La simplicité du luxe ou l’hospitalité revisitée : Sakamoto Shin’ichirô, propriétaire de l’auberge Yuyado Sakamoto

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Kiyono Yumi (Intervieweur) [Profil]

Sans faste et différente à bien des égards des auberges traditionnelles japonaises « tout confort », l’auberge Yuyado Sakamoto, niché au cœur de la péninsule de Noto, est un établissement d’une simplicité luxueuse. Elle sert des repas eux aussi d’une grande sobriété, mais qui mettent parfaitement en valeur les aliments de saison locaux. Le propriétaire, Sakamoto Shin’ichirô, nous expose sa philosophie.

Sakamoto Shin’ichirô Sakamoto Shin’ichirô

Propriétaire et cuisinier de l’auberge Yuyado Sakamoto. Né en 1954 dans la préfecture d’Ishikawa, il a ouvert en 1974 à Suzu son établissement, qui a pris la suite de l’auberge Sakamoto Ryokan gérée par son père.

“J’ai découvert ce qu’est le vrai luxe”

L’appétit de Sakamoto Shin’ichirô ne se limite pas au Japon. En 1988, dévoré par sa curiosité pour l’Espagne, il passe six mois à Séville et en Andalousie. Ensuite, il fréquente l’architecte Shimizu Masahiro, concepteur désormais retraité de nombreux établissements réputés comme l’auberge Hôrai à Atami, qui lui enseigne les secrets de l’espace et de l’hospitalité.

« Quand j’ai ouvert mon auberge, M. Shimizu et son épouse venaient souvent. C’étaient des gens très directs et, une fois, ils ont comparé la literie de mon établissement à ce qu’on pourrait trouver dans une maison de passe. Ils m’ont invité à venir chez eux pour mieux comprendre ce qu’est l’hospitalité. Leur maison était toute simple, avec un toit en tôle ondulée. Mais à l’intérieur, tout était impeccable, il ne traînait pas un grain de poussière. Ils m’ont invité à passer la nuit, et la literie était incroyablement confortable. J’ai demandé à M. Shimizu comment cette literie avait été faite et je me suis immédiatement rendu chez un fabricant renommé de Kyoto. Là, j’ai appris qu’un matelas de ce type coûtait 1,5 million de yens ! Chez moi, au petit-déjeuner, le riz et la soupe miso sont servis dans des bols laqués. Il en existe des rouges et des noirs ; c’est M. Shimizu et son épouse qui m’ont appris qu’il valait mieux servir deux bols de même couleur, c’est plus élégant. M. Shimizu était l’héritier d’une entreprise de construction du centre du Japon, mais un beau jour, il a tout perdu. C’est avec eux que j’ai découvert ce qu’est le vrai luxe. »

Le salon au parquet laqué avec son foyer et un poêle à bois

La véranda immaculée s’ouvre sur l’extérieur

Les lavabos, dépourvus de vitre, communiquent avec le jardin intérieur

Les personnalités marquantes prises pour modèle par Sakamoto Shin’ichirô et sa propre détermination ont posé les fondations de l’esthétique de son auberge.

« Nous gérons, en famille, “la plus petite auberge du Japon”, en réfléchissant sans cesse à ce qui est important. L’une des réponses est d’œuvrer dans la durée, je crois. Pour cela, il faut prendre soin de l’environnement, mais aussi de nous-mêmes. Avec le poisson, les légumes et les champignons du marché local, on a de quoi accueillir jusqu’à trois groupes de clients par jour. En janvier et février, comme il fait très froid à Noto, nous n’avons pas la force de recevoir la clientèle, alors nous fermons. Ici, on n’offre ni chaussons ni télévision, et les lavabos et les toilettes sont communs. Les lavabos sont ouverts à tous les vents et il n’y a pas d’eau chaude, même l’hiver. On ne chouchoute pas la clientèle. Les gens qui aiment ce style reviennent, mais il y en a aussi qui ne remettent plus jamais les pieds chez nous (rires). Mais en y réfléchissant, si toutes les auberges du Japon étaient gérées en fonction de données qui normalisent le confort et la rentabilité, ce serait déprimant. C’est plus amusant d’avoir des établissements différents, d’avoir le choix. Ici, ce n’est pas une auberge traditionnelle. C’est la résidence secondaire des clients qui apprécient ce style. Nous n’en sommes que les gardiens. Vu sous cet angle, c’est normal qu’on n’accueille pas les gens à leur arrivée (rires). »

Les yaki-musubi, des boulettes de riz grillées qui dégagent toute la saveur du riz soigneusement préparé. Un des plats phares de l’auberge Sakamoto.

La façade de Yuyado Sakamoto

Yuyado Sakamoto

  • Adresse : Jisha, Uedo-machi, Suzu-shi, Ishikawa-ken 927-1216
  • Tél : +81.(0)7.66.82.05.84
  • Site Web :  http://www.asahi-net.or.jp/~na9s-skmt/
  • Fermé en janvier et février. Réservation par téléphone seulement.

(D’après un original en japonais. Photos : Inomata Hiroshi)

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Kiyono Yumi (Intervieweur)Articles de l'auteur

Née en 1960 à Tokyo, diplômée de la faculté de sciences humaines de la Tokyo Woman’s Christian University (TWCU). Journaliste indépendante depuis 1992, après un séjour en Grande-Bretagne et un poste dans une maison d’édition. Ses domaines de prédilection sont l’urbanisme et les communautés locales, l’évolution des modes de vie et les portraits de personnages pionniers, au Japon comme à l’étranger. Ecrit pour Aera, Asahi Shimbun et la version électronique du Nikkei Business, entre autres. Auteure de Choisir où l’on vit pour changer de vie (Kôdansha). Prépare actuellement un troisième cycle en conception et gestion de systèmes à l’Université Keiô.

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