Lieux sacrés du Japon

Un certificat de bonne santé pour le Grand Bouddha de Kamakura

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Waku Miller [Profil]

Au début de l’année 2016, le Daibutsu, ou Grand Bouddha de Kamakura, a été soumis pendant près de deux mois à des inspections diagnostiques, des réparations mineures et à un nettoyage extérieur et intérieur complet par l’Institut national de recherche pour les biens culturels de Tokyo. Cette sculpture iconique est réapparu le 11 mars de la même année avec un certificat de parfaite santé et un rayonnement redoublé. La date était significative car elle tombait le cinquième anniversaire du Grand tremblement de terre de l’Est du Japon. Retour sur une longévité exceptionnelle.

L’histoire des graffiti

Triste à dire, mais les graffiti ont une longue histoire au Kôtoku-in. Témoin le récit par le capitaine anglais John Saris, qui commandait le premier navire britannique à atteindre le Japon. Le bateau de Saris, le Clove, accoste à Hirado en juin 1613 et Saris voyage ensuite à Edo où il rencontre le shôgun retiré, Tokugawa Ieyasu et le shôgun régnant, Tokugawa Hidetada. C’est l’Anglais William Adams, rendu célèbre par le livre et le feuilleton télévisé Shogun, qui escorte Saris. Adams est arrivé 13 ans plus tôt, mais il a voyagé comme navigateur sur un bateau hollandais.

Le pays entre Surnunga et Deoo est bien peuplé. Nous avons vu de nombreux Fotoquise (pour hotoke, bouddha) et des temples sur notre passage et, parmi d’autres, une statue particulièrement remarquable, appelée Dabis (Daibutsu), en bronze, creuse à l’intérieur mais d’une épaisseur tout à fait conséquente. Il avait, à en juger, vingt-et-un ou vingt-deux pieds de hauteur à partir du sol, dans la position d’un homme agenouillé à terre, ses fesses reposant sur ses talons, avec des bras d’une merveilleuse largeur et tout le corps bien proportionné. Il porte une tunique. Cette statue est vénérée par les voyageurs qui passent ici. Certains de nos gens sont allés dans son corps et ont poussé de grands cris, ce qui a fait un bruit épouvantable. Nous avons trouvé de nombreux caractères et marques laissés ici par les passagers, et certains de mes suivants les ont imité, ont laissé les leurs, de la même manière.

(Le voyage du Capitaine John Saris au Japon, 1613. Edité par Sir Ernest M. Satow)

Les graffitis à l’encre sumi, appliqués au pinceau, restent un vrai mystère. Quelle que soit l’époque, les visiteurs ne transportent habituellement pas d’encre ni de pinceaux. Morii soupçonne le Kôtoku-in d’avoir fourni le matériel aux visiteurs à la fin du XVIIIe et au début du XXe siècle et de les avoir encouragés à signer à l’intérieur du Bouddha en échange de dons.

Satô nie le fait que quiconque dans le temple ait pu encourager les graffitis sous quelque forme que ce soit. Mais il reconnaît que ses prédécesseurs ont eu des difficultés à joindre les deux bouts et qu’ils dépendaient largement des revenus apportés par les visiteurs. « Kamakura était une destination populaire pour les excursions des résidents de l’enclave occidentale de Yokohama », pense Satô. « Les étrangers ne pouvaient pas voyager dans Tokyo sans autorisation, mais ils étaient libres de se déplacer à leur guise entre Yokohama et Kamakura. Et le Daibutsu était, bien sûr, une escale favorite. »

Les excursions à Kamakura étaient un des passe-temps favori des résidents de l’enclave occidentale de Yokohama à la fin du XIXe siècle. © Kôtoku-in

Aujourd’hui, le Kôtoku-in et le Daibutsu attirent environ 2 millions de visiteurs par an, et les non-Japonais représentent approximativement 200 000 par rapport au total. « Le Daibutsu est particulièrement populaire, raconte Satô, auprès des visiteurs des pays du bouddhisme Theravada comme la Thaïlande et le Myanmar. »

Joseph Rudyard Kipling a également établi une connexion entre le Myanmar et le Daibutsu de Kamakura dans son poème « Buddha at Kamakura ». Une strophe de ce poème, que Kipling a ajouté dans la collection The Five Nations, fait référence à la glorieuse Pagode Shwedagon de Yangon (« Shwe-Dagon ») et à sa couronne (hti, htee) d’or.

Les paupières encore ensommeillées semblent regarder
Une fleur, telle une flamme vers l’Orient lancée
Par, de Shwe-Dagon, la couronne dorée
De Birmanie à Kamakura.

Suite > La statue comme un être vivant

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Waku MillerArticles de l'auteur

Ecrivain et traducteur. A publié plusieurs traductions en anglais de livres japonais de non-fiction, dont le signal d’alarme démographique de Matsutani Akihiko « Shrinking-Population Economics » (Economie d’une population en déclin) et « Taction », histoire et théorie iconoclaste de la calligraphie de l’Asie de l’Est par Ishikawa Kyuyoh. Il a également publié une traduction anglaise de l’œuvre d’envergure livresque de l’éminente poétesse Fujiwara Akiko « Pho to n ». En japonais, il a publié en 2015 une collection de 13 interviews de figures dominantes sur les questions socio-économiques du Japon contemporain.

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