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Itô Seiu, le peintre des fantômes
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Les histoires d’Enchô et les peintures de fantômes
Le rakugo est un art du conte né à l’époque d’Edo, qui s’est transmis jusqu’à nos jours comme spectacle populaire. Si le répertoire le plus connu du rakugo est constitué principalement de récits drolatiques et d’histoires centrées sur les sentiments humains, il possède également des relations très étroites avec la tradition des histoires de fantômes. San’yûtei Enchô (1839-1900), l’un des conteurs de rakugo les plus populaires entre les derniers jours du shogunat des Tokugawa et l’ère Meiji, s’était rendu célèbre par ses histoires de fantômes.
Enchô a organisé à de très nombreuses sessions appelées hyaku monogatari kaidankai. Il s’agit de rencontres au cours desquelles plusieurs personnes se réunissent la nuit à la lumière de 100 bougies. Chacun à tour de rôle raconte une histoire qui fait peur, et chaque fois qu’une histoire est finie, on éteint une bougie. La légende veut qu’un fantôme apparaît ou un phénomène étrange se produit au moment où la centième et dernière bougie est éteinte. Enchô aurait également possédé une collection de 100 tableaux de fantômes. Il offrit 50 de ces tableaux au temple Zenshôan de Yanaka (Tokyo), où se trouve aujourd’hui sa tombe.
Chaque année, pendant le mois d’août, le Zenshôan commémore l’anniversaire de la mort de Enchô en rendant public sa collection de tableaux de fantômes.
Itô Seiu redécouvert par un producteur de Ghibli
Une exposition des tableaux de fantômes d’Itô Seiu (1882-1961) s’est tenue au Musée Edo-Tokyo en 2016. Dix-neuf des œuvres présentées font parties d’un don de Yanagiya Kosan 5e du nom (1915-2002) à ce même Zenshôan.
Seiu commença par illustrer des affiches de spectacles, puis devint célèbre en illustrant des kôdan (drame historique dit par un conteur) ou des feuilletons dans les journaux. Il est considéré comme le maître incontesté du shibari-e (peinture de femmes ligotées) et du seme-e (peintures de scènes de tortures), deux sous-genres de l’art du sado-masochisme traditionnel. En dehors de cette production, il a également longuement étudié les coutumes et mœurs d’Edo. Ayant de fait vécu plus de la moitié de sa vie sous l’ère Shôwa (1926-1989), on le considère parfois comme « le dernier maître des estampes ukiyo-e ».
C’est Suzuki Toshio, le fameux producteur du studio Ghibli, qui a suggéré le projet de cette exposition, après avoir découvert les peintures de fantômes d’Itô Seiu. L’été 2015, ayant visité le Zenshôan pour admirer les peintures de fantômes que possède le temple, ce qu’il ne manque pas de faire chaque année, il fut intrigué par une peinture qu’il ne connaissait pas. C’était une œuvre de Seiu. Comme il le dit lui-même :
« Le trait de Seiu et son réalisme basé sur une observation extrêmement attentive sont fascinants. On imagine qu’il aurait utilisé des mannequins vêtus et mis en scène pour reproduire leur pose sur le papier. Tout en respectant les codes traditionnels de la peinture de fantômes, il atteint à un réalisme époustouflant. En cela, il se distingue nettement de bien d’autres peintres. »
La peinture « disparue »
Le supérieur du temple Zenshôan, le révérend Hirai Shôshû, nous a expliqué qu’en été 2015, le temple ayant prêté plusieurs peintures de fantômes pour une exposition à l’Université des Beaux-Arts de Tokyo, un espace s’était trouvé disponible à son propre exposition annuelle. Il en a donc profité pour exposer 10 œuvres d’Itô Seiu de la donation Kosan qui n’avaient plus été montrées depuis longtemps. C’est à cette occasion que le producteur du studio Ghibli a découvert cet aspect de l’œuvre de l’artiste.
« Découvrir des peintures de Seiu qui n’étaient ni des shibari-e, ni des seme-e fut une énorme surprise pour moi », dit-il.
Quand Suzuki Toshio a appris qu’il existait d’autres peintures de fantômes d’Itô Seiu dans la collection Kosan, il a demandé à pouvoir les voir, et éventuellement à faire éditer un catalogue. C’est ainsi qu’est né le projet de cette exposition.
Entre parenthèses, il se trouve que la donation Kosan comportait originellement 20 peintures. Mais l’une d’entre elles a disparu et demeure introuvable. Le révérend Hirai est d’avis qu’elle est peut-être partie pour l’autre monde...
Galerie : les peintures de fantômes d’Itô Seiu
De gauche à droite (cliquez pour agrandir) :
Fantôme à la plaquette funéraire
Traits filés et la composition toute en courbes floues expriment avec une grande efficacité la vitesse d’un spectre masculin apparaissant du ciel vers la terre pour y dérober la plaquette funéraire d’un défunt.
La lanterne de la fête d’o-bon de Kasane
Un fantôme apparaît dans la lanterne suspendue. C’est le visage défiguré d’une femme assassinée nommée Kasane qui réclame vengeance.
Les fantômes d’o-bon
La fête d’o-bon (la fête des morts), se déroule généralement autour du 15e jour de la septième lune. Les esprits reviennent du royaume des morts sur le dos d’un cheval de concombre et celui d’une vache d’aubergine.
Okiku, de la demeure de l’assiette
Illustration du fameux récit de la servante Okiku, qui perdit la vie pour avoir cassé l’une des 10 assiettes précieuses de son employeur. Elle revient chaque nuit pour compter et recompter les assiettes. Le bas du corps invisible est une caractéristique standard de la représentation des fantômes au Japon.
Le chat et le fantôme
La croyance traditionnelle veut que les chats puissent faire apparaître les esprits des morts. L’histoire du chat et du fantôme est un conte de rakugo, qui raconte les événements étranges qui se produisent pendant que le personnage principal transporte dans une barrique funéraire le corps de son beau-père mort.