L’Amour au Japon

Pourquoi y a-t-il des love hotels au Japon ?

Société Vie quotidienne

Il y a au Japon une véritable culture du love hotel, affirme Mme Kim Ikkyon, auteur d’ études sociologiques sur ce thème. Nous lui avons demandé de nous parler de l’évolution de cet espace singulier dédié à l’amour physique.

KIM Ikkyon KIM Ikkyon

Maître-assistant de l’Université Kôbe Gakuin. Née à Osaka en 1979. Résidente Coréenne au Japon de troisième génération. Docteur en sciences humaines et culturelles de l’Université Kôbe Gakuin. Ouvrages : « Évolution du love hotel » (Bungei Shunjû, 2008, Prix Hashimoto Mineo), « La Sexualité à la lecture des sub-cultures — Mécanismes et distribution de l’accélération du désir » (co-auteur, Seikyûsha, 2012), « Histoire culturelle de l’espace sexuel — de l’auberge “pour clients accompagnés” au “love hotel” (Minerva Shobô, 2012), etc.

L’âge d’or du love hôtel : des châteaux dans tout le pays

L’appellation love hotel s’est généralisée vers la fin des années 60, début des années 70 comme une montée en gamme du tsurekomi yado. « Cent millions de Japonais de classe moyenne », c’était le slogan social de cette époque, quand la période de la forte croissance économique, après le choc pétrolier, a cédé la place à la stabilité économique. Une époque de prospérité qui a coïncidé avec l’arrivée à l’âge adulte de la génération du baby boom.

C’est également à cette époque que les voyages à l’étranger ont connu un essor particulier, à la suite du succès de l’exposition universelle d’Osaka (1970). Un désir d’Europe et d’Amérique a soudain fait apparaître les auberges traditionnelles de type ryokan comme des endroits sinistres et dépassés. Des entrepreneurs qui avaient réussi dans le tsurekomi yado ont décidé de développer un concept d’hôtel jouant sur une apparence occidentale exacerbée, à l’extérieur aussi bien qu’à l’intérieur.

Pionnier du love hotel de type « château moyennageux » : Le Meguro Emperor (photo : Kim Ikkyon)

L’établissement pionnier est le Meguro Emperor, love hotel qui a ouvert ses portes en 1973 dans l’arrondissement de Meguro (Tokyo), le long de la rivière du même nom. Cet étrange bâtiment aux airs de château européen du Moyen-Âge a tout de suite énormément fait parler de lui.

« L’obtention d’espaces publicitaires étant difficile aux établissements destinés à une activité sexuelle, l’idée fut de faire du bâtiment lui-même le support de sa publicité, grâce à une apparence tape-à-l’œil. Il était également nécessaire que l’établissement soit identifié au premier coup d’œil comme étant un love hotel. Le succès fut tel que de nombreux autres entrepreneurs, voulant tabler sur ce qui faisait le succès du Meguro Emperor, se sont mis à construire des “châteaux” dans tout le pays ».

Le chiffre d’affaires mensuel du Meguro Emperor à l'époque a atteint jusqu’à 40 millions de yens. C’est ce succès qui a véritablement lancé à pleine puissance le mouvement de la tendance des love hotels clinquants et fastueux, même si cette tendance s’était déjà amorcée quelques années auparavant. Des enseignes de néons totalement « bling-bling », des apparences de plus en plus extravagantes, non seulement des châteaux de contes de fées mais des églises, des paquebots de luxe… Des décors intérieurs « Jungle », « Britannia », « Ôoku » (appartements privés des shôgun et de leurs maîtresses)… qui dépassaient de loin la fonction « hôtelière » des lieux. Lit tournant, planétarium, gondole, balancelle… Plus récemment, c’est à une véritable course aux équipements les plus extravagants que l’on a assisté.

« Le Chantilly Akasaka », dans l’arrondissement de Minato (Tokyo), a ouvert en 1973, la même année que le Meguro Emperor. Si le bâtiment est très voyant, la porte d’entrée peut être considérée comme sobre.

Tels étaient les love hotels pendant la période de la prospérité économique. Ils devaient eux aussi s’adapter à la période de récession qui a suivi.

Bibliographie :
« Évolution du Love hôtel », Kim Ikkyon (Bungei Shunjû)
« Histoire culturelle de l’espace sexuel », Kim Ikkyon (Minerva Shobô)

Photo de titre : Hans Sautter

Suite dans la 2ème partie

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