La modernité de l’esthétique traditionnelle

Les estampes japonaises, média de l’époque d’Edo

Culture Art

Brigitte Koyama-Richard [Profil]

Accrochées sur les murs des musées, les estampes japonaises sont aujourd’hui respectueusement admirées. Pourtant à l’époque d’Edo où elles furent créées, ludiques, pédagogiques, médiatiques elles faisaient partie intégrante de la vie quotidienne. Reflet de la société japonaise de cette époque, elles sont passionnantes.

Les estampes pédagogiques, ludiques et médiatiques

L’éducation occupa une place de plus en plus importante et, en dehors des écoles réservées à la classe des guerriers, se développèrent les écoles de temples, terakoya, très fréquentées par les enfants de la classe des marchands et des artisans puis par celle des paysans. L’enseignement dispensé n’avait rien de religieux, on apprenait aux enfants le calcul, la calligraphie et la lecture. Les estampes représentant les enfants en train de rire, de pleurer, de s’amuser ou d’étudier sont nombreuses. On en imprima également pour leur faciliter l’apprentissage de la lecture des kana ou des idéogrammes, ou pour retenir les noms de fleurs, d’oiseaux, etc. À l’ère Meiji où le Japon s’ouvrit au monde et où l’enseignement de l’anglais fit son apparition, des estampes furent imprimées pour apprendre l’alphabet et le vocabulaire de base de cette langue .

Personne n’oserait aujourd’hui découper une estampe japonaise. Pourtant il en existait de nombreuses destinées à cet effet, comme des planches de poupées et de kimonos à découper, des maquettes à monter, etc. Des jeux de l’oie imprimés réjouissaient aussi les enfants et les adultes. Des rébus, des estampes de jeux d’ombres chinoises étaient également très appréciés.

(A gauche) Utagawa Kuniyoshi, Rébus sur les guerriers, 1847-1852 (A droite) Utagawa Hiroshige I, Sokkyo kagebosi zukushi : Irifune / Chawan chadai, 1830-1843 (Hagi Uragami Museum)

Vers la fin de l’époque d’Edo, les Japonais s’intéressèrent de plus en plus aux mœurs et coutumes des étrangers et de nombreuses estampes présentant les étrangers dans leur vie quotidienne furent imprimées.

Les estampes japonaises furent aussi très utiles, à une époque où les journaux n’existaient pas encore, pour faire circuler l’information dans les provinces les plus reculées. On vendait ainsi des estampes présentant, en une feuille illustrée, de grands faits divers comme le décès d’un grand acteur de kabuki, des catastrophes naturelles, des crimes, etc.

De nombreuses autres sortes d’estampes, comme celles représentant d’illustres guerriers, des monstres, yôkai et autres revenants faisaient la joie des Japonais.

(A gauche) Utagawa Hiroshige II, Amérique, France, Nankin, 1860 (A droite) Katsushika Hokusai, Les cent contes, Sara yashiki, 1831-1832 (Hagi Uragami Museum)

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Brigitte Koyama-RichardArticles de l'auteur

Docteur en littérature comparée de l’Université de la Sorbonne et de l’INALCO, est professeur à l’Université Musashi dans la section des sciences humaines, où elle enseigne la littérature comparée et l’histoire de l’art. Elle a publié de nombreux ouvrages consacrés à l’origine des mangas et de l’animation japonaise, aux estampes japonaises et au japonisme, dont Japon rêvé, Edmond de Goncourt et Hayashi Tadamasa (Hermann, 2001), Mille ans de Manga (Flammarion, 2007), L’Animation japonaise, des rouleaux peints aux Pokémon (Flammarion, 2010), Les estampes japonaises (Nouvelles Editions Scala, 2014), Jeux d’estampes, Images étranges et amusantes du Japon (Nouvelles Editions Scala, 2015), Beautés Japonaises, la représentation de la femme dans l’art japonais (Nouvelles Editions Scala, 2016).

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