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Onsen : les bienfaits séculaires des sources thermales japonaises

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Matsuda Tadanori [Profil]

Les Japonais aiment les sources chaudes (onsen) depuis toujours, et en n’importe quelle saison. Ils apprécient hautement leurs vertus curatives tant pour le corps que pour l’esprit. Voici un article consacré à la fois aux liens qui unissent les habitants de l’Archipel et les sources thermales, et aux bienfaits des bains en termes de beauté et de lutte contre le vieillissement.

Les bienfaits thérapeutiques des sources chaudes

Au Japon, on utilise volontiers l’expression isshûkan hitomeguri (un circuit complet d’une semaine) pour désigner une série de bains dans des sources chaudes en vue de soigner des maladies ou d’améliorer la santé. La durée de ce type de traitement était déjà la même il y a quatre ou cinq siècles, c’est-à-dire bien avant l’époque d’Edo (1603-1868).

Les bains dans les onsen ont essentiellement un effet stimulant sur l’organisme. Les éléments contenus dans l’eau, en particulier les minéraux, pénètrent par la peau dans le corps où ils accélèrent les sécrétions hormonales. Au début du traitement, le système nerveux sympathique est activé ce qui entraîne une élévation de la pression sanguine, du rythme cardiaque et du taux de sucre dans le sang. Ensuite, c’est le système nerveux parasympathique qui prend la relève en provoquant une baisse de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque et le la glycémie. L’alternance de la prévalence de ces deux parties du système nerveux autonome finit par aboutir à une phase d’équilibre qui permet au corps de se régénérer.

Tel est en tout cas le résultat qu’on est censé obtenir après un séjour d’une semaine dans une station thermale. C’est une chose que les Japonais savaient bien avant l’apparition de la science moderne, un savoir né de l’expérience qui se transmettait de génération en génération par le bouche à oreille. En 1604, juste après avoir fondé le shogounat d’Edo, Tokugawa Ieyasu (1543-1616) s’est rendu en personne aux sources chaudes d’Atami, dans la préfecture de Shizuoka, pour une semaine de soins. Ce qui veut dire que déjà à l’époque, cette pratique n’avait rien d’inhabituel.

Gotô Konzan, pionnier de la médecine thermale

Les médecins japonais ont vraiment commencé à utiliser les bains dans les onsen en tant que thérapie à partir de l’époque d’Edo. Le premier à le faire a été Gotô Konzan (1659-1733), un maître très réputé de l’« école expérimentale » fondée par Nagoya Gen’i (1628-1696), qui a eu quelque deux cents disciples. Conscient de la crise que traversait la médecine traditionnelle chinoise en raison du manque de preuves de son efficacité, il s’est efforcé de démontrer l’action des traitements auquel il avait recours. Et c’est ainsi qu’il est devenu l’un des porte-drapeaux de la réforme de la médecine au Japon.

Gotô Konzan est l’auteur de la « théorie des blocages de l’énergie »  (ikki ryûtai ron) selon laquelle les maladies apparaitraient quand le flux de l’énergie dans le corps humain est bloqué. L’idéogramme utilisé pour désigner l’énergie 気 (ki) est le même que le second caractère du composé 元気 (genki), qui signifie « en bonne santé ». Le ki correspond par ailleurs au système nerveux autonome dans la nomenclature médicale actuelle. Gotô Konzan pensait qu’on pouvait soigner les maladies en dénouant ce type de blocages. Pour ce faire, il préconisait les bains dans des sources chaudes à une température relativement élevée, de façon à stimuler le ki. Ce qui revient, dans la terminologie de la médecine moderne, à tonifier le système nerveux sympathique. Les bains dans des sources thermales très chaudes contribuent ainsi à rééquilibrer et à stimuler l’énergie.

Pour Gotô Konzan, la meilleure source thermale du Japon était celle non pas d’Arima — très célèbre à l’époque — mais de Kinosaki, un onsen situé, comme celui d’Arima, dans la préfecture de Hyôgo. Il expliquait son choix par la température très élevée des eaux thermales de Kinosaki. L’importance accordée par le grand médecin de l’époque d’Edo à ce onsen isolé a fait son succès, un succès qui ne s’est pas démenti depuis, bien que l’endroit ne soit pas vraiment facile d’accès même aujourd’hui, en raison des montagnes qui l’environnent.

La piscine de Kichi no yu (source chaude de la bonne fortune) que l’on voit ci-dessus se trouve à l’intérieur du bâtiment principal de la maison Nishimura-ya, une des auberges de Kinosaki onsen. (Photographie avec l’aimable autorisation de Nishimura-ya)

Suite > Les bienfaits de la balnéothérapie sur le vieillissement et les maladies

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Matsuda TadanoriArticles de l'auteur

Né en 1949. Docteur en médecine. Docteur ès lettres. Professeur au département du tourisme de l’Université internationale de Sapporo. Spécialiste des sources thermales, un domaine où il est mondialement connu, ce qui lui a valu le surnom de « professeur Onsen ». Matsuda Tadanori a étudié plus de 4 700 sources thermales au Japon et à l’étranger. Il continue à effectuer des recherches sur les bienfaits de la balnéothérapie sur la santé notamment en matière de prévention. Auteur de divers ouvrages dont Onsenkyôju no onsen seminaa (Les sources thermales — séminaire du professeur Onsen), Onsen ryoku (Le pouvoir des onsen), et Onsen techô (Le cahier des onsen).

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