La modernité de l’esthétique traditionnelle

« Washi », le papier japonais qui dure mille ans

Culture

Le 27 novembre 2014, l’Unesco a inscrit le papier japonais, le washi, sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en tant que « savoir-faire du papier artisanal japonais ». Les techniques de fabrication du papier sont arrivées de Chine au Japon aux alentours du VIIe siècle. L’histoire du washi a donc commencé il y a au moins 1 300 ans. Les caractéristiques climatiques et géographiques ont ensuite contribué à l’apparition d’une grande variété de types de papier fabriqués à la main dans différentes régions de l’Archipel.

Comment fabrique-t-on du papier japonais ?

Le secret de la résistance du washi réside dans le choix scrupuleux des matières premières et dans les techniques entièrement manuelles qui régissent sa fabrication depuis des siècles.

Pour faire du papier, les Japonais ont le plus souvent recours à trois plantes : le kôzo (mûrier à papier), le mitsumata (buisson papier, Edgeworthie à fleurs d’or) ou un arbuste appelé ganpi.

On commence par faire cuire à l’étouffée des branches dont on retire ensuite l’écorce. Celle-ci est alors battue soit à la main soit avec un pilon pour dissocier ses fibres. On plonge ensuite les filaments ainsi obtenus dans une cuve (sukibune) remplie d’eau à laquelle on ajoute de la racine d’une plante mucilagineuse, l’aibika (tororo-aoi) faisant office de colle. Après quoi, le contenu de la cuve est filtré à l’aide d’un grand cadre rectangulaire équipé d’un tamis en bambou (sukisu) auquel on imprime un mouvement de va-et-vient constant. Ceci afin de répartir la pulpe recueillie sur le tamis de façon égale, en lui donnant la forme d’une feuille. Pour que le papier soit résistant, il faut que le sukisu soit recouvert de fibres d’une certaine longueur formant un tout bien homogène.

À gauche : les feuilles de papier sont détachées une par une du tamis (sukisu) en bambou. Au centre : le sukisu utilisé pour recueillir la pulpe en suspension dans l’eau est fixé sur un cadre (sukigeta) soumis à un mouvement régulier de va-et-vient d’avant en arrière. La pulpe est ainsi répartie de façon homogène en formant une feuille d’une épaisseur uniforme. À droite : ce travail (nagashizuki) est effectué traditionnellement en hiver avec les mains dans l’eau froide pour empêcher les bactéries de se développer et donner au washi sa rigidité emblématique en contractant ses fibres.

Le processus d’élaboration du washi est pratiquement le même dans tout l’Archipel, mais chaque région produit du papier avec une texture et des caractéristiques différentes en raison notamment des spécificités de son climat et de la qualité de son eau. Dans le temps, les spécialistes en la matière étaient, paraît-il, capables de dire d’où venait une feuille de papier rien qu’en la regardant et en la touchant.

Le papier est arrivé de Chine dans la première moitié du VIIe siècle, et ses techniques de fabrication à la main n’ont pratiquement pas changé. Elles continuent à tirer le meilleur parti des qualités naturelles des matières premières auxquelles elles font appel depuis toujours. À l’opposé, le papier « à l’occidentale » (yôshi) est élaboré à l’aide de machines et de produits chimiques. Sa couleur, son toucher et sa consistance varient en effet en fonction du type d’additifs utilisés. Cette façon de procéder permet d’obtenir de meilleurs rendements et de produire en grande quantité. Mais les substances chimiques ont l’inconvénient de détériorer facilement les fibres et de rendre ainsi le papier plus fragile.

Les Japonais ont commencé à utiliser le mot washi au début de l’ère Meiji (1868-1912) pour le distinguer du papier yôshi qui venait de faire son apparition dans l’Archipel. Le prix moins élevé du yôshi et l’occidentalisation rapide du Japon – en particulier du mode de vie et des coutumes de ses habitants – qui ont marqué cette période, ont contribué au déclin du papier japonais fait à la main.

Suite > Le washi de la province d’Echizen : un papier qui dure mille ans

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patrimoine artisanat tradition washi

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