La culture pop nippone se mondialise

À la recherche de Taniguchi Jirô

Culture

Le mangaka Taniguchi Jirô est décédé en février 2017 à l’âge de 69 ans. Une exposition intitulée « L’homme qui dessine – l’univers de Taniguchi Jirô », à la Maison franco-japonaise à Tokyo, a permis de suivre les traces de cet artiste extraordinaire de bien des façons.

Une aventure humaine dans la banlieue ouest de Tokyo

L’homme qui marche, l’œuvre qui le fera découvrir en France, fait également partie de sa production des années 90. Le fait que l’histoire apparaisse par les images elles-mêmes, avant le texte, dénote une influence de la bande dessinée française, mais on peut y voir également un aspect cinématographique venu directement d’Ozu Yasujirô.

Terre de rêves est le livre que tous les amoureux des chiens doivent posséder. Le récit, poignant, sur les relations entre l’humain et l’animal, est raconté de manière intime. Le Journal de mon père (Shôgakukan) est un autre chef-d’œuvre, sur les relations entre un fils et son père.

De la fin des années 1990 jusque dans les années 2000, Taniguchi produit ses plus beaux fruits, Blanco II – Le Chien divin, Icare (sur un scénario de Mœbius), et Quartier lointain. Ce dernier surtout, chef d’œuvre d’une minutie absolue, qui ne fait l’économie d’aucun détail, et qui ne passe pas par un découpage pressé, a séduit les lecteurs français avec la puissance de chaque image qu’on ne se lasse pas d’admirer.

Le Sommet des Dieux ne se lit pas tant comme une œuvre sur un scénario adapté (d’un roman de Yumemakura Baku), mais sur la version manga d’un chef d’œuvre de la littérature de montagne. Un zoo en hiver raconte comment Taniguchi lui-même a renoncé à une vie d’employé pour devenir mangaka.

Peinture originale de la couverture de K ( scénario : Tôzaki Shirô)

Peinture originale de la couverture du Sommet des Dieux, dont le scénario est adapté d’un roman de Yumemakura Baku. Les montagnes en arrière-plan et le personnage possèdent chacun leur identité graphique distincte, ce qui donne cet ahurissant effet de troisième dimension. Une puissance artistique malheureusement bridée par l’impression, mais qui se retrouve heureusement en contemplant l’original.

En 2010, c’est Furari, puis Les Gardiens du Louvre, deux chefs d’œuvre qui marquent la rencontre du manga japonais et de la bande dessinée européenne sur le point de contact établi avec L’Homme qui marche. Comme on aurait aimé pouvoir lire plus de titres de cette fibre, que seul Taniguchi savait filer !

Les Enquêtes du limier est une série en deux tomes que Taniguchi lui-même a demandé pouvoir adapter d’un roman de Inami Itsura. Un polar humaniste centré autour d’un chien et d’un homme. Une œuvre que seul Taniguchi pouvait dessiner !

Cette exposition de planches originales de Taniguchi, outre l’hallucinante puissance graphique de l’auteur, nous fait découvrir avec étonnement l’étendue du spectre des genres que celui-ci a couvert. La fascination qu’exerce le trait de Taniguchi sur le lecteur ne saurait s’exprimer en une seule phrase, mais Yonezawa Shinya, responsable de la Fondation Papier, qui a organisé l’exposition, nous donne un indice capital pour pénétrer dans l’univers du personnage.

« Taniguchi Jirô est resté six mois à peine à Kyoto comme employé, à la fin de ses études secondaires au lycée de Tottori. Après cette courte expérience, il est monté à Tokyo et n’a plus jamais quitté les quartiers ouest de la capitale. Regardez les décors de ces récits, on reconnaît régulièrement certains paysages de Musashino. On peut même dire que tous ses récits, à partir des années 90, quand il s’est senti prêt à écrire lui-même des scénarios centrés sur l’époque actuelle, sont nés de la vision des paysages de la banlieue ouest de Tokyo. La ville basse de Tokyo, que l’on appelle « Shitamachi », ou sa région natale de Tottori, apparaissent fort peu en comparaison. Je crois que Taniguchi ne se sentait pas un homme de terroir, fortement enraciné dans une terre ou une communauté de voisinage. C’est ce qui ressort à la lecture de ses œuvres, il me semble. »

Venise, illustration originale de couverture.

(Texte et reportage : Yoshimura Shinichi. Photos : Nagasaka Yoshiki, avec l’aimable autorisation de la Fondation Papier. © Papier 2017)

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manga bande dessinée Ozu Yasujirô Taniguchi Jirô

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