Le centenaire de Takarazuka

Takarazuka, une compagnie théâtrale unique en son genre

Culture

Takurazaka Kagekidan est une compagnie théâtrale spécialisée dans les spectacles musicaux et les revues dont le siège se trouve à Takarazuka, dans la préfecture de Hyôgo, entre Kôbe et Osaka. Sa particularité : elle est exclusivement composée d’actrices célibataires. L’article suivant raconte l’histoire de cette troupe de théâtre unique en son genre.

« La Rose de Versailles », un succès fabuleux

L’histoire de Takarazuka dans la période de l’après-guerre est indissociable de celle de l’actrice Kasugano Yachiyo surnommée « le prince à la rose blanche » en raison de son altière beauté. Elle a servi de référence à toutes les actrices de Takarazuka qui ont interprété des rôles masculins (otokoyaku), et ce jusqu’à aujourd’hui. Son prestige était tel qu’elle a figuré sur la liste des « interprètes spéciales » (senka) jusqu’à sa mort, en 2012, à l’âge de quatre-vingt seize ans.

Nemuranai otoko Naporeon — ai to eikô no hateni (Napoléon, l’homme qui ne dort pas — la fin du pouvoir et de l’amour), interprété par le groupe « Étoile » au Grand Théâtre Takarazuka, en janvier 2014.

Le plus grand succès de Takarazuka a été sans nul doute La rose de Versailles d’Ikeda Riyoko représenté pour la première fois en 1974. Cette œuvre, qui a largement contribué à la popularité actuelle de la compagnie, a fait l’objet d’un grand nombre de reprises jusqu’à ce jour. Elle se situe au moment de la Révolution française et raconte l’histoire d’Oscar, une jeune fille travestie en homme pour pouvoir hériter des biens de son père, et d’André, son ami d’enfance. On y voit aussi apparaître la reine Marie Antoinette et le comte suédois Hans Axel von Fersen.

L’argument de « La rose de Versailles » a été emprunté à un manga pour adolescentes d’Ikeda Riyoko publié dans une revue spécialisée et il a été fidèlement adapté pour la scène par Ueda Shinji, un des meilleurs metteurs en scène de Takarazuka. Le caractère ambivalent du personnage principal convenait à merveille au répertoire de la compagnie. L’histoire d’amour tragique avait de quoi séduire tous les cœurs féminins et la mise en scène baroque pleine de romantisme était à la hauteur des attentes des fans de manga. Le succès de ce spectacle a été phénoménal. Les cinq groupes de la compagnie ont tous joué une version différente de la revue tant et si bien qu’en l’espace de deux ans « La rose de Versailles » a donné lieu à cinq cent soixante représentations auxquelles ont assisté au total un million quatre cent mille spectateurs !

Une pléiade d’actrices exceptionnelles

À ce jour, la compagnie a formé au total quatre mille quatre cent vingt-six Takarasiennes dont beaucoup ont fait, après leur départ, une brillante carrière sur scène et à l’écran où elles ont donné pleinement la mesure de leur talent.

Le 4 avril 2014, d’anciennes stars de Takarazuka se sont retrouvées au Grand Théâtre de Takarazuka pour un spectacle intitulé « Festival du rêve », dans le cadre de la commémoration du centenaire de la compagnie.

L’une d’entre elles n’est autre que Yachigusa Kaoru qui a joué aux côté du grand Mifune Toshirô (1920-1977) dans La Légende de Musashi (1954) d’Inagaki Hiroshi (1905-1980). Otowa Nobuko a interprété quant à elle de superbes rôles dans Onibaba et Kuroneko (Le chat noir), deux films-cultes réalisés respectivement en 1964 et 1968 par Shindô Kaneto (1912-2012). Beaucoup d’autres se sont brillamment illustrées non seulement dans le domaine du cinéma mais aussi à la télévision et dans la chanson, en particulier Asaoka Yukiji, Daichi Mao, Amami Yûki, Kuroki Hitomi, et Dan Rei. À vrai dire, il est bien rare qu’on ne trouve pas d’anciennes actrices de Takarazuka dans les grandes productions théâtrales japonaises.

Le 4 avril 2014, des anciennes Takarasiennes se sont réunies au Grand Théâtre de Takarazuka pour célébrer le centième anniversaire de la compagnie avec un spectacle intitulé « Festival du rêve ». La présence de toutes ces actrices exceptionnelles sur la même scène a donné la mesure de l’histoire fabuleuse de cette compagnie théâtrale.

Une sélection très sévère

Une des raisons du succès de Takarazuka et du style de théâtre sans équivalent qui est le sien, c’est que toutes les actrices doivent obligatoirement passer par une formation à l’école de musique de la compagnie. Chaque année des adolescentes qui rêvent de se produire sur scène affluent de tout le pays vers Takarazuka pour présenter leur candidature. La compétition est si féroce qu’on la compare à celle du concours d’entrée à l’Université de Tokyo (Tôdai) qui a la réputation d’être le plus difficile du Japon. « À l’est Tôdai, à l’ouest Takarazuka » disent volontiers les Japonais.

Les heureuses élues doivent suivre deux années de formation intensive consacrées notamment à l’étude de la danse classique, de la danse traditionnelle japonaise (buyô), du chant et du piano. Grâce à ce système, la compagnie dispose en permanence d’une réserve de talents exceptionnels qui lui permet de se régénérer constamment et de maintenir en place la pyramide au sommet de laquelle se trouvent les stars. Les fans n’ont que l’embarras du choix pour trouver de nouvelles Takarasiennes à leur convenance.

Un autre atout de Takarazuka, qui dispose aussi de son propre orchestre, c’est qu’elle forme elle-même non seulement les actrices mais aussi les scénaristes, les metteurs en scène et les producteurs de la compagnie. Quand ceux-ci sont engagés, ils font office d’assistants et acquièrent de l’expérience en participant aux activités du théâtre. Dans la mesure où la production de nouveaux spectacles a une importance capitale pour la compagnie, tous ses membres doivent connaître parfaitement les caractéristiques et les objectifs qui lui sont propres.

La compagnie Takarazuka doit aussi beaucoup au fait qu’elle bénéficie de l’appui de Hankyû Dentetsu, une entreprise solide qui s’occupe de sa gestion administrative. Comme le voulait Kobayashi Ichizô, Hankyû Dentetsu a soutenu Takarazuka tout au long de son histoire en lui prodiguant les fonds et les encouragements dont elle avait besoin avec une extraordinaire générosité, chaque fois qu’elle traversait des moments difficiles. En fait, Takarazuka incarne l’image du groupe Hankyû-Hanshin auprès du public japonais au même titre que l’équipe professionnelle de base-ball Hanshin Tigers dont cette entreprise est également le sponsor.

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