La modernité de l’esthétique traditionnelle

Shunga : la quintessence de l’érotisme japonais

Culture Art

La plupart des gens ont eu l’occasion d’admirer des estampes japonaises pleines de vie et de subtilité, même quand ils ne connaissent pas bien l’art de ce pays. Mais les maîtres les plus connus du « monde flottant » (ukiyo) ne se sont, bien souvent, pas contentés de représenter des lieux célèbres et des scènes et de la vie rurale et urbaine de l’Archipel sur leurs estampes. On leur doit aussi des shunga (littéralement « images de printemps ») qui consistent en des scènes de sexe pour le moins explicites. Ces estampes érotiques pleines de passion et d’humour sont aussi, dans bien des cas, satiriques.

Un art qui a failli tomber dans l’oubli au Japon

6- Kitagawa Utamaro (1753-1806) Uwaki no sô (La libertine). Tiré d’une série de dix estampes intitulée Fujin sôgaku jittai (Dix physionomies de femmes). /Impression sur bois rehaussée de couleurs sur fond de poudre de mica. Signé, avec mention du titre et sceau. (1792-1793)
Une jeune fille, la tête tournée vers la droite, s’essuie les mains avec un linge. Son kimono largement ouvert laisse dépasser un sein.

L’art des shunga a commencé à être connu en Occident vers la fin de l’époque d’Edo. Lorsque le commodore Matthew Perry (1794-1858) a contraint le shogun à signer un traité autorisant les bateaux étrangers à pénétrer dans deux ports japonais, en 1854, il a reçu des « images de printemps » en guise de cadeau officiel. Par la suite Picasso, Rodin et Toulouse-Lautrec ont manifesté une admiration sans bornes pour les estampes érotiques japonaises. Curieusement, à partir du moment où l’Archipel s’est occidentalisé, les Japonais ont préféré reléguer ce type d’art aux oubliettes. Et il a fallu attendre les années 1970 pour qu’une exposition lui soit consacrée au Japon.

L’exposition du British Museum réaffirme l’importance des shunga dans l’art japonais. Mais les chercheurs de ce musée pensent qu’à l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour présenter une manifestation d’une telle ampleur au Japon.

« Les shunga ont, de toute évidence, fait partie intégrante de la culture japonaise, au moins jusqu’au XXe siècle », affirme Andrew Gerstle, spécialiste de l’époque d’Edo et professeur au SOAS (School of Oriental and African Studies) de l’Université de Londres. « Les gens sont surpris quand on leur dit que cette exposition n’a pas encore été présentée au Japon. »

D’après Tim Clark, l’exposition du British Museum a reçu un accueil extrêmement favorable en Grande Bretagne et au Japon. À Londres, le nombre des visiteurs était déjà proche de l’objectif que les organisateurs espéraient atteindre, un mois et demi après l’inauguration.

Yano Akiko, qui est chercheur associé au Centre de recherches japonaises du SOAS, a collaboré à la préparation de l’exposition du British Museum. Elle souligne que l’équipe qui organise cette manifestation a fait des « efforts énormes pour expliquer aux visiteurs un phénomène artistique complexe de l’époque moderne ».

« Je craignais que nous ayons fini par en faire trop », ajoute-t-elle. « Mais la plupart des gens semblent très intéressés par nos commentaires. Je crois qu’ils comprennent le message ce que nous avons essayé de leur faire passer et qu’ils apprécient pleinement l’exposition. C’est encore mieux que tout ce que nous avions imaginé. »

(Texte original en anglais et photographies : Tony McNicol. Images des shunga avec l’aimable autorisation du British Museum)

Tags

Hokusai histoire peinture ukiyo-e estampe culture Edo populaire art

Autres articles de ce dossier