L’Amour au Japon

Les love hotels, reflets de leur époque

Société Vie quotidienne

Love hotel était autrefois synonyme d’endroit louche. Puis ils sont devenus plus sobres, plus raffinés, les magazines généralistes en parlent maintenant sous le sobriquet de « love-ho », les jeunes couples les utilisent à l’occasion, preuve que c’est devenu un endroit ordinaire. Mme Kim Ikkyon raconte l’évolution du love hotel.

KIM Ikkyon KIM Ikkyon

Maître-assistant de l’Université Kôbe Gakuin. Née à Osaka en 1979. Résidente Coréenne au Japon de troisième génération. Docteur en sciences humaines et culturelles de l’Université Kôbe Gakuin. Ouvrages : « Évolution du love hotel » (Bungei Shunjû, 2008, Prix Hashimoto Mineo), « La Sexualité à la lecture des sub-cultures — Mécanismes et distribution de l’accélération du désir » (co-auteur, Seikyûsha, 2012), « Histoire culturelle de l’espace sexuel — de l’auberge “pour clients accompagnés” au “love hotel” (Minerva Shobô, 2012), etc.

Le love hotel que préfèrent les femmes

La réforme législative sur les établissements de plaisirs et la conjoncture économique ne sont pas les seuls éléments qui ont poussé à la sobriété. Les love hotels clinquants et tape-à-l’œil sont apparus ringards, dépassés, surtout quand la pratique des clients a commencé à laisser aux femmes le choix de l’hôtel pour se donner rendez-vous.

« Le love hotel n’était plus un lieu où un homme entraînait une femme, mais un endroit où un couple entre ensemble ».

Pour Mme Kim, ce phénomène remarquable est lié au traitement médiatique des magazines pour les jeunes. En 1994, le magazine d’informations urbaines Pia, (édition du Kansai, c’est à dire la région d’Osaka) a remarqué que certains love hotels avaient un tel succès que les clients faisaient la queue pour avoir une chambre. Ce fut le début d’un boum. Ce numéro spécial a eu un très grand retentissement, et les magazines concurrents ont tous voulu avoir leur numéro spécial sur les love hotels, qui se vendaient comme des petits pains.

L’importance des produits de beauté pour gagner la confiance des femmes (photo : Kim Ikkyon)

Ce traitement façon « guide » correspondait exactement aux besoins des utilisateurs, à l’inverse du traitement sur un plan sexuel qui était celui des magazines d’informations pour adultes. Le traitement médiatique incluait maintenant une présentation des produits de consommation courante que l’on trouvait dans la chambre, ce qui a incité les gérants de ces établissements à développer leur offre de façon à attirer plus directement l’attention des femmes.

« C’est ainsi que les gérants de love hotels ont pris conscience de la nouvelle demande des utilisateurs, et se sont mis à rivaliser de services attractifs pour les femmes. Si l’on remonte aux années 80, très peu de love hotels proposaient des produits de consommation de type shampooing ou après shampooing etc. de qualité dans les chambres ».

En outre, phénomène que Kim Ikkyon a pu observer en étudiant le comportement des couples, une fois qu’un couple entre dans un hôtel, dans 90% des cas c’est la femme qui choisit la chambre.

Ces dernières années, de nombreux hôtels proposent un « Ladies plan » bon marché. Le concept est de proposer des services de soins de beauté, voire de restauration de qualité dans une ambiance « resort », confortable, relaxante. Certes, on peut voir dans ces efforts la difficulté que les établissements ont à élargir leur clientèle, mais l’objectif secondaire est aussi que la prochaine fois, la cliente revienne avec son petit ami. Autrement dit, au-delà de la chambre, c’est maintenant l’hôtel lui-même qui est choisi par la femme.

Les tarifs dans les love hotels : le prix est toujours pour une personne, même pour un couple.

Avec la fin du love hotel tape-à-l’œil est apparu un effet secondaire remarquable : « maintenant, ce sont les hôtels ordinaires qui se rapprochent des love hotels », dit Mme Kim. C’est ainsi que des hôtels en zone urbaine ou les auberges traditionnelles des stations thermales introduisent de plus en plus un tarif d’utilisation de la chambre dans la journée, afin de cibler les consommateurs en couple.

Suite > Le love hotel de l’avenir

Tags

histoire sexe couple Showa hôtel amour sociologie

Autres articles de ce dossier