Kouda Riri : la reine du « cinéma rose » embrase le monde du strip-tease japonais

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Après avoir débuté dans l’industrie du X, elle a démontré son véritable talent dans la catégorie du pink eiga (cinéma rose), des films érotiques soft indépendants. Le milieu de la quarantaine passée, après avoir joué dans plus de 120 films, Kouda Riri s’est lancée ces dernières années dans une autre forme d’érotisme, le strip-tease sur scène. Un certain nombre de femmes l’adorent pour ses performances pleines d’énergie et pour son attitude d’un professionnalisme toujours aussi exigeant.

Kouda Riri (LiLee) KOUDA Riri (LiLee)

Née dans la préfecture de Saitama en 1974, elle fait ses débuts dans l’industrie du X en 1999. En 2005, elle prend le nom de Kouda Riri et tourne dans un premier pink eiga (Sabishii hitozuma yorunaku nikutai, « Femme mariée esseulée la nuit », de Takehora Tetsuya). 120 autres films de pink eiga viendront à la suite, qui lui vaudront le prix de la meilleure actrice de pink eiga à trois reprises. À partir de 2007 et pendant six ans, elle est apparue sur scène ou dans des vidéo clips comme danseuse pour différents artistes, ainsi que dans des publicités. En 2018, elle tourne dans Smoking Aliens de Nakamura Kimihiko.

Apparu après la Seconde Guerre mondiale, le strip-tease japonais s’est développé en générant une culture spécifique à part entière, au point d’être apprécié et reconnu par de grandes figures d’artistes, tel l’écrivain Nagai Kafû dans ses dernières années. En 1975, 305 salles de spectacles de strip-tease étaient recensées (Livre blanc de la police), mais elles ont toutes fermé les unes après les autres, de Hokkaidô au nord à Okinawa au sud. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 20, dont 5 à Tokyo. 

Theatre Kurihashi à Kuki (Saitama), 28 janvier 2019 © Hanai Tomoko
Theatre Kurihashi à Kuki (Saitama), 28 janvier 2019 © Hanai Tomoko

En tournée dans tout le pays

Nous avons rencontré Kouda Riri, aussi appelée LiLee, l’une des danseuses les plus demandées, qui n’a quasiment jamais cessé de tourner dans toutes ces petites salles de moins en moins nombreuses. L’industrie du strip-tease ne connaît qu’un jour de relâche par an : le 31 décembre, veille du jour de l’An. Dès le 1er janvier, l’année repart. Dans tout le pays, les programmations sont arrêtées sur une base de 10 jours par spectacle. Avec des variations selon les salles, le spectacle est généralement donné 4 fois par jour, matinées à partir de 11 heures du matin, et les soirées se finissent autour de minuit. Les horaires sont donc assez lourds. Depuis novembre dernier, LiLee est toujours quelque part sur la brèche, dans une région ou une autre.

« Je n’arrête pas, ces temps-ci ! Vous terminez à minuit quelque part, et il n’est pas rare que vous soyez dans l’avion le lendemain à la première heure pour assurer la matinale à l’autre bout du pays. Enfin, d’un autre côté, une séance, ce sont 5 ou 6 danseuses qui se succèdent l’une après l’autre, alors c’est 30 minutes chacune et 2 heures sans rien à faire. Sauf à Asakusa. Là, c’est différent : depuis toujours, ils sont restés fidèles à la forme “revue” à l’ancienne, avec des rôles, un chorégraphe, un metteur en scène, c’est du vrai théâtre. Quand la journée se termine, vous êtes épuisée. »

LiLee après une répétition de son groupe dans lequel elle était au chant. (Yoyogi, Tokyo, 28 janvier 2019) © Hanai Tomoko
LiLee après une répétition de son groupe dans lequel elle était au chant. (Yoyogi, Tokyo, 28 janvier 2019) © Hanai Tomoko

Ce que LiLee appelle « Asakusa », c’est le Rock-za, dans le quartier d’Asakusa à Tokyo. Le théâtre a ouvert en août 1947, deux ans après la fin de la guerre. C’est le plus ancien théâtre de strip-tease encore en activité du pays. Une grande salle de 129 fauteuils, un plafond très haut, pour un spectacle de revue de 90 minutes, une ambiance bon-enfant qui rend facile aux femmes comme aux débutants de pousser la porte. Les artistes, au contraire, n’ont pas une minute de pause car les apparitions se succèdent en fonction des rôles dans la revue, à 5 représentations par jour pendant 20 jours.

