Lieux sacrés du Japon

Le sanctuaire d’Izumo fait peau neuve tous les 60 ans

Culture

Le Japon compte environ 80 000 sanctuaires shintô. Les plus importants et les plus anciens d’entre eux répètent à intervalles réguliers un sengû (translation), cérémonie pendant laquelle la divinité vénérée est déménagée et va habiter un sanctuaire temporaire à proximité pour permettre des réparations ou la reconstruction du pavillon principal ou d’une autre partie du complexe. Au grand sanctuaire d’Izumo, le sengû a lieu tous les 60 ans.

Le Japon est parsemé de sanctuaires dédiés à différentes divinités shintô. Selon l’Agence pour les affaires culturelles, leur nombre est de 81 389 répartis sur l’ensemble du territoire (données de 2012). Parmi les plus grands et les plus importants de ces sanctuaires, on peut citer le grand sanctuaire d’Izumo et celui d’Ise dont les fondations sont mentionnées dans les plus anciens mythes du Japon.

Le dixième mois du calendrier lunaire est appelé Kannazuki, ou Kaminashizuki, ce qui signifie « le mois sans dieux ». En effet, c’est le mois où tous les kami (les dieux du shintô) se réunissent pour décider de l’année à venir. Le sanctuaire d’Izumo est réputé être le lieu même où se déroule cette réunion divine. D’ailleurs, dans la région d’Izumo le dixième mois du calendrier lunaire s’appelle Kamiarizuku, « le mois des dieux présents », c’est bien normal.

Du haut de ses 24 m. le pavillon principal domine les environs.

Dans les temps anciens, un sanctuaire très en hauteur

Ôkuninushi, aussi appelé d’un surnom plus populaire Daikoku-sama, conseille le lapin blanc, écorché par le crocodile (ou un requin dans d’autres versions), l’une des scènes les plus connues des anciens mythes japonais.

Le grand sanctuaire d’Izumo (Izumo Taisha), situé dans la ville d’Izumo, préfecture de Shimane, est dédié au kami Ôkuninushi, le grand dieu fondateur du pays selon les récits mythologiques.

D’un point de vue historique, la date de la fondation originelle du sanctuaire n’est pas clairement établie. Il remonterait « au moins » au VIIe siècle (voire, selon certains historiens, bien avant). Le bâtiment actuel du pavillon principal a été construit en 1744. Sa hauteur est de 24 mètres environ, taille déjà exceptionnelle pour un sanctuaire shintô. Or, les archéologues ont démontré que dans les époques beaucoup plus anciennes, le pavillon principal devait être encore plus élevé.

Le quatrième « sengû » pour la structure actuelle

Le sengû est un événement très important de la vie d’un sanctuaire shintô. Il s’agit d’effectuer la translation de l’objet du culte (le shintai) du pavillon principal dans un sanctuaire temporaire, le temps que des travaux importants de rénovation des bâtiments soient réalisés (ce qui peut prendre plusieurs années), puis de réintégrer la divinité dans son pavillon principal tout neuf. Cette opération s’effectue tous les vingt ans dans le grand sanctuaire d’Ise, par exemple. Dans la religion shintô, cette rénovation périodique reflète les notions de purification et de « renaissance de la puissance divine ». À cette explication religieuse s’ajoute évidemment que l’architecture étant entièrement en bois, une réfection régulière des structures est nécessaire. C’est aussi un moyen très sage de transmission des techniques architecturales ancestrales aux générations suivantes d’artisans.

(A gauche) Dans les sanctuaires shintô, les cordes sacrées (shimenawa) marquent la limite entre le monde ordinaire et celui des kami. La shimenawa que l’on voit ici est celle du pavillon des célébrations (haiden). (A droite) Le sanctuaire d’Izumo est aussi réputé pour favoriser les unions. De nombreux visiteurs viennent faire un vœu pour réussir un mariage heureux.

Le grand sanctuaire d’Izumo a connu un sengû à peu près tous les 60 ans depuis 1609, au début de l’époque d’Edo.

Le pavillon principal, classé trésor du patrimoine national, en est à sa quatrième rénovation depuis la dernière reconstruction totale de la structure en 1744 (le décalage arithmétique correspondant aux fois où les travaux portaient sur des structures secondaires du complexe du sanctuaire). Cette fois-ci, il s’agissait de refaire la grande toiture à neuf. 640 000 pièces d’écorce de cyprès hinoki pour refaire la couverture du sanctuaire principal. Les travaux ont duré 5 ans. Certains des cyprès utilisés provenaient du Tôhoku, la région durement touchée par le séisme de 2011, dans un vœu de « renaissance ».

Pendant toute la durée des travaux, un sanctuaire temporaire, construit à proximité, a abrité les objets représentant la divinité et les objets de son culte. Le sengû est constitué de toute une série de rites, dont le principal est celui qui a lieu lors de la cérémonie du senza, où le shintai, c’est-à-dire littéralement « le corps de la divinité », renaît purifié dans le pavillon principal remis à neuf. C’est cette cérémonie du retour de la divinité renouvelée dans son sanctuaire renouvelé qui s’est déroulée le 10 mai 2013.

Le shintai est recouvert d’un tissu blanc, personne ne peut savoir quelle est la forme matérielle de la divinité. Même les membres de la famille impériale ne sont pas admis à pénétrer à l’intérieur.

Rendre visite au sanctuaire au moment où la divinité revient avec une puissance renouvelée est réputé un moment propice pour recevoir soi-même la force de renaître. Aussi les visiteurs sont-ils encore plus nombreux les années du sengû, comme cette année.

La plage d'Inasa à l’ouest du sanctuaire d’Izumo : c’est par ici que se réuniraient annuellement tous les kami du Japon.

(Photographies de Nakano Haruo)

▼A découvrir plus de photos du sanctuaire d'Izumo prises par Nakano Haruo

[Diaporama] Le sanctuaire d’Izumo, le lieu où se réunissent les dieux

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