La modernité de l’esthétique traditionnelle

La modernité à l’école du passé — Yamaguchi Akira, artiste

Société Culture Vie quotidienne

Brigitte Koyama-Richard (intervieweur) [Profil]

Yamaguchi Akira applique les techniques picturales traditionnelles de la peinture japonaise pour un propos qui appartient à celui de l’avant-garde contemporaine. Ses œuvres « pop » sont appréciées dans le monde entier. Une Française, auteur de plusieurs ouvrages sur l’art japonais s’intéresse de près à cette approche.
Article lié :【Diaporama】 L’univers de Yamaguchi Akira

Yamaguchi Akira YAMAGUCHI Akira

Peintre. Né à Tokyo en 1969. Il a grandi à Kiryu, département de Gunma. Diplômé du département de recherche artistique de l’université des Beaux-Arts de Tokyo. Tout en adoptant des procédés picturaux qui rappellent les techniques traditionnelles comme l’Ukiyo-e et le Yamato-e, son style qui fourmille de personnages et de motifs architecturaux extrêmement détaillés connaît un grand succès. En novembre 2012, il a réalisé des fusuma peints pour le scriptorium du célèbre temple Byôdôin à Uji. Publications récentes : « Bizarre histoire de l’art japonais » (Shôdensha), « Grands formats de Yamaguchi Akira » (Seigensha).

Laisser parler l’imagination du spectateur

Brigitte Koyama-Richard  Vos tableaux de batailles ne donnent absolument pas une image tragique de la guerre. Ils ressemblent plus à une partie de pique-nique.

Postmodern Silly Battle / Bataille stupide postmoderne / 1999 / huile sur toile / 97× 324cm / photo: MIYAJIMA Kei / Collection Takahashi / © YAMAGUCHI Akira, Galerie d’Art Mizuma

Yamaguchi Akira  N’ayant pas connu la guerre, je n’en ai aucune image réelle. C’est pourquoi je ressens une certaine résistance à transmettre une image de guerre qui prétende donner l’impression d’une expérience réelle. Il me semble préférable d’exprimer la peur de la guerre faisant comprendre que ce que je peins est « faux ». Il me semble que devant ce tableau, les gens imagineront que la vraie guerre est nécessairement plus horrible que cela.

Brigitte Koyama-Richard  Parce que l’imagination laissée au spectateur a un plus grand impact qu’une image imposée.

Yamaguchi Akira  Devant un lavis représentant Tokyo « à vol d’oiseau » que j’ai exposé après la catastrophe du 11 mars 2011, quelqu’un y a vu l’image d’une ville engloutie. Pourtant je n’avais pas créé cette œuvre en pensant à la catastrophe, mais il me semble que cette personne avait projeté sa pensée dans le tableau. Quand j’entends ce genre de commentaire, cela me réconforte un peu, je me dis que j’ai peut-être réussi à exprimer l’aspect universel de la ville puisque celle-ci est composée de l’accumulation de la mémoire des gens de toutes les époques.

Brigitte Koyama-Richard  Lorsque je regarde vos œuvres, je me pose toujours ces questions : D’où viennent les hommes ? Où vont-ils ? Je suis persuadée que même les Français qui ne s’intéressent pas particulièrement à l’art japonais, se poseront les mêmes questions en découvrant vos tableaux. Je souhaiterais vivement que votre art soit présenté, au musée Guimet ou dans un autre musée européen fréquenté par les connaisseurs. Votre œuvre pourrait bien provoquer un grand retentissement dans l’art occidental.

Tokio Shan shui / Tokyo Landscapes 2012 (detail) / Tokio Shan shui / Tokyo Paysages 2012 (détail) / 2012 / encre japonaise sur toile / paire de paravents à quatre pans / 162×342cm / © Nacása & Partners Inc. / Fondation d’entreprise Hermès / © YAMAGUCHI Akira, Galerie d’Art Mizuma

Coopération : Mizuma Art Gallery, Inc
Photographie de l’artiste : Kawai Satoshi

Photo de titre : The Last Supper 2008 / La Cène 2008 / 2008 / huile, aquarelle et encre sur toile / 80×233cm / photo: OHTA Takumi / © YAMAGUCHI Akira, Galerie d'Art Mizuma

▼A découvrir les œuvres de Yamaguchi Akira

[Diaporama] L’univers de Yamaguchi Akira

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Brigitte Koyama-Richard (intervieweur)Articles de l'auteur

Docteur en littérature comparée de l’Université de la Sorbonne et de l’INALCO, est professeur à l’Université Musashi dans la section des sciences humaines, où elle enseigne la littérature comparée et l’histoire de l’art. Elle a publié de nombreux ouvrages consacrés à l’origine des mangas et de l’animation japonaise, aux estampes japonaises et au japonisme, dont Japon rêvé, Edmond de Goncourt et Hayashi Tadamasa (Hermann, 2001), Mille ans de Manga (Flammarion, 2007), L’Animation japonaise, des rouleaux peints aux Pokémon (Flammarion, 2010), Les estampes japonaises (Nouvelles Editions Scala, 2014), Jeux d’estampes, Images étranges et amusantes du Japon (Nouvelles Editions Scala, 2015), Beautés Japonaises, la représentation de la femme dans l’art japonais (Nouvelles Editions Scala, 2016).

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