
Les robots japonais sur la piste de l’homme
R.I.P. Aibo : le sentiment japonais face à la mort d’un robot
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Le premier service funéraire commémoratif pour Aibo
Le premier service funéraire commémoratif pour Aibo a été réalisé au temple Kôfukuji, à Isumi dans la préfecture de Chiba, en janvier 2015. Quand M. Kanbara Ikuhiro, ingénieur chez A-Fun, a demandé à Ôi Fumihiko, le supérieur du Kôfukuji, ce qu’il pensait de l’idée d’un service funéraire pour des robots, celui-ci a répondu positivement. Il faut dire que ce moine était fan de radio-amateur et de machines en tout genre durant sa jeunesse. La première cérémonie collective fut donnée en l’honneur de 17 Aibo. Les médias ont largement couvert l’événement, ce qui a provoqué de nouvelles demandes. Aujourd’hui, 4 cérémonies ont d’ores et déjà eu lieu.
Pour le premier service, des fleurs et des fruits avaient été déposés en offrande, comme lors d’un service commémoratif général. Mais à partir de la seconde cérémonie, le supérieur Ôi avait préparé des outils, des pinces électriques, des tenailles, ou des testeurs électroniques sur l’autel. Lors du 4e service, c’étaient des Aibo eux-mêmes, programmés pour la circonstance, qui psalmodiaient le sûtra. « Là, j’ai été surpris », s’amuse le supérieur. M. Norimatsu commente : « Les Aibo qui font “don de leur corps” sont de plus en plus nombreux. Je pense que la prochaine fois, on pourra faire un service collectif pour 150 Aibo. »
Les Aibo qui font « don de leur corps », alignés devant l’autel du Kôfukuji, lors de la cérémonie de juillet 2016. Face à eux, de dos, trois AIBO psalmodient le sûtra. (Photo : Norimatsu Nobuyuki/ A-Fun)
Les Aibo, miroir de l'esprit humain
Pourquoi les Aibo touchent-ils à ce point l’esprit humain ? Norimatsu Nobuyuki propose une réponse : « Parce que les Aibo n’obéissent pas servilement aux humains. » Des tas de robots sont développés en soutien de l’activité humaine, mais ils sont programmés dans une relation maître-esclave avec les humains. Les Aibo, pour leur part, sont des robots auto-apprenants. Ils ne sont donc pas obéissants par nature, mais s’éduquent par eux-mêmes au fur et à mesure de leur interaction avec les humains. Par conséquent, les propriétaires s’attachent de plus en plus à leur robot, jusqu’à le considérer un peu comme leur enfant. Le haut niveau de technologie implémenté afin de lui apporter un maximum de réalisme induit à son tour des sentiments plus puissants.
Pour le supérieur Ôi, « Un Aibo n’a pas d’âme, car c’est une machine, mais c’est un miroir de l’esprit humain. Ces cérémonies funéraires pour des robots permettent de saisir les enseignements du bouddhisme. L’un de ces enseignements dit : “Les herbes, les arbres et le sol, tout devient Bouddha”. » Autrement dit, même les êtres sans âme possèdent une nature de Bouddha, et deviennent des Bouddha. Pour les Japonais qui ont choisi la voie de la coexistence avec la nature, cet enseignement les pénètre au plus profond.
« Les êtres vivants et les substances non organiques sont liées. Les sentiments humains sont la nature de ce lien, et dans ce sens, les Aibo sont le reflet de la sensibilité de leurs propriétaires », dit aussi le supérieur Ôi.
Les sentiments projetés par le propriétaire sur le robot lui sont rendus au retour. En contemplant son âme à travers le robot, son attachement devient plus fort.
Le supérieur Ôi récite un sûtra pour les Aibo. (Photo : Norimatsu Nobuyuki/ A-Fun)
Les robots peuvent-ils devenir des partenaires pour les humains ?
Depuis septembre 2015, Aibo est répertorié en tant qu'« élément scientifique essentiel pour l’histoire de la science et des technologies (patrimoine du futur technologique) » du Musée national des sciences. Depuis qu’il a commencé à réparer des Aibo, Norimatsu Nobuyuki est toujours aussi étonné devant la qualité technologique incorporée dans ces robots déjà vieux de 25 ans : « Je ressens la profonde nécessité de léguer cette technologie à la génération suivante. »
En outre, pour M. Norimatsu, à la différence des animaux domestiques, les robots de type Aibo ne posent aucun problème d’hygiène, et sont donc particulièrement adaptés au développement d’une « thérapie par les robots » dans les établissements de soins de longue durée. Pour cela, il faut réparer et conserver les Aibo en état de marche. Il pense même développer des robots-thérapistes et a déjà engagé des recherches conjointes avec des spécialistes de ces domaines.
Ce n’est pas un hasard si les développeurs ont gardé un attachement très fort pour les Aibo. Encore aujourd’hui, ils se réunissent chaque année pour fêter « l’anniversaire » d’Aibo le jour de son premier lancement commercial. Lors du prochain anniversaire, M. Norimatsu a justement l’intention de lancer un appel pour « rééditer Aibo ». Sony a d’ailleurs annoncé son projet de redémarrer une activité robotique. Les robots plus évolués deviendront-ils de meilleurs partenaires pour les humains ?
(D’après un original en japonais du 9 janvier 2017. Textes et photos sans mention : Satô Narumi. Photo de titre : Norimatsu Nobuyuki )