La modernité de l’esthétique traditionnelle

« Washi », le papier japonais qui dure mille ans

Culture

Le 27 novembre 2014, l’Unesco a inscrit le papier japonais, le washi, sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en tant que « savoir-faire du papier artisanal japonais ». Les techniques de fabrication du papier sont arrivées de Chine au Japon aux alentours du VIIe siècle. L’histoire du washi a donc commencé il y a au moins 1 300 ans. Les caractéristiques climatiques et géographiques ont ensuite contribué à l’apparition d’une grande variété de types de papier fabriqués à la main dans différentes régions de l’Archipel.

Le rôle capital de l’environnement et du climat

D’après Iwama Heizaburô, « le washi d’Echizen doit ses qualités à l’eau pure et douce utilisée pour sa fabrication, et à la rigueur des hivers de la région. On ne peut obtenir du papier d’une telle qualité que dans un environnement identique à celui du temps jadis ». La région d’Imadate a droit à d’abondantes chutes de neige en hiver. Il tombe souvent jusqu’à un mètre en une seule nuit. Le papier fabriqué pendant la saison froide a la réputation d’avoir une meilleure tenue et d’être de toute première qualité. Les artisans lavent à l’eau froide les longues fibres aussi brillantes que du fil de soie qu’ils obtiennent après avoir fait bouillir des morceaux d’écorce. Ils les débarrassent ensuite très soigneusement à la main de toutes les impuretés qu’elles contiennent, avant de les battre avec un maillet de façon à les ramollir et à les séparer sans pour autant les casser. Après quoi, ils les plongent dans un mélange d’eau et de tororo-aoi), une colle végétale assurant la cohésion des fibres entre elles. La pulpe à partir de laquelle sera élaboré le papier est prête.

Chiritori. Cette opération consiste à retirer les impuretés contenues dans les fibres d’écorces préalablement bouillies, les mains plongées dans l’eau froide. Les yeux exercés des artisans sont habitués à repérer les moindres particules indésirables et les plus infimes défauts des fibres.

Le retrait des impuretés (chiritori) des fibres d’écorce de plantes à papier est une phase particulièrement délicate de la préparation de la pulpe. « Pour obtenir du papier de qualité, il faut absolument effectuer cette tâche avec le plus grand soin », affirme Iwama Heizaburô. Ce travail dont l’objectif est d’éliminer toutes les traces de poussière, les particules indésirables et les imperfections des fibres est confié à des femmes ayant une longue expérience de la fabrication du papier. Elles passent des heures devant des bassines d’eau froide, le dos courbé et les yeux rivés sur les fibres qu’elles inspectent avec leurs doigts, jour après jour.

Des ouvrières penchées sur des bassines remplies de fibres de papier. Elles sont chargées d’éliminer à la main toutes les impuretés qu’elles repèrent. Elles passent ainsi des heures assises, bien emmitouflées pour éviter de prendre froid. L’atelier est en effet dépourvu de chauffage, mis à par un brasero où elles vont ranimer leurs doigts engourdis à force de rester dans l’eau glacée.

Le seul bruit que l’on entend dans l’atelier paisible d’Iwama Heizaburô est celui du clapotis que font les cadres dans les cuves remplies d’eau. Les silhouettes des femmes qui travaillent debout se détachent comme des ombres dans la douce lumière venant des baies vitrées situées en hauteur. Il fait si froid que l’air qui sort de leur bouche se transforme en buée. Elles sont équipées de bottes et de tabliers en caoutchouc et leurs manches sont relevées jusqu’en haut. Chacune déplace un grand cadre en bambou équipé d’un tamis qu’elle fait aller et venir de façon incessante dans la pulpe couleur de lait. Quand elles soulèvent une feuille de papier toute fraiche de son support, on dirait que leurs mouvements et même leur respiration sont synchronisés.

Suite > Un savoir-faire de longue date

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patrimoine artisanat tradition washi

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