« Les spectatrices sont de plus en plus nombreuses depuis quelques années. Certaines ont vu leur premier spectacle à Asakusa, et ont tellement aimé qu’elles deviennent fans d’une danseuse qu’elles se mettent à suivre dans d’autres théâtres. Et chaque théâtre à son charme. Les petits ont de plus beaux éclairages, par exemple, et on danse en mettant en valeur tel ou tel aspect dans chaque théâtre. »

Devant le Yokohama Rock-za à Hidenochô, Yokohama, qui, depuis juillet 2016, a pris la suite du précédent « Hamageki » (17 janvier 2020)
Devant le Yokohama Rock-za à Hidenochô, Yokohama, qui, depuis juillet 2016, a pris la suite du précédent « Hamageki » (17 janvier 2020)

Tour pour les yeux du spectateur

Chaque danseuse a sa technique. LiLee, pour sa part et sauf à Asakusa, assure tout elle-même : la chorégraphie, la mise en scène, le choix des musiques. Son répertoire s’étend à une cinquantaine de spectacles.

« Au début, j’ai demandé à un chorégraphe, mais à partir du troisième spectacle j’ai tout monté moi-même. Je ne fais aucune mise au point en studio, parce que si j’essaie de mémoriser la chorégraphie, j’en deviens prisonnière et ça perd sa spontanéité. Ce n’est plus alors l’image que je voulais transmettre qui passe, c’est l’effort vers la perfection... Depuis que je fais mes chorégraphies moi-même, je pense que les spectateurs m’acceptent et apprécient. Et même des titres qui ne passaient pas bien au début finissent par convaincre au bout de quelques années, les fans me disent que c’est bien, c’est réussi. Un spectacle sur une chorégraphie d’un grand professionnel, c’est parfait dès la première représentation, mais mes chorégraphies à moi, elles s’améliorent avec le temps. »

©Hanai Tomoko
©Hanai Tomoko

Certains morceaux sont dansés entièrement debout, d’autres entièrement assis, la mise en scène joue sur la variation des angles. Pour la danseuse, la performance permet de jouer sur les différents registres.

« En principe, la danseuse se place sous l’angle sous lequel elle est la plus jolie, mais je peux prendre aussi des poses plus agressives ou décalées. J’exprime des émotions avec mon corps. Et quand j’essaie des choses nouvelles, parfois les spectateurs ont du mal à avaler leur salive ! (rires) »

Théâtre Kokura A-kyû, à Kita-Kyûshû, Fukuoka, le théâtre de strip-tease le plus au sud du Japon (13 mars 2019) ©Hanai Tomoko
Théâtre Kokura A-kyû, à Kita-Kyûshû, Fukuoka, le théâtre de strip-tease le plus au sud du Japon (13 mars 2019) ©Hanai Tomoko

Dans le strip-tease, le système est que le spectateur peut entrer quand il veut, et rester autant de temps qu’il veut. LiLee fait varier sa performance de l’une à l’autre en fonction des spectateurs qui restent pour voir jusqu’à trois représentations par jour. Puis, dix jours plus tard, quand elle change de théâtre, elle réadapte son show à la nouvelle scène, en fonction de l’éclairage, de la présence ou pas de rideaux, la taille de la scène, la longueur de la passerelle. Parce que son sens artistique y trouve son accomplissement, bien sûr, mais surtout par attention pour les spectateurs, par esprit de service et professionnalisme.

« Je crée mes programmes de façon à ce que les spectateurs qui me font l’honneur de venir me voir y trouve le sentiment d’assister à quelque chose qui possède une valeur qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs. Je m’exprime moi-même, mais je cherche aussi à répondre à l’attente du spectateur, ce qui exige concentration et attention à sa réaction. Je me demande à chaque fois si ce que je fais est bien ou pas... Cela ne fait que cinq ans que je suis strip-teaseuse après tout, même si j’ai une déjà longue expérience dans les arts du spectacle ! »

Dans la loge du Golden Tiger d’Asakusa, où Kouda Riri a effectué une performance en duo avec sa partenaire Wakabayashi Miho et son groupe Li2MiHOLiC (9 septembre 2018) © Hanai Tomoko
Dans la loge du Golden Tiger d’Asakusa, où Kouda Riri a effectué une performance en duo avec sa partenaire Wakabayashi Miho et son groupe Li2MiHOLiC (9 septembre 2018) © Hanai Tomoko

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