une photo de plaque d’égout, et des informations de base sur la localité où cette plaque est utilisée. Au verso, une explication sur le design, les symboles représentés et leur origine. Les cartes sont gratuites, et sont disponibles dans les mairies, les centres de service des eaux ou les offices du tourisme les plus proches des plaques en question, à raison d’un seul lieu de mise à disposition par carte. Autrement dit, pour collectionner les cartes, un seul moyen : se rendre sur place, ce qui est l’objectif n°1 de la campagne. Les cartes permettent plusieurs types de classement, par région, par thème ou par catégorie de plaques, ce qui multiplie l’intérêt d’en faire la collection.

Les municipalités participantes ont fait état de certaines demandes spécifiques, mais la présentation des cartes a été uniformisée pour que l’idée de collection reste cohérente et l’intérêt des fans augmente. En particulier, les informations ne portant pas sur la plaque d’égout elle-même n’y ont pas leur place.

Les régions sont connectées

Avec 52 nouveaux designs intégrés à la collection en août 2017, ce sont maintenant 222 plaques différentes qui possèdent leur carte. Un million d’unités ont été imprimées au total. 191 municipalités participent. De nouvelles cartes devraient s’ajouter trois fois par an.

60 % des personnes qui viennent prendre une carte sont des visiteurs venant d’une autre préfecture. Les personnes âgées qui affectionnent les balades en ville, et les jeunes femmes, constituent semble-t-il le cœur du public. Les municipalités en profitent pour remettre à chaque visiteur demandant une carte de la plaque d’égout locale, une carte de la ville ainsi qu’un lien vers une application numérique donnant d’autres informations. Cela devient donc un outil important de la promotion et de la revitalisation locale.

Environ 3 000 « manholers » se sont retrouvés au « Sommet Saitama 2017 de la plaque d’égout ».

La ville de Tsukuba (Ibaraki), cible également les touristes étrangers avec une version en anglais. En chatouillant l’instinct de collectionneur des visiteurs et des touristes, les designs des plaques d’égout, qui se sont développés originellement de façon totalement spontanée et indépendante dans chaque municipalité, sont donc en passe de devenir une forme de culture spécifiquement japonaise sous les yeux du monde entier.

« C’est justement le moment pour un certain nombre de plaques devenues vieilles, d’être changée. De nouveaux designs, tirant parti des spécificités et des gloires locales vont donc apparaître un peu partout. Et les cartes de collection sur les plaques d’égout vont encore pouvoir se multiplier. J’espère vraiment qu’avec ces initiatives au moins un peu plus de gens puissent se sensibiliser au sujet des réseaux d’égoût », déclare M. Yamada.

Suite > La plaque d’égout : un objet très sophistiqué

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