La modernité de l’esthétique traditionnelle

Les estampes japonaises, média de l’époque d’Edo

Culture Art

Accrochées sur les murs des musées, les estampes japonaises sont aujourd’hui respectueusement admirées. Pourtant à l’époque d’Edo où elles furent créées, ludiques, pédagogiques, médiatiques elles faisaient partie intégrante de la vie quotidienne. Reflet de la société japonaise de cette époque, elles sont passionnantes.

Les estampes utilitaires et publicitaires

C’est pour la création d’un calendrier illustré (egoyomi) que Suzuki Harunobu créa la première estampe xylographique polychrome. Les silhouettes graciles de ses personnages androgynes, les gaufrages en creux (karazuri) et en relief (kimedashi) qu’il utilisa, ne laissèrent pas d’émerveiller ses contemporains.

Utagawa Hiroshige, Edo meisho Ôdenmacho Daimaru gofukudana no zu, 1847-1852 (Hagi Uragami Museum)

À sa suite, de nombreuses estampes furent réalisées dans des buts bien précis. Le commerce étant florissant, la publicité pour les restaurants ou pour les magasins de soieries, ancêtres des actuels grands magasins, se fit par le biais des estampes, en particulier vers la fin de l’époque d’Edo. Ici, Hiroshige présente le magasin de soieries Daimaru devenu, de nos jours, un grand magasin. Des méthodes pour se protéger ou guérir des maladies contagieuses indiquant les aliments à consommer ou à éviter étaient vendues sous forme d’estampes.

Des publicités pour des cosmétiques, en particulier la poudre blanche (oshiroi) que les femmes se mettaient sur le visage et la nuque, ou le beni (ancêtre du rouge à lèvres), apparurent dans les estampes. Les trois couleurs du maquillage étaient le blanc (pour la peau), le rouge pour les lèvres et le noir pour les sourcils et les dents que les Japonaises se noircissaient lorsqu’elles se mariaient. La mode de la lèvre inférieure verte, inspirée des courtisanes, obtenue par des couches successives du précieux et onéreux beni fit aussi son apparition.

(De gauche à droite) Keisai Eisen, The Favorite Things of Eight Beauties Today: Drinking of a Toss Loser, 1823 ; Kitagawa Utamaro, Courtesan Hanaogi of the Ogi-ya and her Attendants, 1796 ; Tôshûsai Sharaku, Actor Segawa Kikunojo III as Tanabe Bunzo’s Wife Oshizu, 1794 (Hagi Uragami Museum)

Le Yoshiwara, quartier de plaisirs, célèbre pour ses courtisanes de haut rang, était souvent choisi comme motif. Ces courtisanes véhiculaient la dernière mode en matière de coiffure, de maquillage. Mais derrière les fastes et les soieries de leur kimono, leur vie n’avait rien d’enviable, et beaucoup, surtout parmi les prostituées de bas étage, mouraient très jeunes.

Avec Kitagawa Utamaro (1753-1806), la représentation de la beauté féminine atteignit son apogée. Ses portraits de femmes en gros plan sur fond micacé devinrent très à la mode.

Les acteurs de Kabuki, comme les grandes courtisanes, servaient de modèle aux peintres et étaient aussi très imités. On achetait leur portrait comme on le fit, plus tard, en Occident, de la photo d’un acteur de cinéma. Parmi les plus célèbres portraits figurent ceux que peignit l’énigmatique Sharaku dont on ne connait toujours pas la véritable identité, même si de nombreuses hypothèses ont été avancées.

Avec les voyages et les pèlerinages qui devinrent à la mode au XIXe siècle, les peintres comme Hokusai et Hiroshige conçurent de magnifiques estampes de paysages qui furent également une remarquable publicité pour les lieux célèbres qui y étaient évoqués.

Katsushika Hokusai, Les trente-six vues du mont Fuji, 1831-1834 (Hagi Uragami Museum)

Suite > Les estampes pédagogiques, ludiques et médiatiques

Tags

Hokusai kabuki histoire peinture ukiyo-e estampe culture Edo populaire art

Autres articles de ce dossier