nippon x fashion 2012

Harajuku, ne te laisse pas dévorer par la société de consommation !

Culture

Yonehara Yasumasa est un photographe basé à Harajuku, un haut lieu de la street fashion, qui a su décrire cette mode urbaine grâce à son appareil photo à développement instantané Instax Cheki Mini. Il nous donne son point de vue sur Harajuku, Tokyo, et le Japon à travers le prisme de la mode.

La contre-attaque des Harajuku Girls

—Alors que le Japon connaît une telle perte de dynamisme, quel est le sens de votre livre de photos intitulé HARAJUKU KAWAii!!!! girls ?

YONE J'ai suivi en direct cette girls culture née dans la deuxième moitié des années 90. C'était au départ un nouveau mouvement lancé par les jeunes filles pour elles-mêmes, mais elle a été consommée sous la forme de produits qui devaient rapporter aux vieux. Cette culture, née de la compétition qui existait entre les jeunes filles pour exprimer leur personnalité, s'est généralisée à partir du moment où les médias en ont parlé, et elle a disparu quand elle a été absorbée par la société de consommation. Mais depuis environ deux ans, nous assistons à un contre-coup remarquable, je veux parler de ces jeunes filles qu'on appelle « lectrices et modèles ». Elles ne se contentent pas d'acheter des produits, elles les customisent pour les adapter à leurs goûts, et créent ainsi un nouveau style qui leur est propre. Cela a donné naissance à un phénomène par lequel les modèles et les lectrices sont interchangeables. Plus qu'une mode ou une tendance, c'est un moyen d'exprimer leur style de vie, leur façon de penser. De plus, je vois dans les changements mineurs qu'elles savent si bien faire une grande spécificité non seulement de la culture de la mode japonaise mais de la culture japonaise dans son ensemble.

Modèle : Shirakawa Moemi (gauche), Akira (milieu), Machiko (droite)

—Vous voulez dire que Harajuku conserve son statut d'endroit où se rassemblent des filles au caractère affirmé, n'est-ce pas ?

YONE Il se peut que ce soit presque fini, mais Harajuku conserve, il me semble, encore un petit peu cet aspect. Je pense que c'est parce qu'il y a encore à Harajuku des adultes qui encouragent la jeune génération à exprimer son individualisme, qui les approuvent. Ces drôles d'adultes (et je m'inclus dans ce groupe) n'ont pas complètement disparu ! (rires) Je crois aussi que si l'on dit qu'en général la jeunesse actuelle manque de personnalité, c'est parce qu'il n'y a pas eu d'adultes capables de lui enseigner la valeur qu'il y à exprimer qui on est, à le souligner. Je pense que cela s'applique aussi au monde de la politique. Savoir ne pas exprimer son opinion est une manière de prolonger son existence dans ce monde-là, n'est-ce pas ? À mon avis, ce que les jeunes recherchent en réalité, ce sont des rapports avec les autres dans lesquels ils peuvent vraiment se montrer comme ils sont. C'est peut-être pour cette raison que les jeunes filles au caractère affirmé ont fait un tel come-back.

Modèle : Aoyagi Fumiko (haut/gauche), Tanaka Rina (haut/milieu), Murata Saki (haut/droite) Ochiai Saori (bas/gauche), Seto Ayumi (bas/milieu), Yura (bas/droite)

—Vous exercez une certaine influence à l'étranger. Quels sont vos projets dans l'immédiat ?

Les photos qui illustrent cet article sont des clichés qui n'ont pas encore été montrés de l'album HARAJUKU KAWAii!!!! girls (éd. GAIN, Nagoya, 2011) de M. Yonehara

YONE J'ai l'intention de faire savoir à quel point les jeunes Japonaises méritent qu'on s'intéresse à elles, comme je l'ai fait jusqu'à présent. Je veux montrer dans mes œuvres le moment où elles créent de nouvelles choses. Comme j'ai trop vu comment elles se sont fait absorbées par la société de consommation, je pense que je dois créer moi-même un endroit où cela ne sera pas possible. Il est fort possible que je lance à nouveau un magazine cette année. Ce serait une bonne chose qu'il en existe un qui ne cherche pas seulement à faire acheter des choses à ses lecteurs. Transformer ce projet en une proposition rentable ne sera certainement pas simple ! (rires)

Photos de l’interview : Igarashi Kazuharu

Tags

Harajuku fashion culture pop photographe

Autres articles de ce dossier