
L’univers du poète Miyazawa Kenji, 120 ans après sa naissance
L’utopie de l’écrivain Miyazawa Kenji
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Ihatov sans frontières
Ihatov, sans se limiter à la région du Tôhoku, s’étend le long du rivage et par-delà les collines et les montagnes du village natal de Miyazawa Kenji. Englobant jusqu’aux îles de l’océan, serpentant à travers les déserts et les continents, il est devenu un lieu utopique s’étendant d’est en ouest. Et sur les rails transparents du Train de nuit dans la Voie lactée, il monte jusqu’au ciel, vers « l’éternel inachevé dans sa complétude » (Introduction à l’art agricole), vers l’infini.
En consacrant son existence à dépeindre le monde d’Ihatov, Miyazawa Kenji y a épuisé sa vie. Et il nous a ainsi laissé les clés, à travers ses œuvres, de ce rêve qui était le sien.
Miyazawa Kenji et la Chine
À l’époque où l’on n’avait encore guère conscience des problèmes environnementaux, il y a une centaine d’années, Miyazawa Kenji a forgé ce concept qu’il a mis au cœur de son œuvre. Il l’a baptisé Ihatov.
À la source de cette capacité à anticiper se trouve un lien étroit avec la pensée chinoise. L’équilibre entre les humains et leur environnement est expliqué dans le taoïsme de l’époque des Printemps et des Automnes (770 à 453 av. J.-C.). D’après le Traité sur l’égalité de toutes les existences, l’être humain et la variété d’existences du monde naturel s’influencent mutuellement et fusionnent. Miyazawa Kenji avait intégré la sagesse des philosophes orientaux, à commencer par le taoïsme.
Parmi les grands classiques chinois, l’ouvrage préféré de Miyazawa Kenji était La Pérégrination vers l’Ouest, comme l’a révélé son frère Seiroku. La bibliothèque de l’école supérieure d’agriculture de Morioka (actuelle Université d’Iwate), où Miyazawa a étudié, abrite encore un exemplaire de cet ouvrage, qu’on peut imaginer être celui dont le poète a tourné les pages.
Miyazawa se trouvait à Iwate, mais son esprit voyageait vers les territoires de l’Ouest, jusqu’en Inde, créant son propre pont entre Iwate et la route de la soie sur le 40e parallèle nord, espace dans lequel il songeait à son Ihatov. Parfois, son quotidien rejoignait ces territoires rêvés, comme lorsqu’il convoque le Roi des singes dans le deuxième chapitre de Printemps et Asura, ou qu’il évoque dans une lettre à son père « un saut de 18 000 li » (23 février 1918) digne de ce même Roi des singes.
Une photographie des ruines de Gaochang, ancienne étape de la route de la soie, est affichée au Musée Miyazawa Kenji, et les noms de villes environnantes apparaissent fréquemment dans ses propres œuvres. Il créait en s’appuyant sur la carte dessinée par les Pérégrinations, dépeignait les déserts des territoires de l’Ouest et Shanghai la nuit. Bercé par le son du guqin chinois traditionnel, il décrivait à loisir ses rêves de Chine et de route de la soie.
Les liens entre Miyazawa Kenji et la Chine offrent de nombreuses pistes de réflexion. La philosophie asiatique a toujours eu sa place aux fondements de la culture japonaise, influencée par la civilisation chinoise. Cette fusion entre une vision harmonieuse et paisible du monde, et une vision selon laquelle tout ici-bas est relié, vient bouleverser nos principes contemporains.
(Photos : Ôhashi Hiroshi. Photo de titre : un message de Miyazawa Kenji sur le mur du bâtiment de l’Association Rasuchijin, créée par lui-même à Hanamaki et où il a subsisté par ses propres moyens jusqu’à sa mort.)