La peinture japonaise classique « nihonga » : un style artistique à l’honneur au musée Yamatane

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Nous avons rencontré Yamazaki Taeko, directrice du principal musée de Tokyo consacré au nihonga, un style de peinture japonaise. Elle a évoqué pour nous différentes initiatives mises en place pour faire connaître cette forme d’art encore souvent méconnue à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de l’Archipel.

Yamazaki Taeko YAMAZAKI Taeko

Présidente de la Fondation artistique Yamatane, et également directrice du Musée d’art Yamatane depuis 2007. Elle obtient son diplôme à la faculté d’économie de l’université Keiô puis poursuit avec un doctorat à l’Université des arts de Tokyo. Elle publie, entre autres, une étude complète, compilée dans un livre, sur l’art de Hayami Gyoshû.

Préserver les œuvres anciennes tout en encourageant la créativité

Si des efforts de créativité pour attirer le jeune public vers les expositions du musée sont nécessaires, il faut également protéger les œuvres d’art de la collection. Comme nous l’avons expliqué précédemment, les tableaux nihonga utilisent du papier et des pigments minéraux naturels. Ils sont donc extrêmement fragiles et s’abîment facilement. « D’une certaine manière, protéger les œuvres d’art et les exposer sont deux choses tout à fait contradictoires, et trouver un équilibre entre les deux n’est pas chose aisée. J’essaie toujours de me tourner vers l’avenir et de mettre tout en œuvre pour créer le meilleur environnement qui soit pour les œuvres. Je veille bien sûr également à la restauration des œuvres endommagées ».

Par ailleurs, le musée est sans cesse à la recherche de nouveaux artistes. Désireux de venir en aide à de jeunes peintres, il a lancé le prix Musée d’art Yamatane, qui a été décerné de 1971 à 1996, avec une pause jusqu’à 2016, pour ensuite récompenser de nouveaux lauréats, et le Prix du Musée d’art du Yamatane (ou Prix Seed). Décerné pour la deuxième fois en 2019, il est ouvert à toute personne âgée de 45 ans ou moins.

« Nous avons également décidé d’autoriser de nouveaux matériaux de peinture. Plutôt que de nous limiter exclusivement à des pigments minéraux traditionnels, nous avons élargi les critères d’admission pour permettre des œuvres qui utilisent l’acrylique et l’huile. Nous avons ainsi reçu de magnifiques œuvres riches en créativité. Nous espérons apporter notre soutien aux jeunes artistes en organisant ce prix tous les trois ans ».

De nombreuses œuvres mêlaient ainsi tradition et sensibilité artistique moderne. « Il est vrai », admet Yamazaki Taeko « que dans certaines œuvres récentes, il est difficile de tracer une frontière nette entre le nihonga et la peinture de style occidental, du moins en surface. Un grand nombre d’œuvres avec un style fort, tout en s’appuyant sur les traditions du nihonga, sont en fait assez modernes dans leur style et leur expression. En histoire de l’art, les traditions ont toujours su se réinventer pour donner de nouvelles formes d’expression et s’adapter aux changements d’époques. Mais je ne pense pas que ces traditions soient en train de se perdre ; elles sont au contraire toujours extrêmement présentes. Je pense que, sans parler de leur disparition, un nouveau style de nihonga est en train de voir le jour ».

Faire connaître le nihonga au monde entier

Soutenir la jeune génération de futurs peintres de nihonga qui prendra la relève mais également faire connaître les peintures de la collection du musée aux visiteurs étrangers sont deux choses particulièrement importantes pour Yamazaki Taeko.

« J’espère que davantage de touristes étrangers visiteront notre musée et découvriront la puissance d’expression du nihonga à travers notre collection. La beauté de la forme est due aux matériaux naturels utilisés dans les peintures : les pigments minéraux, le papier, la soie. De simples reproductions sur papier ne peuvent transmettre à quel point le style nihonga est unique. Par exemple, les peintures utilisent une colle appelée nikawa pour fixer les pigments sur le papier et la soie, d’où une texture légèrement granuleuse et en relief à l’image. J’espère vraiment que davantage de touristes étrangers visiteront notre musée pendant leur voyage et profiteront de l’occasion pour découvrir de leurs propres yeux les caractéristiques uniques du nihonga ».

Le musée a déjà organisé plusieurs expositions, avec pour objectif de présenter le style de nihonga aux visiteurs étrangers peu familiers de ce type de peinture. En 2014, par exemple, l’exposition Le Kawaii dans l’art japonais mettait, comme son nom l’indique, à l’honneur le concept de « culture kawaii » (kawaii signifie littéralement « mignon »), qui commençait à peine à se faire connaître à l’étranger. Dans cette exposition, c’était le kawaii qui était utilisé comme terme clé pour présenter des œuvres qui s’étalaient sur une longue période, de l’ère Muromachi (1333-1568) à nos jours. Pour les expositions « Lire le nihonga à travers la couleur : le bleu de Kaii » et « Le rouge de Gensô », les pigments utilisés pour réaliser le nihonga étaient le thème central. En plus des œuvres en elles-mêmes, de nombreux minéraux utilisés pour obtenir les pigments sont également exposés, un moyen de susciter l’intérêt des visiteurs aux matériaux qui rendent ce style de peinture si unique.

Toshi kuru (Fin de l'année) de Higashiyama Kaii, 1968 (couleur sur papier. Musée d’art Yamatane)
Toshi kuru (« Fin de l’année ») de Higashiyama Kaii, 1968 (couleur sur papier. Musée d’art Yamatane)

Oirase : Aki (Ravin d’Oirase : automne) de Okuda Gensô, 1983 (couleur sur papier, Musée d’art Yamatane)
Oirase : Aki (« Ravin d’Oirase : automne ») de Okuda Gensô, 1983 (couleur sur papier, Musée d’art Yamatane)

« J’espère que davantage de visiteurs prendront le temps, pendant leur séjour à Tokyo, non seulement de visiter les endroits dits classiques et incontournables, mais aussi de découvrir ce style de peinture typiquement japonais vieux de plus de 160 ans et encore peu connu en dehors de nos frontières ».

En tant que directrice de la troisième génération du musée fondé par son grand-père, Yamazaki Taeko est consciente que la tâche sera difficile et qu’il lui faudra redoubler de créativité pour faire découvrir à de nouveaux publics le style si unique de peinture nihonga.

(Texte et interview de Yamazaki Taeko par Itakura Kimie, de Nippon.com. Photo de titre : entrée du Musée d’art Yamatane, dans le quartier de Hiroo, à Tokyo. Toutes les photos sont de Miwa Noriaki, hormis la photo de Yamazaki Taeoko en kimono)

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