Quand gourmandise rime avec plaisir
Saké à la londonienne : la première brasserie de saké de Grande-Bretagne
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Bievenue dans la « nanobrasserie »
Aucune surprise dans le fait que Lucy Holmes et Tom Wilson décrivent eux-mêmes leur brasserie de saké comme une « nanobrasserie ». Avec seulement 25 mètres carrés de surface, on pourrait presque penser que la totalité des opérations de l’entreprise pourrait tenir dans l'une des plus grandes cuves de saké au Japon…
Il se trouve qu’il y a tout juste un an, les jeunes mariés étaient encore en train de brasser dans une pièce libre de leur appartement à Londres. Pourtant, c’est déjà leur troisième lot de saké. Leurs produits sont commercialisés dans le grand magasin Selfridges et font la joie des fans de saké et des néophytes de la boisson dans le sud cosmopolite et branché de Londres.
Mais en plus de sa taille compacte et d’être la première brasserie de saké en Grande-Bretagne, pourquoi cette brasserie se démarque-t-elle tant des 1 000 brasseries de saké au Japon, ou même d'autres brasseries aux États-Unis et en Europe ? L’une des réponses se trouve dans l'approche radicale que Lucy et Tom ont adoptée à la fois pour le brassage et pour le marketing.
« Nous sommes de grands amateurs de bière et le processus de brassage de saké n'est pas très éloigné de celui de la bière », explique Tom. « Nous suivons le modèle de la bière artisanale où les desiderata de tout un chacun peuvent être pris en compte, et nous produisons ainsi des petits lots spéciaux.
« Nous avons un côté très artisan et aimons mettre la main à la pâte, mais nous essayons également d’avoir recours à des techniques modernes et des profils de saveurs. C'est notre façon occidentale d’appréhender une boisson traditionnelle japonaise. »
Saké séché sur houblon et Saketini Espresso
Jusqu'à présent, Lucy et Tom ont produit trois lots de 300 litres de saké chacun, ce qui est peu par rapport à la production d'un grand brasseur de saké. Mais cette petite quantité, ils l’ont investie pour expérimenter des styles différents. La moitié de leur premier lot était un saké clair junmai, et l'autre moitié un saké trouble nigori.
Leur dernier lot comprend un saké extrêmement sec et un saké séché sur du houblon, une technique empruntée à la bière artisanale qui confère au saké une saveur houblonnée particulière. Une innovation qui pourrait choquer les puristes du saké, mais qui a rencontré un franc succès dans le sud de Londres.
« Vu les commentaires, je pense que nous allons ajouter ce produit à notre gamme », explique Lucy.
Plutôt que des bouteilles de saké traditionnelles, ou même des bouteilles de vin, Lucy et Tom préfèrent les bouteilles de bière artisanale pour leur breuvage. Tom les décrit comme des « carafes de partage ». Il y a seulement deux sortes d'étiquettes, noires et blanches, mais elles ont l’une comme l’autre suffisamment d'espace pour imprimer à la main les détails du processus de brassage.
« Imprimer à la main 800 labels à la fois, c’est pas de tout repos », ironise Tom.
En plus de vendre à Selfridges, depuis le mois de février, ils ont organisé plus de 10 dégustations notamment chez des cavistes locaux, ou dans des épiceries fines. Il est possible que seulement un tiers des personnes qui y ont participé aient déjà goûté du saké, c’est pourquoi Lucy et Tom les encouragent à boire du saké seul ou en cocktail. L'une de leurs propres inventions est le « espresso saketini » (saké nigori, espresso et Kahlúa).
« Voyage d’affaires » au Japon
L’aventure de ce couple autour du saké a commencé il y a un certain nombre d'années quand ils voyageaient ensemble au Japon. Entre deux escapades pour admirer les belles feuilles de l'automne, ils se sont rendus chez un certain nombre de producteurs alimentaires et de boissons.
« Visiter des brasseries nous a permis de découvrir une grande variété de sakés, explique Lucy, de corsés à légers et floraux. Nous avons particulièrement aimé la fraîcheur du namazake, ou saké non pasteurisé. »
Cette année, Tom est retourné étudier le brassage chez un célèbre brasseur de Kyoto, Gekkeikan. Ce couple prévoit également de visiter le nord du Japon en février 2018.
Cela n’est un secret pour personne : le brassage du saké est un processus laborieux. Mais de façon assez incroyable, cela n’empêche pas Lucy et Tom de travailler à temps plein en plus de leur brasserie. Lucy travaille dans la communication scientifique et Tom dans le marketing financier.
En fait, c’est en grande partie grâce à leurs emplois qu’ils ont pu financer leur entreprise. « Le riz et l'expédition sont très chers… tout comme les loyers à Londres », dit Lucy.
En juin, leur opération de financement participatif a rencontré un énorme succès. « Le soutien que les gens nous ont montré nous a permis de doubler notre espace et d'acheter des équipements supplémentaires comme une pompe et un filtre. »
Cibler un public peu initié au saké
Comme tout brasseur de saké vous le dira, les ingrédients clés pour le brassage sont le riz, l'eau et le kôji, une bactérie spéciale utilisée pour transformer l'amidon du riz en sucre. Jusqu'à présent, l'équipe de Kanpai a utilisé du riz pour saké des États-Unis et du Japon et importait son kôji.
Sur les conseils d'autres brasseurs à Londres, Lucy et Tom ont décidé d'utiliser l'eau locale, la filtrant pour éliminer les métaux durs et autres impuretés. Contrairement à la plupart des eaux utilisées pour la fabrication du saké au Japon, l'eau de Londres est calcaire. Pour remédier à ce problème, elle est soumise à un processus de fermentation à des températures plus basses.
Le modèle brassicole et commercial de Kanpai est très différent de celui du saké, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais les brasseurs japonais semblent fascinés par leur façon de faire. Lucy et Tom ont déjà reçu un certain nombre de visiteurs du Japon.
« C’est un peu comme s’ils nous avaient adoptés », dit Tom. « Mais je les préviens toujours avant qu’ils arrivent… que nous sommes dans un petit garage à Peckham. »
« On nous demande tout le temps s’il est possible de visiter la brasserie. Nous, on leur répond "Si vous avez 30 secondes de libre !" » plaisante Lucy.
Tom explique qu'ils ciblent un « public peu initié », des gens à Londres qui s'intéressent à la nourriture et aux boissons artisanales, mais qui ne se sont jamais nécessairement essayés au saké. « Je pense que les exportateurs de saké du Japon sont plutôt optimistes. »
De façon assez ironique, malgré toutes leurs innovations, leur méthode de brassage est assez démodée. Ce qui frappe, c’est le peu d'équipement dans un si petit espace. Il n’est évidemment pas question de haute technologie. Cette semaine, la brasserie est presque silencieuse, à l'exception d'un grondement étouffé d'une unité voisine et des bouillonnements du saké qui commence à fermenter.
Les brasseurs japonais sont intrigués par « la façon dont tout ce que nous faisons est physique et pratique » dit Tom. « Ils apprécient parce que cela reprend les techniques d’antan au Japon. »
(D’après un original en anglais de Tony McNicol. Photos : © Tony McNicol. Photo de titre : Lucy Holmes et Tom Wilson dans leur brasserie de saké)