La modernité de l’esthétique traditionnelle

Les « ama », des femmes résolues à sauver une tradition plurimillénaire

Société

Julian Ryall [Profil]

Il y a un demi-siècle, le Japon comptait encore 17 000 ama (littéralement « femmes de la mer »), des plongeuses en apnée perpétuant une tradition vieille de 3 000 ans. Mais depuis, leur nombre a tellement diminué qu’aujourd’hui, il se limite en tout et pour tout à 2 000 dont la moitié vit dans la préfecture de Mie, sur la côte à l'est d'Osaka. Qui plus est, la population des ama a tendance à vieillir rapidement. Comment faire pour susciter des vocations parmi les jeunes afin que cette activité traditionnelle continue à exister ?

Une activité dangereuse

Il existe deux types d’ama. Les kachido, qui vont à pied jusqu’au bord de l’eau et rejoignent leur lieu de pêche à la nage ou en groupe à bord d’une barque. Et les funado, qui opèrent à partir d’un bateau le plus souvent piloté par leur mari. Si les ama n’ont pas hésité à remplacer leur vêtement traditionnel en coton par une combinaison de plongée intégrale, elles refusent toujours d’utiliser les bouteilles qui leur permettraient de rester beaucoup plus longtemps sous la surface de l’eau. Elles disent que pour elles, c’est une question de respect des traditions, et que passer seulement un temps limité au fond contribue à éviter la surpêche.

La plongée en apnée, même de courte durée, reste une activité dangereuse. Les femmes dessinent sur la coiffe de leur tenue des motifs traditionnels censés les protéger et leur permettre de rejoindre le rivage en toute sécurité. Elles se rendent aussi régulièrement au sanctuaire shintô de Shinmei, au sommet d’une petite colline qui domine le village d’Ôsatsu. Le pavillon principal (honden) se trouve au-delà d’un vieux portique (torii) usé par le temps. Le lieu où les ama vont se recueillir est sur la droite. C’est là qu’elles vénèrent une divinité appelée Ishigami-san. Elles déposent des offrandes à son intention sous forme de saké et de gâteaux de riz sur un autel encadré par deux lanternes. En tirant sur une corde tressée, rouge et blanche, elles actionnent un petit gong dont le son est supposé attirer l’attention du dieu sur leurs prières.

La divinité Ishigami-san est vénérée dans l’enceinte du sanctuaire shintô de Shinmei, à Ôsatsu. La légende voudrait que chaque femme voie un de ses vœux exaucé par Ishigami-san, une fois dans sa vie.

Suite > Une jeune passionnée pour le métier d’ama

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Julian RyallArticles de l'auteur

Journaliste. Correspondant du quotidien britannique The Daily Telegraph pour la Corée et le Japon. Titulaire d’un diplôme de troisième cycle de journalisme de l’Université centrale du Lancashire (UCLan), obtenu en 1992. Premier voyage au Japon en 1992. Réside actuellement à Yokohama.

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